Chapitre 39

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Dans un coin du plateau de tournage, Susan était assise sur une chaise dépliable et lisait tranquillement son texte, les sourcils froncés dus à la concentration. Elle avait beau lire et relire cette fichue scène, impossible pour elle de mémoriser ses répliques ! Le pire dans tout ça, c'était qu'elle ne devait presque pas parler ! Et les deux pauvres phrases qu'elle avait à dire la narguaient, surlignées en rose dans son texte rempli d'annotations et de gribouillis faisant office de conseils du metteur en scène.

Bordel de cacahuètes ! Etait-ce si dur pour elle de jouer une déclaration d'amour ? Apparemment oui, puisqu'on avait accordé une pause aux acteurs après deux scènes ratées. Susan en avait profité pour s'éclipser rapidement et reprendre son texte au calme. Il ne fallait pas croire qu'elle était la seule fautive dans l'histoire ! Certes, un énorme blanc avait suivi le « je t'aime » prononcé par Hwang Woobin et le cri du scénariste avait retenti à ses oreilles, la réveillant de sa pseudo-transe. Il fallait bien la comprendre, ce n'était pas tous les jours qu'elle entendait ces mots, surtout dans la bouche de fils de face de rat !

Quant au deuxième essai, elle avait réussi à passer la phase du « moi aussi je t'aime » mais cette fois-ci, c'était le jeune homme qui avait mis trop de temps à réagir alors qu'il devait l'embrasser. Bon... elle avait peut-être un peu reculée aussi... jusqu'à sortir du champ de la caméra ? A ce point ? Ah oui... des flashs de mémoire lui revenaient... elle s'était bien écartée le plus possible de lui en le voyant approcher ses lèvres... Elle ? Un peu immature ?

Et puis c'était quoi cette idée de faire une scène de baiser dès le début du tournage ! Teaser ses fesses oui ! Non mais n'importe quoi à la fin !

Alors que Susan se mordait une énième fois la lèvre inférieure en pensant au baiser et au tournage qui allait bientôt reprendre, elle entendit les pieds d'une chaise racler le sol pour s'arrêter juste à côté d'elle. Surprise, elle tourna la tête et découvrit le principal sujet de ses inquiétudes. Elle se replongea aussitôt dans la lecture passionnante de ses répliques, consciente du fait qu'elle était plus que ridicule et qu'heureusement que celui-ci ne tuait pas, parce qu'elle serait déjà en train de déguster de délicieuses racines de pissenlits, six pieds sous terre.

Cela faisait maintenant plus de cinq minutes que Woobin était assis à côté d'elle, sans avoir prononcé un seul mot. Ce n'était pas qu'elle était gênée... non... mais s'il pouvait au moins essayer d'engager une conversation, peut-être pourrait-elle penser à respirer à nouveau ! Ce n'était pas qu'elle n'appréciait pas l'apnée, mais là, elle allait pouvoir penser à s'inscrire dans des compétitions de haut niveau !

Le temps continua de s'écouler sans qu'un des deux n'ait entreprit de commencer à parler. A bout de nerfs, les joues rouges et sans air pour alimenter ses poumons correctement, Susan finit par relever son visage vers le jeune homme pour lui demander, avec une délicatesse exquise, ce qu'il foutait là. En des termes beaucoup plus polis, peut-être auraient-ils pu se parler sans avoir besoin de jouer sur le sarcasme et de finir par vouloir se trucider à coup de chaises ou de pavés de 300 pages Word imprimées recto-verso et reliées avec soin. Au final, Woobin lui répondit de façon totalement décontracté, faisant presque impasse sur le ton agressif de sa voisine :

- Je suis assis, tu es aveugle en plus d'être diminuée intellectuellement ?

Ok... J'ai dit « presque » ! Il n'allait pas non plus se transformer en enfant de cœur, du jour au lendemain. Le petit homme dans les nuages pouvait bien exister mais il ne savait pas faire de pareils miracles !

Susan, aimable comme toujours dans ce genre de situation qu'elle trouvait particulièrement embarrassante et souvent cause d'un profond traumatisme pour les rongeurs puants par la suite, répliqua :

Laisse-moi partirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant