Partie 30. Bain de friture

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« Bain de friture »

Souvent vous me fîtes poireauter en cuisine, mais j'avoue qu'à votre façon de traiter la pomme de terre, souvent vous me ravissiez, parfois vous m'épatâtes.

C'est pourquoi j'attends toujours fébrilement votre plongée des frites dans la bassine d'huile.

Déjà je tiens la salière, prêt à saupoudrer les merveilles au sortir du bain.

Et si j'ai encore en tête la couleur du soleil et celle du miel, c'est pour les comparer au rissolé que vous obtiendrez. Cette perfection dans le croustillant qui n'a d'égale que l'incandescence du solstice d'été.A table !

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« Balivernes »

Aussitôt dit, tout aussitôt répété, la pipelette vit de scoops ; et sans cesse renouveler les balivernes par les sornettes, c'est un métier.

Notez bien que ces deux derniers mots « balivernes » et « sornettes » ne s'emploient qu'au pluriel. La sottise se veut multiple, douée d'ubiquité, elle enfle d'elle-même et prolifère.

C'est le règne des calembredaines, certains qui appartiennent aux réseaux les appellent : fake-news. Evidemment pour cela il faut un écran !


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« Postures animales »

Aux chats comme aux moutons, je dis : attention, les enfants regardent !

Et vous ne serez pas plus tôt partis qu'ils joueront à « chat perché » avant de passer à « saute-mouton ». Les enfants ont un sens de l'observation affuté.

Il faut donc leur interdire expressément l'accès à la basse-cour : là, tout leur sera nuisible.

Le caquetage des poules perchées en cercles de commères, le coq qui se pavane en m'as-tu-vu. Le dindon qui ne pense qu'à jouer des farces, les oies qui passent, fières comme des mercenaires à la parade ...

Que du détestable et du peu enviable.

Si l'on veut conserver chez les bambins le corps sain dans un esprit sain, montrez-leur l'âne, cet humble travailleur, brave et efficace dont on s'est si souvent moqué, par pure jalousie.

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« L'épouvantail »

Blotti bien au chaud derrière ma fenêtre, d'un oeil je regarde mon catalogue de mode, de l'autre je surveille mon épouvantail qui s'agite dans le vent d'automne au fond du jardin.

Sur le papier glacé passent des mannequins déhanchées aux robes asymétriques ; finalement, mon épouvantail semble bien dans le ton de la saison. Il n'est peut-être pas vêtu de maille jersey, mais l'étoffe reste de bonne facture. L'automne prochain je réactualiserai son vestiaire, pour cette année, je le vois bien tendance.

Évidemment je pourrais équilibrer sa silhouette par quelques injections de silicone au niveau des épaules, lui redessiner en bordure de chapeau une frange yé-yé fluo, peut-être une cape pied-de-poule et un pendant d'oreille en laiton.

Mais s'il venait à être trop attrayant pour les oiseaux du canton, trop chatoyant dans des imprimés de soie, il serait courtisé par toutes les grues de passage.

L'épouvantail se doit de rester épouvantail.

Trop richement vêtu, il se ferait dépouiller.

Et un épouvantail nu n'a plus aucune vertu...


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 « Canicule »

Les après-midi caniculaires sont redoutables, pour survivre dans la ville, il me faut trouver des oasis de fraîcheur. Souvent je m'en reviens au magasin de bricolage, rayon des climatiseurs. Le vendeur me connaît bien, et je connais par coeur pour les avoir lues chaque jour les spécificités des différents appareils. Comme ça fait du bien de passer une demi-heure sous un souffle à 20° le flux des fluides frigorifiques.

Ensuite je rejoins le supermarché, le rayon des surgelés. Là j'observe tous ces beaux poissons pêchés en mer du Nord, j'imagine les embruns glacés en voyant encore sous chaque poisson pané leur frétillement dans les eaux glacées.

Enfin, sur le soir, les magasins ferment, il fait encore trop chaud, donc il me faut repasser par l'église pour un temps de fraîcheur romane. C'est le retour aux Sources, les vieilles pierres qui rassurent, la voûte basse qui vous tient dans son cocon, on sent alors que l'on est en de bonnes mains.

Fables vertes et contes bleusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant