Partie 25. Le geek au champ

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« Le  geek au champ »

Aux labours d'automne, le laboureur observe ses boeufs qui regardent le tracteur autonome tracer son sillon dans le champ. Lui-même au bord du fossé prend ses selfies dès qu'il voit en arrière-plan la machine sur son écran.

Tout aussitôt il envoie ses images sur WhatsApp pour épater ses vieilles copines du hameau : lui, Marius le laboureur vient d'entrer dans la modernité.

Collés sur la clôture les boeufs ne comprennent plus ces nouvelles technologies ; d'ailleurs ils s'ennuient à ne rien faire et rêvent d'un voleur de boeufs qui voudraient bien les enlever.

Ils connaissent bien les voleurs d'oeufs du hameau, alors ils forment le voeu qu'ils aient davantage d'ambition car ils ne resteront pas indéfiniment ainsi à regarder un tracteur geek que pilote un satellite.

C'est ennuyeux, mortellement ennuyeux ce sillon trop droit qui file sur l'horizon.

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« Envol »

Panique dans le supersonique.

Le pilote était un clone, et le clone était un clown.

On a bien ri ...

Il n'y eut jamais d'atterrissage.

Il nous a posés sur un nuage.

Mais où sommes-nous donc passés ?

A quelle heure passera la correspondance ?

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« Le pivert »

Un pivert, authentique secrétaire et dactylographe, tapait de longs textes

Sur son chêne vert.

Ses amis l'avaient surnommé Underwood-l'académicien.

Depuis longtemps, tous tapaient en sms, mais lui était resté classique.

Chaque jour, il alignait ses phrases sans fin d'un martèlement métronomique

Sur son arbre bibliothèque.

Il frappait le bois comme graveur travaillant le bronze,

Inscrivant ses lettres pour l'éternité, sur un chêne

Tout au plus séculaire.


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« Cécile »

Elle jouait au Cluedo toute seule.

Ses parents avaient oublié de lui faire une petite soeur.

Alors en traquant l'assassin, elle tuait l'ennui les jours de pluie,

Elle tuait le temps les jours de beau temps.

Naître ou ne pas être, tuer, être tué et disparaître : c'était toujours la même question.

Une question de temps.

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« Musique administrative »

Tout d'abord, stagiaires en immersion, les sous-préfets aux champs durent écouter les oiseaux. Puis les plus doués furent initiés au chant.

Dés qu'on les eut réunis, une chorale fut formée, performante en bon chant rural. Ils portaient des bottes de caoutchouc, ne ressemblaient pas à des cosaques, mais leur polyphonie gutturale pouvait avoir quelque charme pour les ruminants qui marchent au soir vers l'étable.

Parfois leur mélopée énarchique apportait une touche d'exotisme aux porteuses de lait, elle les suivait jusque dans la douce chaleur de l'écurie ; un peu de foin, une botte de paille, et l'on ne sait si ça batifolait sous ce petit fumet d'étable, cette fragrance acide qui chatouille nez et naseaux.

De l'authentique pour le choeur préfectoral a capella, au crépuscule sous les poutres basses. Comme le racontait le bon Alphonse Daudet, bien entendu, ça devait commencer par « Messieurs et Chers Administrés » ....


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Fables vertes et contes bleusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant