Dans la lumière du petit jour, j'ai contemplé Matt qui dormait. Il était allongé sur le ventre, la tête sous un oreiller et sa main sur mon pubis.
Il était beau. Plus beau que jamais. Mon regard a exploré son long corps, suivi le dessin de sa colonne vertébrale, ses cuisses et ses mollets. J'étais rongée par l'envie de le faire rouler sur le dos pour l'embrasser jusqu'à son bas-ventre, le long de ce chemin précieux.
Je me sentais merveilleusement bien. Éreintée de toutes les façons possibles, comme si nos élans passionnés m'avaient purifiée. Au moment où je me suis dégagée de son étreinte pour me lever, j'avais la conviction de laisser quelque chose derrière moi. Mon ancienne peau. Il m'avait prise de fond en comble.
J'ai enfilé la chemise de Matt et fermé un bouton. J'ai longé le couloir sur la pointe des pieds et bu de l'eau au robinet avant d'aller à la découverte de la bibliothèque. Je ne m'étais pas trompée en l'imaginant féru de littérature. La pièce ressemblait au bureau d'un professeur, en plus vaste. Les étagères, qui allaient du sol au plafond, étaient garnies d'ouvrages de référence, de fiction et de documentaires, de traductions, de titres en langues étrangères, de livres enregistrés sur CD, de recueils de poésie, de pièces de théâtre, d'atlas - en résumé, c'était une bibliothèque abrégée.
J'ai promené mes doigts sur le dos des livres, dont certains étaient si anciens qu'ils s'effritaient. J'ai trouvé une grande section consacrée à Willa Cather. Un grand sourire aux lèvres, j'ai pris Mon Antonia sur l'étagère, avec l'impression de mener l'enquête. J'ai trouvé l'épigraphe de Virgile, entouré par Matt. J'ai tourné les pages jusqu'à la dernière. Il avait surligné tout le dernier paragraphe puis, au crayon, souligné la dernière phrase : « Quoi que nous ayons raté, nous possédions en commun le précieux, l'incommunicable passé. »
Dans la marge, il avait noté « épi ? » J'ai froncé les sourcils. Épi ? Épigraphe ? Je savais que c'était l'épigraphe de The Silver Cord de M. Pierce. Si au départ j'étais intriguée, à présent j'étais vaguement amusée. Matt serait-il un admirateur secret de M. Pierce ? Cela expliquerait pourquoi il ne cessait de me reprocher d'apprécier cet auteur - il en était lui-même fan et il était trop snob pour l'admettre.
J'ai parcouru les romans, à la recherche de la section des P. Walker Percy, Sylvia Plath, Thomas Pynchon, Puzo, Proust... tiens, pas de Pierce.
- Hannah.
J'ai sursauté.
Matt se tenait dans l'embrasure de la porte. Pâle, il avait les cheveux décoiffés. Un pantalon noir décontracté tombait sur ses hanches.
- Salut, Matt, ai-je dit dans un rire tremblotant. Tu m'as fait peur...
Putain, il avait l'air mortellement sérieux. Une fille dans la cage du lion. Une fille sur le point d'être mangée toute crue. Il a regardé le livre que je tenais dans la main entre les étagères
- Je... (je me suis éclairci la voix) j'adore tes cheveux comme ça.
Matt m'a observée un instant, puis a porté la main à ses cheveux. Quelques épis ressortaient de sa chevelure emmêlée.
- C'est la nouvelle mode, a-t-il murmuré
Quand il a esquissé un sourire prudent, j'ai ri trop vivement pour paraître naturelle. Que se passait-il ? Monsieur était mal embouché au réveil ? Ou pensait-il que je fouinais ?
L'air coupable, j'ai considéré le livre que je tenais dans la main. Bon, peut-être que je furetais un peu. Matt m'a pris l'ouvrage des mains et l'a replacé dans les rayonnages.
- Tiens, Willa Cather, brillante écrivaine. Et c'est clairement son meilleur livre. C'est celui qui justifie tout.
Pendant que Matt survolait l'étagère en souriant, j'ai admiré son séduisant profil. Voilà qu'il était chaleureux et enthousiaste alors qu'un instant plus tôt, il avait un air malade et presque violent. Je devais l'ad mettre, ses sautes d'humeur m'excitaient mais elles m'alarmaient aussi.
- Tu comprends ce que je veux dire ? a-t-il demandé.
Les auteurs écrivent un livre après l'autre, comme s'ils lançaient des fléchettes sur une cible. Beaucoup d'essais, mais ils ne mettent dans le mille qu'une seule fois, quand ils écrivent le livre qu'ils étaient faits pour écrire. Jolie chemise. (Il m'a pressé les fesses sans cesser de parcourir les étagères du regard.) Je lis pour trouver ce coup unique. Le bruit et la fureur, Un homme parmi les loups, Franny et Zooey, Les quatre quatuors...
- The Silver Cord, ai-je bredouillé.
Matt a ricané.
-Oh non, tu ne vas pas recommencer à minauder comme une fan de M. Pierce.
- C'est ça, c'est moi la petite fan, alors pourquoi tu...
Ma voix s'est éteinte. Tout en fixant l'exemplaire de Mon Antonia, je me demandais s'il était sage de le provoquer sur ce terrain. Dans quel but ? À l'évidence, il méprisait M. Pierce. Ma preuve du contraire était alambiquée et séditieuse, et en montrant que je mémorisais et décortiquais toutes ses paroles, je passerais pour une obsédée incurable de lui.
- Pourquoi je quoi ? a questionné Matt.
- Pourquoi tu... tu sais, la rumeur sur l'agence Granite Wing ?
Minable. Je n'étais pas fière de moi.
Les pupilles de Matt étaient dures comme des émeraudes.
- Comme tu l'as remarqué, a-t-il expliqué en indiquant ses livres, je suis assez cultivé. J'aime me tenir au courant de l'actualité littéraire. C'est comme ça qu'il m'arrive de lire des articles merdiques sur Fit to print1, tous les trente-six du mois, et on ne peut pas vraiment me reprocher leurs érections chroniques pour cet auteur de seconde zone. Il se trouve que je suis à même d'aborder leurs articles à travers des faits avérés sur Pierce, dont le ragot sur Granite Wing. C'est bon à imprimer, a dit Matt en pouffant, d'accord, mais dans la presse à scandale.
Lorsque j'ai posé les mains sur son torse, son expression s'est radoucie.
- On dirait que tu as une dent contre ce pauvre écrivain, ai-je dit.
Lorsque j'ai enfoui mon nez dans son cou, il a refermé ses bras autour de moi.
- Ça m'étonnerait qu'il soit pauvre. Et je n'ai de dent contre personne, d'accord ? Seulement, il n'arrive pas à la cheville de Cather.
- Moi je trouve que si. (Comme j'embrassais son téton, il a tressailli. J'adorais ça.) Et j'ai étudié la littérature, ça aide, monsieur l'homme d'affaires.
Matt m'a tapoté les fesses.
Nous avons pris notre douche ensemble, en nous donnant un peu de plaisir vite fait, Matt massant mon clitoris de son doigt savonneux jusqu'à ce que ça brûle. Après tout, ilétait peut-être dépravé, mais qu'est-ce que j'aimais ça !
Nous avons tardé à nous habiller. Matt observait tous mes gestes de ses yeux verts ardents et quand je surprenais son regard, il ne faisait pas semblant de regarder ailleurs. Il était irrésistible, avec sa serviette autour de la taille.
J'avais l'impression que je ne me lasserais jamais de son corps. Quand il a tiré sur ma serviette dans le salon, je me suis penchée pour m'accrocher au bras du canapé. Je lui ai souri par-dessus mon épaule. Ses yeux exprimaient une soif qui m'enflammait et m'effrayait en même temps, et j'ai poussé un petit cri quand il m'a pénétrée d'un coup. Ses violents coups de boutoir projetaient nos corps l'uncontre l'autre. Ses testicules butaient contre mon sexe.
Comme je l'ai dit, nous n'étions pas pressés de nous vêtir.
Finalement, vers midi, nous nous sommes habillés et avons gardé nos vêtements. Ensuite, alors que nous étions debout, face à face dans la cuisine, la tristesse m'a envahie. Matt allait bientôt me reconduire chez moi, et je n'étais pas rassasiée. J'ai trituré son tee-shirt blanc qu'il avait assorti à un short décontracté en lin marron. Je portais ma robe bain de soleil froissée.
Je me suis longuement demandé ce qui lui allait le mieux, des tenues élégantes ou décontractées. J'ai également débattu intérieurement pour savoir si Matt était réel. Quelque
chose clochait. Un jeune homme cultivé, sexy, avec un corps divin, un adorable animal de compagnie, des relations de poids, de l'argent à ne pas savoir qu'en faire, qui s'intéressait à moi ? Impossible.
- Joyeuse fête nationale, a-t-il dit d'une voix calme, interrompant mes pensées.
- Ah oui, j'avais oublié
Sourcils froncés, j'ai peigné mes boucles mouillées avec les doigts. C'était un jeudi, et Matt ne travaillait pas. Il était chez lui et me baisait dans tous les coins. Merci, les États-Unis.
- Oui, toi aussi, joyeux 4 juillet, Matt.
Je lui ai souri, et il m'a renvoyé un grand sourire.
- Comment as-tu pu oublier ça ?
- Tu parles, il n'y a pas de quoi en faire tout un plat. Mais tu as l'air d'y tenir, bizarrement, ai-je fait remarquer, intriguée. Tu es peut-être une sorte d'agent spécial, ou de la CIA... ?
Matt a eu un sourire suffisant
- Tu trouves que j'ai le profil type du patriote ?
- En fait, j'ai du mal à te définir.
Il s'est penché pour murmurer à mon oreille, d'une voix rauque :
- Mais je n'ai pas de mal à te finir, je crois, Hannah.
J'ai frissonné. Il s'est écarté. Tant mieux pour lui, parce que j'étais sur le point de le provoquer en m'allongeant sur le comptoir.
- Plus sérieusement, a-t-il repris, si j'ai retenu que c'était un jour férié, c'est parce que tu vas être occupée.Mon cœur a bondi dans ma poitrine. Je pouvais ajouter « charmeur à l'extrême » à la liste de ses caractéristiques.
Désoler du retard je n'avais plus aucun téléphone j'en suis désoler, ce chapitre et super long donc je le verrait en deux partie