Partie 10. Hercule et sa copine

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« Hercule et sa copine »

On avait surnommé le bellâtre « le Bel Hercule », il était musclé, musuculeux, bodybuildé juste à point.

Elle, son petit nom était Caramel. Elle avait la cuisse bronzée, le nez ensoleillé et le front cuivré.

Tout l'été, ils avaient formé un couple tellement glamour qu'ils semblaient des pipeuls en villégiature, égarés à Trifouilli-les-Trois-Oies.

L'hiver venu, lui, avait maigri, elle, avait débronzé : ils étaient redevenus tout blancs et tout banals, passaient leurs journées au café sur la place en buvant des cocktails.

Là sur le zinc, ils se rappelaient leur gloire estivale, fiers de regarder nostalgiques et pour la énième fois leurs galeries de selfies ...

On dit qu'ensuite le bel Hercule, de verre en coupe, est devenu alcoolique tandis que Caramel finissait pâle et neurasthénique.

Peut-être faisaient-ils encore pipeuls, mais façon Titanic ; on sentait que ça sombrait ...

En conclusion nous pourrions dire que du bercement des illusions à la désillusion, il n'y a que l'espace d'une saison.

C'est court.


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« Placide le boeuf »

Placide le boeuf s'était acheté un sweat avec l'inscription « Bof ! » en lettres noires.

Dépressif, il errait ainsi dans sa pâture.

Ce qui le déprimait, ce serait de finir en steak haché,

Entre deux giclées de ketchup et une poignée de frites.

Eloïse, la biche, vint le voir.

- Placide, que tu es triste ! Ne serais-tu devenu qu'un pauvre boeuf tout bouffi ?

- Tout bouffi est bientôt bouffé, geignit Placide.

- Mais sabre de bois, c'est toi qui es aux abois, mon pauvre Placide.

Tu finiras en steak et moi en civet, ça c'est sûr. Mais regarde les humains, Placide.

- Les humains ? Fit Placide en relevant la tête.

- Oui, les humains ! Même les plus malins, les vers les bouffent Placide : les vers entends-tu ?

- Les vers, répéta lentement Placide en souriant.

La biche s'éloigna, Placide réfléchissait.

Le lendemain, Eloïse vit Placide qui courait dans la pâture.

Il portait un nouveau sweat marqué «Bif ! » en lettres rouges.

Eloïse rit et Placide lui cria de loin : « les vers ne m'auront pas, Eloïse !

Je suis un être culinaire, un être de l'art culinaire ! »


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« Paysages et paysans »

Paysannes, Paysans, Cultivatrices et Agriculteurs,

Eleveuses et Eleveurs, Céréalières et Céréaliers,

Nucicultrices et Nuciculteurs,

Anes, Boeufs, Chevaux, Vaches et Laboureurs,

Vous tous qui façonnez les paysages par vos activités et redessinez la terre chaque année pour chaque saison,

Paysannerie paysagiste, tenez-vous prêts, car viendra le temps de débitumer les autoroutes,

de désasphalter les routes pour qu'à nouveau, la terre puisse respirer.

Puis les friches commerciales et industrielles, signes ostentatoires de la surconsommation, seront démontées, labourées, remises en pâtures.

Que de travail pour le développement durable, la pousse du blé, le chant des oiseaux et le retour des poissons dans les rivières !

Chaque jour, l'humanité doit manger.

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« La voyante »

Une voyante perdue dans le brouillard, - Et qui de plus avait mauvaise vue - ,

Ne voyait pas comment son extralucidité aurait pu la sortir de cette bulle blanche.

Désorientée, elle téléphona promptement à un vieil astrologue.

Il lui répondit plaisamment d'installer un essuie-glace sur sa boule de cristal,

Et d'avancer à pas lents.

Prisonnière de cet enfer cotonneux, ne sachant où aller,

Elle croisa même un clown blanc qui lui tint, hélas, des propos de même farine.

Dans le brouillard, n'est pas débrouillard qui veut,

Et chacun fait ce qu'il peut. C'est carte blanche ...

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« Chez l'antiquaire »

Dans la maison de l'antiquaire les meubles fleurent bon l'encaustique.

C'est le colloque des horloges et des pendules,

Chacune par habitude donne son heure, et se fait entendre quand il lui plait.

Le suranné luxueusement disposé voisine avec l'orgueilleux stylé :

Armoires imposantes, buffets montrant la puissance d'antan,

Tables impressionnantes pour riches assemblées,

Fauteuils rigides et froids.

Tout a été remis hors de poussière pour les vitrines aseptisées.

Et l'on voit ces alignements de vies étiolées, artificiellement exposées,

Sous vide, sous cloche : multiples objets et bibelots ayant perdu leurs âmes.

Tous attendent le coup de coeur du chineur pour ressusciter dans un nouvel intérieur.

Sortir de cette boutique purgatoire,

Damnation de l'ancien entre deux existences.

L'espérance d'une passion, d'une nouvelle mode dans l'attente d'une renaissance.


Fables vertes et contes bleusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant