23"Matt"

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La région des Finger Lakes est riche en vignobles.
Putain, ils ont même ce truc qu'ils appellent le Chemin du Vin du Lac Seneca. On parcourt ce fichu sentier en marquant un arrêt à chaque vinerie, jusqu'à ce qu'on s'écroule. En somme, c'est un concours de beuverie pour adultes cultivés. C'est sûr, je n'emprunterai pas ce parcours. Toutefois, je suis allé à la découverte des vignes. J'ai emprunté la moto de mon frère, une Icon Sheene gris métallisé, et j'ai traversé Geneva comme une furie.
L'insouciance est sacrément libératrice.
Je veillais à ne jamais manquer de vin, de bourbon et de Dunhills, et Nate a arrêté dem'asticoter vers la mi-septembre - il était temps. Il avait eu une sacrée bonne idée - que je me mette au vert, seul -, mais je n'avais pas besoin qu'il me materne en permanence.
Bon, j'avais recommencé à boire. Et alors ? J'avais oublié que j'aimais autant ça. Et puis quoi, j'avais écrit Ten Thousand Nights bourré comme un coing. À ce jour, ça reste mon roman le plus apprécié. Je pouvais écrire Le Substitut ivre, sans problème.
Je me suis enveloppé dans un plaid pour m'asseoir sur la véranda et passer mon appel hebdomadaire à Pam.
- Matthew, a-t-elle soupiré.
Pourquoi fallait-il qu'elle soit toujours aussi garce ? Je commençais à m'attendre à son ton irrité, comme si elle pensait : « Oh, non, je suis encore obligée de me coltiner mon écrivain le plus célèbre. »
- Oui, désolé de jouer les trouble-fête, ai-je bredouillé.
Silence.
- Enfin merde, Pam, je ne suis pas n'importe qui tout de même. La dernière fois que j'ai...
- C'est l'heure, Matthew.
Sa voix était calme et distante. J'ai consulté l'écran : il était 4h du matin.
- Tu as deux putain d'heures de retard sur moi ! Enfin, Pam, et puis, putain, tu pourrais te caler sur mon emploi du temps. Je suis le futur Balzac, bordel. Pourquoi pas Proust, tiens ? Il était.
- Matthew, que veux-tu.
Il n'y avait pas de point d'interrogation à la fin de la phrase de Pam. Quelle salope. Elle savait qu'elle me tenait par les couilles parce qu'elle avait Hannah. J'ai craché une gorgée de riesling sur la rambarde. Il me fallait de la bière. Encore mieux, j'avais besoin d'une bouteille de Woodford Reserve.
- Tu sais ce que je veux. Elle en pense quoi ? J'écris comme tu me le demandes tout le temps mais putain, tu n'es ja...
- Elle l'adore.
Pam a ravalé un bâillement. Bon, je l'avais sûrement réveillée - comme si c'était mon problème. Elle ne l'avait pas volé. Elle m'avait balancé aux journalistes. Elle et Bethany, etpeut-être même Nate. Comme j'avais tout le loisir de réfléchir, j'en étais arrivé à la conclusion qu'ils étaient tous de mèche. Ils savaient pour Hannah et moi. Ils nous avaient démolis volontairement. Pourquoi, je l'ignorais, et ça n'avait pas d'importance. On ne peut faire confiance à personne.
- Je te jure, ai-je grondé. Explique.
- Elle... elle éprouve une réelle empathie pour le narrateur, le substitut.
- Pourquoi ?
- Je ne sais pas, Matthew. Nous travaillons ensemble, nous ne nous psychanalysons pas.
- Va te faire foutre, Pam !
J'ai raccroché. Qu'elle aille au diable ! J'ai vidé ma bouteille et je l'ai lâchée pour la regarder rouler sur la véranda. Quelle putain de merveilleuse nuit ! Fraîche et noire, venteuse et silencieuse. Il ne me manquait plus qu'une clope. Ou cette bière, au fait. Mon Ambien commençait à me faire de l'effet tout de même. J'aimais tant cette sensation... comme un ballon qui s'élève en se gonflant dans ma tête.
Je me suis réveillé saoul.
Mais pourquoi avais-je dormi sur la véranda ? J'étais transi de froid, en sous-vêtements, et j'avais mal partout, avachi dans cette fichue chaise en osier. J'ai vérifié mon téléphone. Oh là, j'avais parlé à Pam. Elle avait dû m'appeler en pleine nuit. Elle n'arrêtait pas de me téléphoner, elle me harcelait. Je me suis traîné à l'intérieur, et j'ai avalé deux bonnes rasades de bourbon. J'ai descendu trois verres d'eau. C'était pile ce qu'il me fallait. Adieu la migraine, la nausée et les mains tremblantes. J'ai changé l'eau du bol de Laurence et ajouté de la nourriture.
- C'est une matinée idéale, lui ai-je dit.
Je me suis habillé en sifflotant. Quel bonheur de boire... Quand je cède à la bouteille, je picole nuit et jour non-stop. Je ne fais jamais les choses à moitié.
Les pensées vrombissaient dans ma tête pendant que je me brossais les dents, que je gobais un Xanax et un Lexapro, et que je rassemblais mes dernières pages sur la table dela cuisine. J'écrivais tout à la main. La seule bonne manière d'écrire. Pourquoi utilisais-je l'ordinateur auparavant ? Stylo en main, la main sur la feuille, c'est le paradis.
La matinée était fraîche. J'ai allumé une cigarette et je suis sorti, laissant quelques fenêtres et la porte d'entrée ouvertes. Le chalet de mon oncle se trouvait au fin fond d'un trou perdu. Je me suis promené sur le chemin de graviers menant chez mes voisins les plus proches, une petite ferme qui s'appelait le Patch où des gens venaient chercher des légumes et des œufs frais. C'est la femme du fermier qui dactylographiait mes textes. Pourquoi irais-je m'embêter à les taper ? De plus, cette dame avait vraisemblablement besoin d'argent. Je la payais dix dollars le feuillet. Nos débuts avaient été difficiles - elle s'acharnait à tout formater et avait du mal à déchiffrer mon écriture - mais au bout d'un mois, nous avons trouvé le rythme. J'écrivais, j'apportais mes pages à Wendy, j'achetais deslégumes, je récupérais mes pages, je payais Wendy, j'envoyais mes feuilles à Pam, on rince et on recommence.
Je n'allais jamais sur Internet. Je n'avais même pas pris mon ordinateur avec moi. Le web était rempli de ragots en tout genre à mon sujet, et ça me renvoyait à la malveillance de Bethany. À ma rencontre avec Hannah. À présent, ces espaces irréels et anonymes, les programmes et les sites qui nous reliaient, l'écran de l'ordinateur qui brillait comme une fenêtre ouverte sur un autre monde... ce n'était plus qu'une source de chagrin.
- Vous avez des pages pour moi ? a fait Wendy en souriant, les rides au coin de ses yeux se creusant joliment.
Elle était accroupie dans un enclos grillagé au milieu d'une horde désordonnée de poussins. Quand elle m'a vu, elle s'est essuyé les mains sur son jean et a enjambé de grillage.
- Oui, une quinzaine à peu près.
J'ai marché d'un pas hésitant vers sa taule. Je ne regardais jamais Wendy dans les yeux. Je ne regardais personne dans les yeux. Le contactvisuel, c'est trop intime. Wendy le comprenait. Elle m'avait capté. Elle se moquait aussi que mon haleine empeste perpétuellement l'alcool
- c'était du moins mon sentiment. Elle a pris les feuilles et m'a frotté l'épaule. Elle avait les mains sèches et noueuses.
- Très bien, mon petit, a-t-elle dit. Vous avez vu ça comme ils sont mignons ? Regardez-les.
- Oui, ils sont adorables. Très mignons. (Je me suis passé la main dans les cheveux. J'avais besoin d'une douche. J'aurais dû avaler deux verres de plus.) Je vais regarder les animaux un petit moment. Ça ne vous dérange pas ?
Wendy a ri.
- Matt, je vous ai déjà dit que vous n'aviez pas besoin de me demander la permission. Vous pouvez venir les regarder quand vous voulez. Je serai à l'intérieur si vous avez besoin.
- Mm, merci. Merci, Wendy.
Je l'ai suivie des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans la vieille ferme. Le soleil matinal se réfléchissait sur les bardeaux blancs. La peinture se décollait par endroits. Le terrain était mal entretenu, si bien quecertaines parcelles étaient envahies par des touffes d'herbe et de la saleté. Parfait. Cet endroit était parfait. Je suis entré dans le poulailler.
- Salut, les gars.
Je me suis agenouillé en tendant la main vers les poussins. J'ai ri en les voyant s'éloigner de moi en masse.
- Bande de petits crétins. Vous êtes tout gras. Dans un mois, vous serez tous moches, tout décharnés et gris. Venez par ici.
Leurs petits piaillements ininterrompus me brisaient le cœur. J'allais sûrement pleurer une fois dans la grange. En général, c'est ce qui se passait. Quand j'ai enfin réussi à capturer un poussin, j'ai serré son petit corps contre mon torse.
Petit oiseau, ai-je pensé. Petit oiseau doux et chaud.
Je me suis promené parmi les animaux en leur parlant.
J'ai nourri les chèvres en plongeant les yeux dans leurs étranges pupilles rectangulaires. J'ai caressé le dos d'un cochon, sa peau pareille à du cuir. Dans la grange, unchat tigré s'est enfui à mon passage. J'ai regardé autour de moi. Personne en vue, rien que moi et le vieux percheron noir. Me voyant approcher, il est venu en bordure de sa stalle. Je connaissais ses habitudes. Quand il a baissé sa tête lourde vers moi, j'ai passé les bras autour de son encolure.
- Salut, mon pote, ai-je dit d'une voix éraillée.
Je ne me sentais pas vraiment triste. Mike m'avait dit que pleurer était un défouloir cathartique qui n'était pas nécessairement lié au chagrin.
Le poids de son énorme corps a fait grincer la porte de sa stalle. Son cou était tout en muscles. J'ai passé la main sous ses naseaux.
- Tu es grand et fort, ai-je murmuré.
Malgré la fraîcheur matinale, il faisait chaud dans l'écurie. L'odeur de foin et de céréales imprégnait l'air. Dès que j'ai posé mon visage dans son cou, les larmes ont coulé entre mes paupières closes.
- Matt ?
Je me suis retourné d'un bond. Merde... la fille de Wendy se tenait dans l'embrasure, souriante. Je n'arrivais pas à me souvenir de son nom. Hope ? Grace ? Un prénom sain et facile à oublier.
- Ah, fichue rhume des foins, ai-je marmonné en me frottant les yeux.
- Ouais, ça arrive. (Elle a pris une bouteille vide.) La vache vient d'avoir un petit. Faut venir le voir.
Comme elle marchait vers moi, j'ai fourré mes mains dans mes poches et détourné le regard. Âgée d'une vingtaine d'années, elle avait un visage saisissant - des cheveux noirs soyeux, des taches de son et des yeux bleus. Sa longue tresse lui battait les reins. Je la voyais presque chaque fois que j'allais à Patch, mais il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'elle puisse s'intéresser à moi.
- Oui, j'irai le voir, ai-je dit. Je fais mon petit tour, comme d'habitude.
- Ma mère a déjà commencé à dactylographier tes pages. Tu sais, ça lui plaît vraiment. Mais elle m'interdit de les lire.
La fille s'est postée devant moi. Elle paraissait si proche, mais d'un autre côté, j'étais saoul - sans véritables repères spatio-temporels.
- Bah, c'est vrai que c'est privé, ai-je marmonné.
- Pas grave, a gloussé la fille.
Se hissant sur la pointe des pieds, elle a passé les bras autour de mon cou. Ses seins ont frôlé mon torse.
- Matt ? a-t-elle chuchoté.
Je n'ai pas bougé. J'étais comme un bloc d'argile. Ses bras étaient frais et fins, et je la sentais se presser contre moi. Son souffle me chatouillait le cou. Bizarre, je ne ressentais rien. Apathique, je fixais le mur de la grange.
- Pourquoi es-tu aussi triste ? a demandé la fille. Tu es plein de tristesse. Laisse-moi te rendre heureux.
Un sourire en coin, glacial et familier, m'a déformé les lèvres.
- Tu crois que tu peux ? ai-je dit.
- J'en suis sûre. Je prendrai soin de toi.
Ses mains sont descendues dans mon dos.
Leur passage n'a provoqué aucune chaleur sur ma peau. J'ai simplement pris conscience de mes côtes et de ma colonne vertébrale en saillie. Tant que j'étais là, j'allais prendre des œufs. Plus de graisse, plus de protéines.
La fille a entrepris de dégrafer mon jean. Je l'ai laissée faire, en posant sur elle un regard impassible. Au moment où elle a pris mon sexe mou dans sa main, elle a froncé les sourcils. Le pli narquois de mes lèvres s'est crispé. Après un massage inefficace d'une minute, la fille s'est mise à genoux. Je devais reconnaître qu'elle était déterminée. Elle a léché mon membre flasque et sucé le bout. Quand elle a levé la tête vers moi, elle paraissait confuse. Ma queue s'en moquait complètement qu'elle s'intéresse à moi. J'ai haussé les épaules, puis j'ai éclaté d'un rire involontaire. Elle a rougi violemment.
- Bien essayé, petite, ai-je dit.
J'ai rangé mon organe, fermé mon jean et quitté la grange. Les éclats de rire me faisaient le même effet que les crises de larmes.
.J'ai fait cuire deux œufs en rentrant au chalet. Je les ai repoussés vers le bord de mon assiette, faisant passer quelques petites bouchées avec du bourbon. D'une certaine manière, l'alcool et les médicaments me remplissaient l'estomac. Dans la journée, j'essayais d'avaler quelque chose de consistant mais la plupart du temps, la nuit, je finissais par tout vomir. Pas de quoi en faire tout un plat ; la nausée faisait partie du jeu.
J'ai écrit pendant quelques heures, puis j'étais trop saoul pour y voir clair. Je me heurtais à un obstacle. Mon personnage principal était sur le point de faire l'amour avec la femme qu'il poursuivait pendant la moitié du roman. Je souhaitais rédiger une scène torride, mais les mots ne venaient pas. Les images ne venaient pas. En temps normal, je prenais d'abord le temps d'imaginer une scène, et je n'avais plus qu'à la retranscrire. Pas cette fois. Je ne pensais qu'à Hannah, au moment où elle la lirait. Je désirais l'écrire pour elle. J'ai essayé de retrouver notre fougue passée. Dans ma voiture, dans le champ, chez elle, dans monlit. Les images étaient stériles. Des mains sur la peau, bouche contre bouche.
Merde. Que m'arrivait-il ? Et pourquoi avais-je demandé à Pam de faire lire mon roman à Hannah ? À quoi ça servait ? Trois mois s'étaient écoulés. Notre histoire était définitivement terminée. Je me souvenais à peine du son de sa voix, de l'odeur de ses cheveux. Elle n'était plus qu'une idée.
J'avais envoyé mon récit à Hannah comme on prie - pour lancer un appel vers l'au-delà. Pour implorer sa compréhension. À la recherche de signes.
Je me suis réveillé sur le canapé. À un moment donné, je m'étais mis en pyjama. J'ai accepté le froid mordant. L'essentiel de ma vie n'était plus qu'une pénitence abrutissante.
Après deux verres et un Xanax, j'ai appelé Mike. Mike restait un psychiatre acceptable, même si je n'avais pas confiance en lui. Il m'avait approvisionné en médocs avant mon départ. Je lui téléphonais de temps à autre. Il me facturait cent dollars les trente minutes d'appel, mais l'argent n'était pas un problème.
- Bonjour, Matthew, comment ça va ?
- Très bien. Enfin, ça va. Je ne tombe pas trop mal ?
- Non, pas du tout.J'ai entendu une porte se fermer.
- Dites-moi, qui retranscrit vos notes ? ai-je demandé.
- Matthew, on en a déjà parlé. Je...
- Non, je sais. Mais la mère d'Hannah, c'est son métier, vous savez ? La retranscription. Et je me disais, si elle tape vos notes...
Mike était l'une des rares personnes à me laisser déblatérer sans m'interrompre. Évidemment, mes élucubrations lui rapportaient gros. Mais j'appréciais tout de même.
- Vous savez, ça serait mauvais pour moi.
Je tournais en rond dans le chalet. Les ombres envahissaient le sol. Je n'avais pas la moindre idée de l'heure qu'il était ni même du jour. J'avais noyé des semaines entières dans l'alcool.
- Il y a des choses que j'aimerais dire, ai-je repris, mais personne ne doit être au courant.
Ils publient tout sur Internet et partout.
La relation Mike-la mère d'Hannah échappait à mon contrôle. J'y pensais souvent. Il y avait la mère d'Hannah et le dossier médical. Il y avait Mike, mon psychanalyste. Il était possible qu'ils discutent, mais comment le savoir ?
- En tant que psychiatre, je suis tenu au secret professionnel, Matthew. Et comme je l'ai déjà dit, je dicte directement mes notes à un logiciel de reconnaissance vocale.
- C'est vrai, exact. Vous prenez des notes pendant nos appels ?
- Oui, quelques notes rapides. J'aimerais vous poser une question, Matthew.
- Allez-y.
- Prenez-vous le Zyprexa que je vous ai prescrit ?
- Non, pas vraiment. Ça me donne envie de dormir. Je prends le Xanax.
- Je vous conseille de continuer le Xanax et d'essayer le Zyprexa. Les soupçons et les frayeurs que vous m'exposez devraient...
- Très bien, si vous le dites. Je vais essayer.
Avec un sourire en coin, j'ai levé les yeux au ciel en regardant Laurence. Comme d'habitude, Mike essayait de m'accuser de paranoïa. Comme chaque fois que je me rapprochais de la vérité.
- Bref, j'ai un problème, Mike. En gros... (j'ai tapoté la plante de mon pied contre le mur) je ne bande plus.
J'ai ri en recommençant à arpenter la pièce.
- Très bien, il me faudrait quelques précisions, a dit Mike avec une froideur professionnelle appréciable. Vous avez du mal à rester en érection ou à provoquer une érection ?
- Provoquer, je crois.
- Ça dure depuis combien de temps ?
- Environ trois mois. Je ne sais pas, peut-être deux. Depuis que j'ai quitté Denver.
- Vous est-il arrivé d'essayer d'avoir des rapports sexuels mais de n'avoir aucune réaction ?
J'ai pensé à la fille dans la grange
- Enfin... pas vraiment. (J'ai fait la grimace. J'avais besoin d'un verre.) Bon, tout ce que je sais, c'est qu'avant, je me réveillais toujours avec la trique.
J'ai grincé des dents. Non, je n'allais tout de même pas raconter à Mike qu'Hannah me faisait bander d'un regard, que sa voix provoquait des pulsations dans ma queue, que je durcissais dès qu'elle me prenait dans sa main. J'avais la gorge en feu. Je me suis gratté la joue.
- J'ai juste besoin de Viagra, putain, ai-je lancé. Faut que je bande, compris ? Pour me soulager, je deviens dingue.
- On peut envisager un traitement, a dit Mike, mais je ne peux pas prescrire de médication à un jeune homme en bonne santé sans faire des analyses. Les troubles de l'érection proviennent souvent d'un dé...
- Fin de la séance.
J'ai coupé la communication et lancé mon téléphone sur le canapé.
Un jeune homme en bonne santé.
Possible que Mike ait raison. Peut-être que ma queue s'intéresserait plus à la vie si j'arrêtais de sombrer dans l'alcool. Mais, d'une certaine manière, j'en doutais.
J'ai décapsulé une bouteille de bière et je me suis assis à la table de la cuisine. J'ai promené mon stylo sur la spirale de mon cahier. Je pouvais toujours sauter la scène de sexe et y revenir plus tard. Mais comment poursuivre l'histoire ? Le sexe n'était pas ce qu'on pouvait appeler d'une importance secondaire dans l'intrigue. Merde.
J'avais supprimé les photos d'Hannah de mon téléphone depuis plusieurs mois. Je ne méritais pas de les garder, d'autant qu'elle n'aimerait pas que je les regarde. Pourtant, j'ai essayé de les rappeler à ma mémoire tout en glissant ma main entre mes cuisses.
Je me suis efforcé de me souvenir de la première fois, alors que nous étions des inconnus sur Internet.
Hannah, ouvre ton peignoir.
Et de la deuxième fois, quand j'ai eu une érection rien qu'en découvrant sa photo.
La troisième fois, dans le motel du Montana.
Mon Dieu, tu es parfaite. Allonge-toi. Pose le téléphone à côté de ton oreille. Je veux que tu aies les deux mains libres.
Je me suis rappelé sa lourde chevelure noire étalée sur mes cuisses. Sa main effleurant mon membre pour la toute première fois. Sa bouche, le pli de son genou. Les reflets du soleil sur ses cils.
Dans ma main, ma queue ne frémissait même pas.
J'ai lancé ma bouteille à travers la pièce. Quand elle s'est écrasée contre le mur, une pluie de bière et de verre est retombée sur le sol. Laurence a bruyamment bondi dans un coin de sa cage.
- Désolé, ai-je bredouillé. Putain, excuse-moi, Laurence.
J'ai repoussé mon cahier. En me levant, ma cheville s'est tordue et je me suis écroulé. J'ai accueilli la douleur comme un soulagementbéni. Le sol s'est soulevé pour venir à ma rencontre et, titubant, je me suis laissé dériver dans la rivière de l'inconscience.

Fin de ce chapitre 😏

Long NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant