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Je referme la porte sous le regard froid de ma mère puis m'avance d'un pas hésitant. Ses yeux glissent sur l'arme, ses traits se figent. Résignée, je la dépose sur la table et reste plantée devant ma mère.

-D'où sors-tu ça? demande-t-elle de but en blanc.

Je fixe obstinément l'arme, n'osant pas affronter le regard de ma mère. Je ne pouvais décidément pas lui dire la vérité.

- Je l'ai trouvée, dis-je alors, je me suis dit qu'elle valait de l'argent.

Ma mère me regarde dans les yeux, je vois bien qu'elle est perplexe.

- Tu me mens Thalya?

- Non... dis-je hasardeusement.

-Va dormir, va, finit-elle par lâcher au bout d'un long silence.

Je récupère l'arme et sans rien dire de plus, m'éclipse dans ma chambre. J'ai conscience de laisser derrière moi ma mère, seule et désemparée. Tentant de refouler ce désagréable pincement à l'estomac, je range l'arme sous mon matelas et finis par m'endormir.

Le lendemain matin, lorsque j'ouvre les yeux, je vois Calebe, l'arme dans les mains. Je me lève en vitesse et la lui arrache des mains. 

- Ne touches pas à ça! grondai-je en faisant les gros yeux.

- Pourquoi? Et où est-ce que tu l'as eu? 

- Ce n'est pas tes affaires et c'est dangereux. Maintenant va te préparer.

Calebe descend du lit en soupirant et sort de la chambre. J'en sors à mon tour, prends une douche rapide. Je m'habille rapidement, récupère l'arme et la range au fond de mon sac de cours. Quelques secondes plus tard, Calebe me retrouve devant la casa, un bout de pain dans la bouche.

Nous descendons la pente et je dépose Calebe avant de rejoindre ma classe. Alors que la sonnerie de la récréation sonne, je reste assise en classe, réfléchissant à comment me sortir du pétrin dans lequel je me suis fourrée. Je vais devoir revendre deux fois plus, voire quatre fois plus de drogue afin de pouvoir donner l'argent à mamãe et lui faire croire que c'est l'argent de l'arme.

Étant donné qu'aujourd'hui je finis à 18h00 - à cause de l'intervention d'une aide humanitaire pour les plus pauvres, comme si on avait besoin de ces gens là pour apprendre que nous sommes très pauvre - j'ai prévenue Calebe de rentrer seul. 

Au bout d'une heure, les trois intervenants nous lâchent et nous quittons tous l'école. Je remonte la pente à vive allure et lorsque j'atteints ma casa, ma mère m'attend devant la porte.

- Bonjour mamãe, dis-je de bonne humeur.

- Bonjour, répond-t-elle froidement, dépose ton sac et prends l'arme.

- Pourquoi? dis-je en déposant mon sac dans ma chambre.

Ma mère me suit.

- Nous allons voir un spécialiste en ville, il nous dira combien elle coûte.

- Ah...

Je sors l'arme du fond de mon sac et la range dans l'élastique de mon short, suivant ma mère en descendant la pente de la favela. Arrivées au sentier puis au centre-ville, nous entrons dans une petite boutique, le spécialiste. Je ne sais plus son nom mais c'est un vieil homme qui  vivait dans la favela. Il a poursuivit son rêve et est parti vivre en ville. 

Ma mère lui tend l'arme, il l'examine quelques minutes, ouvre la recharge, appuie plusieurs fois sur la gâchette dans le vide.

- C'est une Taurus PT 1911, dit-il alors, ce petit bijou coûte dans les... je dirais... 800 Réals...

La Favela du Crime - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant