3"Matt"

1.5K 60 0
                                    

Hannah a prononcé mon nom pour la première fois dans la salle de bains d'un motel, quelque part entre Washington et le Colorado.

Mon Dieu, Matt... je le sens, je suis toute mouillée.

Ça m'a fait un truc. Comme si un tour de clé avait activé mes sens.

Ensuite elle m'a demandé si j'étais fan de mes propres livres. Ça aussi, ça m'a fait quelque chose. Ça m'a fait raccrocher

Il était 5 h du matin, et j'arpentais l'appartement en soupesant mon accès de décisions stupides. Décision stupide numéro un : donner mon numéro de téléphone à Hannah. Décision stupide numéro deux : citer mon livre. Quelles étaient mes chances qu'Hannah ait lu mes livres ? J'ai enfoui ma tête dans mes mains en râlant. Assez élevées, quand on sait que j'ai publié quatre best-sellers nationaux. Décision stupide numéro trois : le sexe au téléphone avec Hannah. Je ne connaissais même pas cette fille. J'avais une photo (celle qui s'effaçait rapidement de ma mémoire), un nom et un âge, quelques détails sans importance, et une fixation grandissante. Et une petite amie.

Et d'abord, quel genre de fille était Hannah ? Quel genre de fille s'adonne au téléphone rose avec un inconnu rencontré sur Internet ? J'étais mal placé pour la juger. Après tout, quel genre de gars s'adonne au téléphone rose avec une inconnue rencontrée sur Internet ? Au moins, Hannah était célibataire. Je pouvais peut-être considérer l'incident du déshabillé comme un accident, mais le sexe par téléphone, c'était clairement tromper. J'étais en passe de devenir un salaud, et rapidement en plus.

J'ai attrapé mes Dunhill de secours, et j'en ai allumé une sur le balcon. J'ai « arrêté » de fumer il y a cinq ans, en même temps que l'alcool et la drogue, mais j'ai toujours un paquet de clopes sous la main pour les moments comme celui-ci. À 7 h, j'étais toujours en train de fumer, le regard perdu sur la ville. C'était un matin frais et dégagé ; la journée s'annonçait caniculaire. La ville s'éveillait autour de moi. Les joggers se croisaient dans la rue, les chiens aboyaient et les klaxons retentissaient.

Je m'étais considérablement calmé et j'avais plus ou moins réussi à démentir ma stupidité à grand renfort de logique.

Citer mon livre : et alors ? Aucune chance pour qu'Hannah en déduise que j'étais M. Pierce. À la lumière du jour, ma légère attaque de panique me semblait absurde.

Donner mon numéro de téléphone à Hannah (plus le sexe au télé phone) : j'avais suivi les conseils médicaux professionnels de mon psychiatre, « m'ouvrir à de nouvelles expériences », « m'autoriser à avoir besoin des autres » et « dépasser les limites imposées par les normes sociales. » Beau travail.

Mon téléphone a signalé un message. J'avais reçu un court e-mail de Bethany. Elle était à Gramado.

« N'oublie pas d'arroser le citronnier. Tu manges bien ? Je ne vais pas m'embêter à te décrire cette ville puisque tu la connais déjà. Je regrette que tu ne sois pas là. Tu n'as pas intérêt à ressembler à un squelette quand je rentre. N'oublie pas, les trucs dans le frigo ont une date de péremption. Bisous, Bethany.

Elle était comme ça, ma petite amie, un instinct maternel excessif et tout le tralala. Je lui répondrais plus tard. Pour l'heure, j'avais envie de rester comme ça, perdu dans mes pensées avec Hannah.

J'ai ôté mon tee-shirt et je me suis affalé sur le canapé avec un carnet de croquis et un crayon. Laurence était réveillé. Ses longues oreilles ont pivoté dans ma direction comme des antennes paraboliques. Il s'est étiré et a sautillé vers sa litière.

- Salut, mon pote, ai-je dit au lapin, en tapotant mon crayon sur une page vierge.

J'ai entrepris de dessiner le souvenir qui me restait de la photo d'Hannah. J'ai commencé par ses yeux, qui étaient grands et sombres, puis j'ai tracé son nez fin, et je suis descendu vers ses lèvres pleines et expressives. J'ai essayé de capturer la douceur de son visage, son contour ovale encadré d'épaisses boucles brunes. J'ai noirci l'ombre de ses lunettes. D'un trait léger, j'ai esquissé l'encolure de son haut, et suggéré son décolleté d'une tache noire. J'ai considéré le portrait d'un regard critique. Pas mal, mais pas tout à fait ça. J'ai fermé les yeux. J'ai redoublé d'efforts pour me remémorer la photo. Sa voix au téléphone m'est revenue à l'esprit. Ni trop aiguë ni trop grave, veloutée et féminine. Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? La colère la rendait adorable.

Fais-le avec moi. Matt, s'il te plaît

Je me suis lentement réveillé à midi. J'étais étendu sur le canapé, mon carnet de croquis ouvert sur les cuisses, en érection. Évidemment.

J'ai fixé le citronnier jusqu'à ce que mon tronc d'arbre ramollisse. Ensuite j'ai appelé Hannah. Elle a répondu à la fin de la deuxième sonnerie.

- Allô ? a-t-elle dit d'une voix légèrement éraillée.

- Salut, petit oiseau.

- Oiseau ? a-t-elle gloussé. Désolé, trésor, c'est la sœur d'Hannah. Elle conduit.

J'ai lancé des regards noirs à mon croquis en envisageant de raccrocher

- Tu devrais peut-être prendre le volant, ai-je grommelé, ou éviter de répondre au téléphone de ta sœur.

- C'est elle qui me l'a donné, « monsieur mal embouché ».

J'ai entendu Hannah dans le fond. Elle avait l'air ennuyée, mais je ne comprenais pas ce qu'elle disait.

- Qu'est-ce qu'elle a dit ? ai-je demandé.

- Elle a dit que j'avais intérêt à arrêter de te provoquer. Elle a dit salut aussi. Hé, c'est toi le nouveau mec d'Hannah ?

- De quoi ?

Je me suis redressé. Mon carnet est tombé sur le sol. Un nouveau mec ? Hannah avait un nouveau mec ? La colère - doublée d'une bonne dose de jalousie - m'a serré la poitrine

-Ouais. Le nouveau mec. C'est toi, son nouveau mec ?

- Non, je...

Les sons ne parvenaient plus à franchir mes lèvres. Hannah m'avait dit qu'elle avait quitté son copain, mais elle avait omis de préciser qu'elle le quittait pour un autre. J'imagine que ça faisait de nous deux ordures infidèles. Parfait. Alors pourquoi étais-je blessé ? Pourquoi avais-je l'impression qu'elle s'était servie de moi ? De toute manière, je ne pouvais pas être avec Hannah. Je ne pouvais même pas la rencontrer - pas sans risquer de voir ma légère obsession virer à l'infidélité consommée. Je n'étais pas comme ça. À moins que si ? J'avais la nausée

- La Terre appelle « Monsieur mal embouché » ! a crié la sœur d'Hannah.

- Va te faire foutre, ai-je lancé en coupant la communication.

Chapitre de Matt assez court alors je vous mettre une autre partie se soir ✔

Long NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant