Le Journal d'Ariana [TERMINÉ]

Chapitre 2 - Lire ou ne pas lire, telle est la question...

     Nicolas était couché sur son lit, le regard fixé sur le plafond, immobile. Il était plongé dans ses pensées. Que faire ? Le choix était simple mais sans doute déterminant pour le reste de son existence. Lire le journal d'une pirate - qui était plutôt à son goût, il fallait se l'avouer – ou le confier à son père qui en ferait ce que bon lui semble.

     Cependant, Ariana lui avait fait confiance. Elle lui avait confié un carnet contenant tous ses états d'âme, un carnet qui lui était cher puisque rangé près de son cœur. Elle croyait en lui.

     Mais, bon sang ! C'est une pirate ! Les siens n'ont aucun remord à faire le mal et sont prêt à tout. Ou du moins, c'est ce qu'on lui avait toujours dit. Que se passerait-il s'il découvrait une toute autre vérité ? Nicolas ne se sentait pas l'âme d'un héros. Il aurait voulu en être un mais savait – ou croyait savoir – qu'il n'en avait pas l'étoffe. S'il commençait à croire en les paroles d'Ariana, il ne pourrait pas la laisser être pendue comme une vulgaire criminelle. Mais il ne pourrait pas non plus la sauver... Que faire ? Telle était la question qui tournoyait dans l'esprit vivace du jeune homme.

- Nicolas ?

On avait frappé à la porte. Le garçon se redressa et dit : "Oui, entrez."

     Un petit homme, la cinquantaine, cheveux grisonnants et petite bedaine, entra dans la pièce. C'était le père de Nicolas ; un bourgeois, un noble, gouverneur de la petite île de Saint-Martin depuis plus de trente ans. Rien n'avait pu le déloger de ce poste. En réalité, rien ne s'était passé dans ce petit coin d'Amérique du Sud depuis des générations de colons. Rien ne les intéressait vraiment non plus. Les affaires des autres pays leurs étaient étrangères et ils ne se mêlaient pas aux habitants des régions limitrophes puisqu'ils ne parlaient pas français.

     Un jour pourtant, un envoyé de France avait sommé le gouverneur de faire son possible pour capturer une jeune fille, Ariana Shark, fille du capitaine Peter Shark. Et ce petit homme, qui n'avait jamais combattu, jamais dirigé une armée, jamais fait autre chose que de l'administratif, avait réussi ce à quoi tant d'autres avait échoué : capturer un pirate.

     En effet, la principale occupation des États d'Amérique étaient, à cet époque, de mettre en échec les nombreux pirates qui mettaient, selon eux, la région à feu et à sang.

     Le plus grand de ces pirates était le capitaine Shark. Respecté de tous ses semblables, personne n'avait jamais osé s'en prendre à lui. Le jeune roi de France avait donc décidé de montrer sa toute nouvelle puissance par un grand coup, quelque chose qu'aucun autre État n'avait osé faire : battre le célèbre pirate.

     En effet, Louis XIV était alors à la tête de la première puissance militaire et diplomatique d'Europe et entendait bien montrer sa puissance autant sur terre que sur mer.

     Des messagers étaient donc partis dans toutes les colonies françaises d'Amérique pour demander expressément à tous les gouverneurs de tourner leurs efforts vers le pirate. Leur mission : capturer Ariana et annoncer sa pendaison pour que le capitaine vienne à son secours et soit finalement mis en échec.

     C'était le plan des français. Simple mais quasiment infaillible. Chaque gouverneur avait mis un point d'honneur à réussir cette quête mais la plupart devaient déjà faire face à de nombreux autres problèmes, ce qui avait permis au Comte de Caterets, chef d'une colonie plus que tranquille et presque inhabitée, de réaliser ce coup d'éclat.

- Nicolas, pourrais-tu me prêter ta plume ? Je dois écrire à la France pour leur signaler la capture de la pirate. Je viens juste de casser la mienne et impossible d'en trouver une autre. Je crois que toute cette affaire me rend nerveux... Nicolas ? Bon, je me sers.