Laisse-moi partir

Chapitre 31

- Susan... tu vas te cacher encore combien de temps dans ta chambre ?

- Je ne sortirais plus jamais d'ici ! Tu m'entends ? Plus jamais je ne mettrais un pied en dehors de cette pièce !

Lucie soupira bruyamment avant de croiser ses bras sur sa poitrine. Le battement régulier de son pied sur le sol résonnait dans l'appartement. Elle commençait sérieusement à en avoir marre ! Depuis que son amie était rentrée de son premier live de promotion, elle ne lui avait pas adressé un seul mot et s'était précipité pour s'enfermer à double tour dans sa chambre. La blonde avait dû lui arracher pendant plus de deux heures quelques maigres informations, témoignant de son état. Et cette histoire durait depuis deux jours, déjà !

- Non mais c'est bon ! Il t'a juste embrassée ! En plus, c'était un ridicule petit smack, pas besoin d'en faire tout un fromage !

- Mais tu comprends pas ! Je vais finir par craquer ! répliqua la voix déprimée de Susan à travers la porte.

La styliste leva les yeux au ciel. Ce n'était pas comme si elle risquait sa vie, non plus ! Et puis, leurs lèvres ne s'étaient qu'effleurées, rien de plus ! Elle qui croyait qu'ils avaient fait crick-crack dans le placard à balais ! Parce que, vu la panique qui avait pris Susan quand elle lui avait expliqué, on aurait presque pu croire qu'elle était enceinte de cinq mois et treize jours ! Mais non ! Rien de tout ça ! Quelle petite prude !

Bon... elle devrait être habituée, depuis le temps que sa meilleure amie lui faisait des frayeurs pour un sourire en coin d'un mystérieux garçon dans le métro ou du beau-gosse du troisième rang et de la sixième chaise, en partant de la droite, si l'on regardait en diagonale dans l'amphithéâtre ! Sérieusement, cette fille allait la tuer un de ces jours ! Comment allait-elle réagir quand on lui passera la bague au doigt ? Allait-elle finir par s'évanouir, ou pire, faire un arrêt cardiaque ?

- Susan ! Sors de là maintenant ! Cette comédie a assez duré ! lui ordonna Lucie, tout en restant calme.

- Hors de question ! hurla son amie.

- Dépêche-toi où je demande à ce que l'on défonce ta porte ! la menaça la blonde.

- Non ! Je ne veux pas tomber amoureuse !

Mais... pourquoi parlait-elle de ça tout d'un coup ? De toute façon, c'était cramé comme du vieux charbon dans la cheminée des grands-parents que ces deux-là s'aimaient ! Ils se dévoraient tellement du regard que tout le monde se demandait quand cette histoire allait se concrétiser !

Oh... peut-être qu'elle devrait intervenir ? Donner un petit coup de pouce à sa meilleure amie ne lui ferait pas de mal ! Elle était plus qu'un génie à ce stade ! Dieu était descendu sur Terre, mes amis ! Célébrons la venue de Lucie La Magnifique et Maléfique Entremetteuse !

La jeune fille se retint de s'incliner devant son public imaginaire. On allait la prendre pour une folle... Enfin, plus qu'elle ne l'était déjà...

- Tu es déjà amoureuse de Jungkook, alors maintenant sors d'ici.

Comme si entendre ces mots avait déclenché l'ouverture de la porte, la tête de Susan apparut dans l'embrasure. Ses cheveux étaient emmêlés comme pas possible, et ses yeux aussi écarquillés que ceux d'un pauvre poisson hors de l'eau. Lucie venait bien de dire le mot interdit par l'article soixante-dix huit, à l'alinéa deux de la Loi des meilleures amies ? Quelle traîtresse ! Elle allait voir ce qu'elle allait voir, celle-là ! Si elle n'arrivait pas à la caser avec l'alien avant la fin du mois, elle voulait bien aller embrasser une limace baveuse et dégoûtante sur le bord de la route, à moitié écrasée par la chaussure plein de terre et de crotte de chien d'un gamin de trois ans et demi !