J'ai considéré la liste des travaux confiés par ma mère d'un air dubitatif. Ça, elle ne blaguait pas en proposant de me déléguer une partie de son travail, mais avais-je mon mot à dire sur le jour où je commencerais à m'y mettre ? Bien sûr que non, sinon j'aurais choisi un meilleur moment.
J'avais dormi jusqu'à 14 heures, et je m'étais réveillée excitée. Je me souvenais de quelques scènes de mon rêve - les bras musclés de Matt qui me plaquaient contre lui, sa tête pressée fougueusement contre mon sexe - et pendant un bref instant de panique, j'ai craint d'avoir fantasmé la nuit entière. Mais non. J'avais le dos et les membres endoloris suite à nos ébats dans la voiture de Matt, et dans le champ bosselé. De plus, quand je suis entrée en titubant dans l'espace commun du sous-sol, Chrissy m'a aussitôt sauté dessus.
- Bonjour, Beauté ! (Chrissy et Jay jouaient à la PS3. Elle a jeté sa manette.) Alors, tu vas me raconter si tu t'es tapé ce trésor, oui ou non ? Parce que si c'est juste un ami, j'aimerais vraiment que tu me files son numéro.
Je l'ai regardée de travers. Imaginer Matt avec ma sœur - ou Matt avec quiconque, en réalité - me faisait serrer les poings. Toutefois, je savais que Chrissy n'était pas le genre de Matt. Elle était trop agressive ; Matt était trop autoritaire. Les voir l'un en face de l'autre ce matin m'avait donné l'impression d'assister à un combat de catch, et avec plus de temps, ils auraient fini par sortir les griffes.- Il est à moi, ai-je déclaré. Enfin, en quelque sorte. Et puis il a sept ans de plus que toi.
- Un félin se cache en chaque homme ! a crié Chrissy tandis que je sortais du sous-sol.
Bon, j'avais oublié que la PS3 et la Xbox 360 se trouvaient en bas. Adieu l'intimité. En même temps, je n'avais pas prévu d'inviter Matt dans ma chambre. Pas pour... pas pour coucher, tout du moins.
Des frissons agréables me parcouraient la peau tandis que je préparais le café en sifflotant. Pas pour coucher, la bonne blague ? Je serais capable de baiser avec lui dans un placard. Mes pensées me ramenaient à toutes les manières dont il m'avait touchée. Mes fesses, mes seins, mon sexe. Mon Dieu, je raffolais de sa façon de me traiter, comme s'il avait des droits sur mon corps. Comme si je lui appartenais. J'adorais sa voix, qui réclamait, ordonnait, rabaissait et qui, en fin de compte, transmettait un besoin extrême. C'était sans doute ce que je préférais - entendre Matt perdre la tête.J'ai besoin de jouir, Bébé. Fais-moi jouir.
Je regrettais de ne pas réussir à exercer un peu de mon pouvoir féminin sur lui. Malheureusement, je devenais complètement zinzin en sa présence. Il fallait que ça change. Je suis entrée dans le bureau d'un pas traînant.
Mon père avait dû déballer mes affaires et installer mon bureau avant de partir travailler, ce que j'ai constaté avec une pointe d'inquiétude. D'abord mon lit, et maintenant l'ordinateur. Il était impératif que je termine de défaire mes valises avant que mon père ne s'en charge à ma place. Je me sentais assez minable comme ça en revenant vivre chez mes parents. Je devais montrer à mes pa rents que j'allais être productive. En d'autres termes, je devais me rendre utile à la maison et commencer à chercher du travail, au lieu de foncer sur le premier garçon qui croisait mon chemin pour être happée dans une histoire merdique.
Donc... sortir prendre un verre, faire une nuit blanche, baiser et dormir jusqu'à 14 heures était un excellent début à mon été de glandeuse. Ouille. Prise d'un sentiment de culpabilité, je me suis attelée aux tâches que ma mère m'avait envoyées par e-mail. C'était important pour elle. Elle travaillait comme infirmière à mi-temps et faisait en plus des travaux de retranscription à la maison, sans compter qu'elle continuait à rembourser les emprunts qu'elle avait souscrits pour financer ses études d'infirmière. Peut-être que je refuserais son argent au moment où elle me paierait. Je me demandais combien de temps je pouvais faire le plein de ma voiture et payer mes courses avec les sept cents dollars qui me restaient sur mon compte. Pouvais-je garder ma mutuelle ?
Il m'a fallu deux heures pour venir à bout des exercices simples confiés par ma mère. Je rêvassais trop.
J'ai ouvert ma boîte mail en faisant craquer mes doigts, souriant comme une imbécile heureuse. Enfin, je pouvais composer l'épisode suivant de notre récit collaboratif. Ça m'avait terriblement manqué.
Lana et Cal installaient un campement au bord de la rivière, au milieu de nulle part. Je prenais peut-être mes désirs pour la réalité, mais je sentais que la tension sexuelle grimpait entre nos personnages. Est-ce que ça contrarierait Matt si ça devenait scabreux ? Si oui, il avait suffisamment de talent pour trouver une transition vers une scène agrémentée de rideaux qui flottent dans le vent - ou d'herbes hautes dans le vent, dans ce cas précis.
Mmm, le champ. J'ai rêvassé un instant, revivant le regard de Matt sur moi alors que j'étais couchée sur la couverture, ma nudité exposée rien que pour lui. Avec son physique, comment pouvait-il être en manque de sexe - pourtant, il semblait affamé. Avait-il seulement faim de moi ? Soudain, j'ai eu l'impression qu'il fai sait chaud dans le bureau. Zut. J'ai commencé à écrire.
J'ai entraîné Lana et Cal dans les tâches quotidiennes d'un bivouac, soigner les chevaux, allumer un feu, installer les couches - puis je me suis concentrée sur Lana. Elle souffrait de courbatures d'avoir trop monté à cheval, le visage noirci par la poussière du chemin. La rivière semblait fraîche et noire, tourbillonnant doucement au point le plus profond. Elle sortit un morceau de savon de son sac et se déshabilla le plus discrètement possible. Après qu'elle était entrée dans l'eau en jetant un regard à Cal par-dessus son épaule, j'ai envoyé mes paragraphes à Matt. Un e-mail de lui est apparu presque au même moment. Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire en remarquant qu'il avait utilisé un autre compte. Son compte principal, apparemment.