-Tu as des projets pour le 4 juillet ? a demandé Matt tandis que nous traversions la ville.
Il était arrivé chez moi à midi pile et m'avait attendu devant sa voiture. J'avais la ferme impression qu'il évitait ma famille - ou l'humanité en général.
Il était séduisant, comme toujours.
Il portait un pantalon gris foncé et une chemise claire aux manches enroulées. J'étais raisonnablement certaine qu'il portait des Ferragamo aux pieds, même si je n'avais pas l'intention de vérifier, et à son poignet, sa montre était aussi massive qu'une ancre marine. De mon côté, je portais une petite robe bain de soleil jaune de chez Macy. Formidable, je devais ressembler à sa nièce.
J'avais pris mon gros fourre-tout puisque Matt tenait à ce que je prenne mes sex toys. Il fallait à tout prix que je découvre ce qu'il faisait dans la vie. Il s'habillait comme un dieu du sexe, conduisait la voiture la plus sexy dans laquelle j'aie eu l'occasion de monter, et me faisait livrer la Rolls des sex toys en un clin d'œil.
De plus, je commençais à être mal à l'aise d'avoir une relation sexuelle suivie avec un homme qui demeurait somme toute un étranger.- Le 4 ? ai-je dit en m'efforçant de détacher mon regard de ses avant-bras nus. Je ne crois pas. De notre terrasse, on voit assez bien les feux d'artifice. J'imagine qu'on va simplement manger des hamburgers et flâner, comme d'habitude.
Honnêtement, la fête nationale m'était sortie de la tête, comme à peu près tout le reste, grâce à Matt.
- Et toi ?
- Rien de prévu.
- Tu as de la famille dans la région ? ai-je demandé en observant sa réaction.Matt fixait la route. Rien n'a changé dans son expression.
- Non, pas dans le coin. Deux frères sur la côte Est.
- Des frères ? C'est sympa. Vous vous entendez bien ? Ils sont plus jeunes ou plus vieux que toi ?
Un millier de questions me brûlait les lèvres.
- C'est bon ici, a dit Matt.Nous étions garés devant un restaurant méditerranéen. Fin de la conversation.
Après déjeuner, Matt m'a m'entraînée sur les trottoirs de Denver avec une impatience qui était devenue sa marque de fabrique.
- Matt, ai-je dit le souffle court, mes jambes sont plus petites que les tiennes.
- Je suis bien placé pour le savoir, a-t-il répondu avec un clin d'œil.Soudain, nous nous sommes arrêtés devant un bâtiment de taille moyenne, à l'angle d'une rue. Dans ce cadre chic, une statue près de l'escalier a attiré mon attention. C'était une aile en pierre disposée en saillie dans une petite fontaine.
Pas croyable.
J'ai vérifié l'inscription gravée au-dessus de la porte : AGENCE GRANITE WING.
- Matt, que...
Il ne m'a pas entendue, parce qu'il s'est écarté de quelques pas et a sorti son téléphone. Je l'ai entendu rire.
- Oui, a-t-il dit. D'accord, très bien. J'ai préféré éviter de passer par ta secrétaire. Oh, elle est partie découvrir le monde?Après quelques plaisanteries et un éclat de rire sec, Matt a rangé son téléphone dans sa poche. Me prenant par la main, il m'a emmenée à l'intérieur de l'immeuble. Je jacassais à bâtons rompus mais, à mon avis, Matt ne m'écoutait pas, même s'il me souriait de temps à autre. Était-ce son sourire qui faisait flancher mes genoux, ou le fait de me trouver dans l'agence qui, disait-on, représentait M.Pierce?
Et la rumeur sur M. Pierce n'était qu'anecdotique, comparée à la réputation de l'agence. Pamela Wing et son associée, Laura Granite, géraient certains des plus grands noms de la littérature. Elles étaient connues pour repérer les talents et pour être des négociatrices impitoyables. Elles débauchaient des auteurs d'agences concurrentes aussi, tout cela depuis leurs modestes bureaux de Denver.- Matt, pourquoi sommes-nous ici ? ai-je questionné.
Ma voix a résonné dans le hall. Matt m'a regardée, sourcils froncés.
- Je t'ai dit que je connaissais des gens dans le milieu.
Je me suis sentie blêmir. Des relations ? Des employeurs potentiels ? Ici, maintenant ?