8"Hannah"

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J’avais du mal à trouver le sommeil. J’étais fatiguée et sur les nerfs en même temps.

Comment était-ce possible ? Je m’étais levée encore au beau milieu de la nuit, et j’avais emmené Wyoming faire une grande balade en voiture avant de boucler ma soirée par un Long Island super costaud.
J’aurais dû m’endormir à peine couchée.
Matt ne répondait pas au téléphone.
Et il y avait aussi cette étrange rencontre, devant le bar.
Qu’on me traite de folle, mais tandis que je me retournais pour la centième fois dans mon lit, je commençais à sentir que le choc de cette vive attirance me libérait de l’envoûtement de Matt.
Au risque de me répéter et qu’on me traite de folle.
Pourtant, ça m’ennuyait. Le bar ne manquait pas de garçons charmants, et plus d’un m’avait regardée avec insistance, mais ils ne m’intéressaient pas.
Je voulais juste danser et penser à Matt.
Matt qui m’observe, Matt qui me touche, Matt qui murmure à mon oreille.
Putain. Personne ne m’avait jamais fait frémir de désir comme Matt avec sa voix – jusqu’à ce que je ressente exactement la même chose face à cet inconnu devant le bar.

Donc ça ne provenait pas d’un truc spécial lié à Matt.
Ni de Matt et moi, ensemble, d’une alchimie démente.
C’était juste parce que j’étais bouillante.
C’était insupportable de déprécier cet état particulier… ce que je ressentais quand la voix de Matt faiblissait dans l’urgence…

Il le faut. C’est plus fort que moi. Hannah… Mon Dieu, vas-y. Jouis avec moi.

Je me suis redressée et assise sur mon lit, j’ai consulté ma boîte mail.
Rien.
J’ai lancé mon navigateur. Quelle était cette phrase bizarre que Matt avait prononcée au téléphone ? Optima… quelque chose.
Il avait dit que c’était du latin.J’ai lancé « optima expressions latin » sur Google.

Trouvé : Optima dies. Optima dies, prima fugit.
Les jours les plus heureux sont les premiers à s’envoler.
Mes yeux commençaient à me piquer. Pourquoi dire ça ? Pour me mettre la puce à l’oreille ? Avait-il depuis le début l’intention de se débarrasser de moi comme d’une mauvaise habitude dès que je serais dans le Colorado ? Les jours les plus heureux… les premiers à s’envoler.
Matt avait dit qu’il avait peur de me savoir à proximité.
Il m’avait interdit de faire des projets.
Soudain, j’ai su que c’était fini.
Quelle qu’ait été notre relation – notre flirt absurde – c’était terminé.
J’ai lu la page web. C’était une citation de Virgile, vulgarisée par l’exergue de Mon Ántonia de Willa ather.

Cather… ce nom me disait quelque chose. Après m’être creusé les méninges pendant quelques minutes, j’ai tapé « M. Pierce épigraphes » dans Google.
Je le savais.

Il avait mis en exergue de The Silver Cord une citation de Willa Cather : « Quoi que nous ayons raté, nous possédions en commun le précieux, l’incommunicable passé. »
Elle était extraite du roman, Mon Ántonia.
Troublante coïncidence.
Matt aimait-il lire Virgile ou Willa Cather ? Ou les deux ? À l’évidence, il lisait beaucoup.
Et grâce à notre projet d’écriture commun, je savais également qu’il aimait écrire.Lorsque mon téléphone a sonné, j’ai sursauté.
Mais qui m’envoyait un message à 1h du matin ? Ça, c’était ma première pensée.
La seconde : Pourvu que ce soit Matt.

Va dehors...

La gorge nouée, j’ai dégluti.
J’étais paralysée. Dehors… ?
Mon Dieu !Matt était dehors. Soit il était dehors, soit il m’ordonnait d’avoir un orgasme sur le gazon devant la maison.
Putain. Matt était devant chez moi, c’était clair. Bordel.

Fais marcher ta tête !

Je me suis péniblement hissée hors du lit et j’ai titubé vers la porte.
Je portais un boxer-short qui me couvrait à peine les fesses, et une nuisette en dentelle blanche renforcée sous la poitrine.
Oh, et le string en satin bleu parce que, c’était pathétique, mais je tenais à le porter quand Matt me rappellerait.
J’ai attrapé un vieux man teau de mon père que j’ai enfilé avant de sortir par la porte coulissante de la véranda.Bordel.
Matt était venu. Il était là. J’étais sur le point de faire sa rencontre. Et s’il était moche comme un pou, que trouverais-je à dire ? Euh… salut… bon, je vais aller me coucher. Un plan d’enfer. Et bravo pour ta légèreté, Hannah.J’ai contourné la maison en pilotage automatique. Je voulais découvrir Matt avant qu’il ne me voie. C’était facile étant donné qu’il tournait le dos à la maison, les mains en appui sur une Lexus noire. Putain de merde.Un vrai cliché. Voiture noire, homme étrange, milieu de la nuit. Il allait me kidnapper. J’allais devenir.

Long NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant