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Je me redresse sur le lit où je dormais à poings fermés et observe les murs de la casa qui m'entourent. Je ne suis ni dans ma chambre, ni dans la voiture. Je n'ai même jamais vu cette maison. Elle est - à première vue - beaucoup plus grande que toutes celles que j'ai pu voir jusque là, bien que son mobilier simple et quasi inexistant fasse tâche. Je m'extirpe des draps blancs et m'étire rapidement. Mon sang ne fait qu'un tour et mon coeur rate un battement lorsque je le vois. Il est là, dos à moi, penché sur une table à faire je ne sais quoi. Pour une raison inconnue je frémis et plaque mes mains contre mon tee-shirt et mon short. Ils sont encore là, pensai-je, rassurée. Bien sûr qu'ils sont encore là idiote, tu croyais quoi? Honteuse d'avoir eu une telle pensée, je me racle la gorge et Caylan fit volt-face.

-Je suis où là? dis-je en m'approchant de lui.

-Moi aussi j'ai une casa, figure toi, me répond t-il, les yeux rivés sur la table.

-C'est chez toi, là?

-Il semblerait. Tu t'es endormie dans la voiture, tu ne voulais pas te réveiller.

Si Cassio tenait tant à ce que je me réveille pour que je rentre chez moi, il aurait tout fait pour, ça n'en fait aucun doute. Cette pensée m'arracha alors un sourire fière. Je me pencha par dessus la table et vis un carnet noir de calculs ouvert sous les yeux de Caylan. Des calculs, des opérations, quelques mots abrégés, voilà tout ce qu'il y a dessus. Ce doit être un carnet où il répertorie les gains mensuels, annuels ou autre en rapport avec le business du gang. Un stylo noir dans les mains, il s'empresse de rayer une rangée complète avant de refermer le carnet sur la table. Et c'est ce moment que choisit mon cerveau pour se remémorer les événements de la veille. Oliver à l'hôpital, Adrianna à son chevet, Adrianna au courant pour mon affiliation au gang... Mon teint devient livide et Caylan le remarque aussitôt.

-Si t'as faim y'a des gâteaux dans les placards, dit-il simplement.

-Je n'ai pas faim, soulignai-je en enfilant mes baskets, je dois aller voir Oliver à l'hôpital.

Et comme une parfaite idiote, je reste plantée devant lui comme s'il allait proposer de m'y emmener. Les lèvres pincées et la mâchoire serrée, il me fixe d'un air colérique. Je m'apprête à ouvrir la bouche pour lui demander s'il pouvait m'y emmener, mais il me devance, d'une voix sèche.

-Bah vas-y, vas -t'en.

Les yeux écarquillés, je le consulte une dernière fois du regard avant de quitter la casa d'une démarche nerveuse. Je réalise très vite que sa maison est située bien au dessus de la mienne, au sommet de la Favela. Je ne savais même pas que ce coin là existait. Aussi, je marche le long d'un étroit chemin bordé d'arbre et de fleurs tropicales.

Je n'en reviens pas, c'était quoi ce changement d'humeur? Il m'a complètement dénigré du regard, comme s'il avait à faire avec une parfaite inconnue, comme s'il ne m'avait pas embrassé la veille, comme si... Il m'énerve! Je ne le supporte plus! Je ne le comprends plus! Je ne l'ai jamais compris en vérité! C'est dans les moments les plus durs qu'on repère les personnes qui tiennent à vous! Et Caylan en a clairement rien à foutre de moi! Au même instant, une douleur inestimable me tord l'estomac en deux. Ma vue se trouble et je me penche en avant. La seconde d'après, je me mets vomir tripes et boyaux. Mon cœur rate un battement lorsque je remarque la couleur étrange de mon renvoi. Il est rouge foncé, comme si je venais de vomir du sang. Prise de vertige, je fais un pas en arrière et manque de m'étaler sur un buisson. Et c'est la peur au ventre et l'estomac douloureux que je me relève et reprend ma route. Quoi que ce soit, ça attendra, il faut que j'aille voir Oliver, lui n'a plus beaucoup de temps.

De retour à la favela, je rejoins ma casa où ma mère cuisine. Calebe est à l'école et ne rentrera pas avant ce soir.

-Tu étais où? me demande t-elle en coupant une courgette.

La Favela du Crime - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant