Partie 53. Tirelires

12 0 0
                                    

« Tirelires » 

Un porcelet de porcelaine servait de bas de laine

Pour les vieux jours d'un croque-mitaine.

Il rencontra un porcelet tout rose et rondelet,

Tirelire d'un avare aux aguets.

Aussi, las de tant d'attente, ils s'enfuirent tous deux,

la queue en tire-bouchon,

Dépenser tous les sous qui depuis si longtemps leur pesaient sur le ventre.

Trop d'économies n'apportent pas nécessairement la richesse aux économes.


°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

« Le Pauvre hère »

Un pauvre hère affamé, bientôt futur gibier de potence,

Vola pour pitance un maigre gibier.

Sans permis de chasser.

Il y eut crime de braconnage.

Ce qui n'est que cynégétique et giboyeux pour le chasseur bienheureux,

Relève de la survie pour le pauvre malheureux.

Mais la loi ne connaît pas la loi de la faim.

L'affaire connut une bien triste fin : le pauvre hère, condamné,

Descendit encore plus dans la misère.

C'était autrefois, à l'époque des rois.

Aujourd'hui, si le pauvre hère est toujours là,

Il prend son repas à l'épicerie sociale, c'est toujours ça.

Le pauvre n'est plus puni.


°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

« Glaces à l'italienne »

Le printemps revenu, le marchand de glaces étudie Michel Ange ; il sait que c'est dans le drapé des personnages que se cache l'élégance des courbes pour les spirales de sa crème sur le cornet feuilleté.

Quand on s'autorise la glace à l'italienne, on entre sur un domaine qui ne saurait souffrir la médiocrité. Car l'excellence de la crème glacée s'épanouira dans ce drapé savant où s'entrecroisent jusqu'à la pointe pyramidale, les vivifiantes couleurs, les douces saveurs, rehaussées d'éclats de noisette.

Entre l'achat et la dégustation, il y aura l'instant T où le soleil révèlera la perfection.

Là, pour douze centimètres, il faut être à la hauteur.


°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

« Le Lien de lierre »

Pour la pierre qu'il enserre, le lierre se fait jolie cordelière.

Sorte de long manteau vert scellant l'union du végétal et du minéral.

La pierre et le lierre peuvent en être fiers,

Ils ne sont pas mariés d'hier.

C'est un couple gris-vert. Mais pas vert de gris.

C'est grisant ce que peut faire l'amour.

La feuille persistante a la résistance de la pierre.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

« Prise de conscience »

- Mince, j'ai encore grossi ! fit la grenouille au boeuf.

- En effet, votre taille de guêpe n'est qu'un souvenir lointain.

Fluette vous fûtes : futaille vous êtes devenue !

Votre cuisse de nymphe n'est plus que mignon gigot.

Le chiffon rouge vous attend derrière les roseaux ; le cuisinier fait déjà chauffer son huile.

Glups ! La grenouille vexée plongea sous la surface glauque du marais.

Elle bouda dans la vase ; médita longtemps et revint vers le boeuf.

- Je l'avoue, pour être grenouille, je n'en fus pas moins nouille.

Triple buse, je fus même une triple andouille !

Aussi je vais m'en retourner vers l'élasticité de mes jeunes années.

« Sans sucre et sans sel » : telle sera ma devise.

Plus frêle que l'herbette je serai, mon teint redeviendra d'un vert tendre comme en mes jeunes années.

- Voilà qui devient raisonnable, fit le boeuf. Mais méfiez-vous toujours du chiffon rouge !

Maigre ou grasse, un cuisinier saura toujours vous accommoder.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

« Paysage aquatique »

Il y a l'étang sous l'effet du vent.

L'eau se tend, se détend, s'étend.

Les canards passent.

Les roseaux jasent et se courbent.

Les cygnes comme des marques-pages s'arrêtent entre les vaguelettes.

Chapitre après chapitre,

Le petit étang raconte la longue histoire du vent.




Fables vertes et contes bleusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant