Partie 26. Ma très Chère Amie

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 « Ma Très chère Amie, »

Serti de pierres précieuses, je vous ai offert ce bijou de grand prix, d'une valeur équivalente à la prunelle de vos yeux.

Ce carré de soie qui me coûte la peau des fesses.

Ces escarpins si fins que Cendrillon en eût été jalouse.

Ce smartrphone léger comme une plume, valant dix fois son pesant d'or.

Enfin ce spider bleu-nuit aux portes papillons pour lequel je me suis ruiné.

Recevez aussi mille baisers qui vous sembleront de peu de valeur par rapport à tout cela : ce n'est que ma pacotille sentimentale.

Restant votre dévoué et attentionné serviteur, désormais SDF désargenté, je fais la quête 13 rue de la Sainte Misère sous la porte cochère.

Passez me voir un jour au volant de votre spider bleu-nuit, vous agiterez votre carré de soie, Ma Très Chère Amie, je vous reconnaîtrai.


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« Les notes de frais »

« C'est aux frais de la princesse ! » entend-on dire.

Mais qui paie donc ces fameux frais, se demande-t-on ?

Le prince charmant ou le prétendant attitré, la bonne poire fortunée : il y a nécessairement quelqu'un qui fait lire sa carte bancaire.

La princesse en sa tour aura ses robes, ses tops, ses jeans et ses caprices ; elle sera insouciante et impécunieuse, bienheureuse en toute situation : vie de rêve, façon conte de fée à 3 sous ; chaque jour, viennoiserie, chocolat et pain blanc.

Tout baigne aux jours heureux pour qui se laisse entretenir.

Mais quand le prince vient à défaillir, à partir, à mourir, à se casser, que la poire a tout donné, les jours nouveaux ont un réveil terrible.

Sans carte bancaire, il faut commencer à compter ses propres sous : on ne va pas à la boulangerie chaque jour car, c'est alors qu'avec 3 francs et 6 sous, il faut tenter de constituer 1 €.

Ce n'est pas si facile par les temps qui courent ...

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« Le tailleur discret »

Un tailleur pour espions cousait des costumes aux tons passe-murailles.

C'était un homme de grande discrétion.

Sa boutique était à l'identique, rue du Mimétisme.

Dans une vitrine indécise, il exposait quelques discrets mannequins

Portant ouvrages faits de sa main.

On y voyait d'élégantes vestes de camouflage ou suggérant l'invisible, combinées avec de subtiles cravates transparentes,

De beaux tailleurs translucides, à la coupe savante, voisinant avec les festons ajourés de magnifiques chemisiers.

Pour tout dire, on peinait à distinguer l'entraperçu mal vu, du visible subtilement dissimulé.

Tout n'était que fausse impression chez le tailleur pour espions.

Un jour en sa boutique, il vint un m'as-tu-vu,

Homme de grande renommée et de belle apparence, entré là par mégarde.

Le tailleur, jugeant qu'il y avait erreur, l'éconduit discrètement, mais fort poliment,

Car pour tout espion, le paraître ne saurait que disparaître.

Il se doit de voir sans être vu.

Ne serait-ce qu'entraperçu, il serait perdu.

Le métier de l'ombre a ses exigences.

Dans l'existence, souvent on doit faire son choix entre vu et voyant.

Mais tous les voyants n'ont pas forcément de bons yeux pour l'invisible.

Il y a même de faux voyants qui gagneraient à ne pas être vus.


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 « Art nouveau »

Voici une oeuvre en inox, très design. Polie, légèrement satinée, monochrome, un peu bosselée, à peine rayée, quelques reflets, épurée, patinée, asymétrique. Un beau piétement, de belle facture.

Autrefois ce fut un évier, maintenant il est au musée. Notez qu'on ne peut plus se laver les mains.

Cet évier artistique n'est plus d'aucune utilité. Finalement, il est mieux au musée qu'à la déchetterie. Là, il est enfin devenu irremplaçable.


Fables vertes et contes bleusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant