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Les cris de ma mère me réveillent, je me frotte les yeux et la rejoins dans la cuisine. Mon frère avait une énorme tâche sur son tee-shirt bleu. J'inspecte la table et vois un bol renversé suivi d'une longue coulée de lait. Face à ça, ma mère en train d'hurler.

- Tu ne pouvais pas faire attention, crie-t-elle furieusement.

- Mamãe, ne l'engueule pas comme ça! Il va tout nettoyer! dis-je en me précipitant vers eux. 

Elle lève les bras en l'air  en signe d'agacement puis sors de la cuisine. Je mouille un bout de tissus, m'agenouille devant mon petit frère - celui-ci était au bord des larmes -  et commence à frotter la tâche qui n'est pas décidée à partir.

- Calebe, pourquoi tu pleures? lui demandai-je alors.
- Mamãe en a marre de moi, pas vrai?
- Mais non, elle est un peu énervée, c'est tout, ce n'est pas contre toi, le rassurai-je en souriant.
- Pourquoi elle est énervée? 

Je hausse les épaules. C'est vrai ça. Depuis quelques jours ma mère est à bout de nerfs, mais pourquoi? Je n'en ai aucune idée.

Après avoir astiqué la tâche de lait, sans parvenir à l'effacer tout à fait, j'ordonne à Calebe de changer de tee-shirt puis nettoie la table. Je remplis à mon tour son bol de lait et bois d'une traite. Je fonce dans ma chambre, enfile une jupe et un tee-shirt en voyant 7 h 40 s'afficher sur ma montre. Je presse Calebe qui, encore une fois, a perdu pas ses claquettes. Nous passons environ 10 minutes à les chercher, pour enfin les trouver dehors, sur le seuil de la porte.

- On y va mamãe, criai-je en quittant la casa.

Aucune réponse de sa part. Quelques minutes plus tard, je dépose mon frère devant son école et cours vers la mienne. Coup de chance, j'arrive en classe en même temps que tout le monde, puis cherche Victoria parmi les élèves déjà installés. Le professeur n'était pas encore arrivé lorsque je vois une jeune fille, plus jeune que moi en tout cas, se diriger vers moi, l'air triste. 

- Thalya? dit-elle en se plantant devant moi.
- C'est moi, répondis-je, curieuse.
- Hm, voilà, commença-t-elle hasardeusement, je suis la cousine de Victoria.
- Qu'est-ce qu'elle a?
- Elle... ..elle a été..tuée...
- Quoi?! 

Je n'en reviens pas. Hier encore nous étions ensemble!

- Il parait qu'hier après-midi, il y a eu un règlements de compte, entre le PCM* et un autre gang rival. 
- On...y était... dis-je le boule au ventre.
- Sur le chemin du marché à sa casa, on a retrouvé son corps...
- C'est impossible. Comment?
- Je n'en ai aucune idée, nous ne sommes sûrs de rien.
- Elle n'avait rien fait, c'est injuste.
- Je sais.

Je hoche la tête en silence. Malgré ça, mes yeux ne se sont pas humidifiés, aucune larme n'a coulé. Elles ne sont tout simplement pas montées, je suis bien trop choquée sur le moment.

-Je suis désolée, crus-je bon de dire au bout d'un silence.
- Tu n'as pas à l'être, ce n'est pas ta faute.

Je ne suis pas très à l'aise pour engager la conversation ou rassurer quelqu'un et voilà qu'un gros blanc s'installe. Heureusement, le professeur arrive, nous ordonnant à tous de nous asseoir. Je souris à la cousine de Victoria et m'assois au fond. Et dire qu'hier encore, elle était ici, toute souriante. Je chasse ces pensées de ma tête, c'est trop tard maintenant, elle n'est plus là.

Chez nous c'est normal ce genre de chose, commun. Combien de fois par mois est-on venu me voir en disant "Untel est mort, celui-ci est mort, elle a été tuée...". Pourquoi me lamenter pour une chose qui ne changera jamais? Victoria n'est plus là, et malgré tout, la vie continue. Elle le doit.

La Favela du Crime - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant