Partie 11. La maigre cigale

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« La maigre cigale »

C'est une cigale qui pour chanter comme pour danser n'avait pas d'égale.

Evidemment, ce n'était pas une cigale ménagère, chez elle, la poussière n'était pas faite, et vous ne risquiez pas de l'apercevoir au marché.

Elle vivait de l'air du temps et le temps d'un courant d'air lui faisait souvent office de repas sans qu'elle eût à passer par l'office.

Dire qu'elle n'était pas bien grosse, ce n'était pas un euphémisme ; dire qu'elle était dans la misère nous rapprocherait de la réalité.

Mais le chant et la danse l'accaparaient tellement que, peu importe sa subsistance, la cigale avait l'art pour toute nourriture et penserait à manger plus tard. Elle s'occuperait de cela la bise venue, lorsque l'hiver commencerait à engourdir l'art des champs et des rues.

C'est sûr qu'elle n'aurait jamais l'abdomen rebondi de la fourmi laborieuse, les réserves de miel des abeilles butineuses, les greniers de l'écureuil fleurant bon la noisette.

Pour elle, dans le meilleur des cas, elle savait qu'en décembre et janvier, ce serait le passage obligé par les poubelles : la quête des épluchures. Des souvenirs de fruits et légumes.

Dans le pire des cas, elle pensait que la mort viendrait la trouver en février sous une porte cochère.

Mais alors, qui serait là pour égayer la saison prochaine par la danse et les chants ?

C'était pas juste ...

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« Douceur »

Le caramel mou est comme tous les doux au coeur tendre : il s'attache.

Et en devient attachant.

On ne s'en débarrasse pas facilement.

De son élasticité il fait sa hardiesse, sa résistance passive.

Son invincibilité.

Bienheureux les doux ! Ils obtiendront tout ce qui peut coller.


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« Grande Faim »

- J'ai grand appétit, fit l'oiseau.

- Ridicule ! Un appétit d'oiseau sera toujours un petit appétit.

- Je me sens d'humeur boulimique, reprit le colibri. Vous me mettrez deux noisettes.

- Et deux noisettes pour le colibri !

- Avec une pointe de beurre, s'il vous plaît.

- Là, Monsieur le colibri, c'est tout à fait gastronomique !

- Vous ajouterez quelques miettes de pain.

- Mais c'est Noël !

- Tout à fait, c'est Noël chaque jour que Dieu fait.

- Alors Joyeux Noël ! et je vous ajoute gratuitement une cuiller de crème fraîche.


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« Poudre d'étoile »

Ce petit flacon étincelant contient des paillettes d'étoile filante, à tout instant, vous pourrez les libérer et prononcer un voeu.

Immédiatement votre voeu sera exaucé.

C'est marqué sur l'étiquette : le produit provient directement d'une nébuleuse laiteuse, il a été réduit en poudre d'étoile et mis en flacon sous la voie lactée. C'est un produit d'origine contrôlée.

J'ai trouvé ce précieux trésor dans une pochette-surprise.

Que faisait-il là ? Cela reste un grand mystère.


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« Une vieille pie »

Dans un salon huppé, aux beaux parquets vernissés ...

Une vieille pie vip à la méchanceté vipérine,

Ayant beaucoup trop parlé,

Soudainement vira violacée, trahie par un cocktail frelaté.

Elle venait d'absorber le bouillon de onze heures.

Ainsi finissent les vieilles pies : dupées et/ou empoisonnées.

Se méfier des cocktails sur le coup de onze heures,

Surtout lorsque l'on n'a pas bonne conscience.

Trop de méchanceté peut insupporter les âmes sensibles.

Le plus souvent la vengeance se boit froide ou frappée.

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« Street art du lundi »

C'est jour de lessive, les étendages du voisinage se couvrent de formes multicolores.

C'est cubiste et musical : au gré du vent, les manches de chemise battent la mesure pour un orchestre invisible. En s'agitant comme des mouchoirs au départ des paquebots, les torchons saluent les oiseaux qui passent.

Et de temps en temps, par surprise, un drap mal accroché se libère et s'élève en montgolfière pour une destination mal connue. Il part pour le voisinage ou pour la lointain. On ne sait.

Le lundi, derrière les maisons, c'est jour de poésie domestique.


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« Faire toute la lumière »

Le réverbère abaisse au sol son petit éventail de lumière, son faisceau traverse l'air en pointillés. Et le trottoir brille d'un bleu électrique.

Les enfants jouent à prendre en main les grains de lumière, mais la lumière ne se laisse pas prendre. Elle se caresse seulement et file entre les doigts, jamais on ne peut l'enfermer ; c'est bien pour cela qu'elle file, comme l'on sait, à 299 792 458 m/s, pour tuer l'obscurité.

Là, ça décoiffe, mais n'ayez crainte, vous la voyez passer et même demeurer : la Lumière est ...


Fables vertes et contes bleusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant