Chapitre 30 - Saint-Martin (Partie 2)

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11 Août 1665,

     Ah, ah, ah, ah ! Je ris jaune. Ironie du sort. Prédestination ? Présage ? Ou stupidité profonde ? Les deux, probablement. Imagine seulement un instant que les derniers mots que j'ai écrits sont « La vie est injuste » et que, un jour plus tard, je me retrouve derrière les barreaux. C'est une vaste plaisanterie.

      Reprenons tout depuis le début. Aujourd'hui était le jour de notre petite visite de Saint-Martin. Nous avons attendu que la nuit tombe. Il est toujours plus facile d'agir dans le noir et, les nobles que nous délestons de quelques objets de valeur n'en sont que plus effrayés.

      Nous nous sommes répandus dans la ville comme une traînée de poudre. Will, Thomas Müller, Edward Hawkins et moi-même dirigions chacun notre équipe. J'avais donc à mes côtés Diego, John, Alfonso, Méga et Pedro.

      Alors que nous avancions vers notre cible, que nous avions repérée la veille, à la faveur du jour, les premiers cris d'alerte ont retenti à travers les rues. J'ai souri. Les autres étaient déjà passés à l'action. J'ai guidé mes hommes vers notre objectif, qui était le plus proche de la demeure du gouverneur. Je n'avais pas demandé à avoir la maison la plus dangereuse à prendre mais tous les hommes ont jugé, à l'unanimité, que j'étais le 'leader' le plus tête brûlée que nous avions. Je me demande bien pourquoi.

      Des lumières se sont allumées aux fenêtres et j'ai vu les gens se munir d'armes et regarder dans la rue, plus effrayés qu'autre chose. Mon regard a été attiré vers une petite fille qui pleurait à la fenêtre, tandis que ses parents se querellaient au fond de la pièce. J'avais envie de la consoler, de lui dire que tout irait bien, que nous n'étions pas aussi méchants que nous en avions l'air. Mais je ne pouvais rien faire.

      Nous avons continué à descendre la rue, en nous cachant du mieux possible. Nous sommes arrivés devant une grande maison à deux étages dont les fenêtres n'étaient pas encore allumées. La chance nous souriait. Je n'avais pas l'intention de faire dans la délicatesse, aussi ai-je demandé à Méga d'enfoncer la porte, ce qu'il a fait avec grand plaisir.

      Nous avons couru dans les couloirs. Méga et John devaient trouver la cuisine et remplir nos sacs de victuailles, Alfonso et Pedro devaient chercher les éventuelles richesses de la maison et Diego et moi devions surveiller leurs arrières.

      Tout s'est déroulé selon le plan prévu. J'ai suivi Alfonso et Pedro dans les étages. Ils ouvraient toutes les portes et s'emparaient des objets de valeur avec une efficacité remarquable. Nous avons visité les salons, les antichambres, les bureaux... toutes ces pièces que seuls les plus fortunés pouvaient se vanter de posséder.

      Soudain, nous sommes tombés sur la chambre d'une petite fille. J'ai fait signe aux deux hommes de ne pas entrer et de continuer. Quant à moi, je me suis faufilée entre les jouets. La petite fille devait avoir autour de cinq ou six ans. Je ne voulais pas l'effrayer. J'ai pris la première peluche que j'avais sous la main et me suis dirigée vers la sortie.

      Cette petite fille, gâtée au point d'être submergée de cadeaux, ne faisait que me rappeler celle que j'avais vue, pleurant à sa fenêtre. Alors que je passais le pas de la porte, les cris des domestiques ont retenti dans la maison et la fillette a ouvert les yeux.

– Tout va bien, lui ai-je glissé.

      Elle a penché la tête, m'observant avec intérêt.

– Je t'emprunte cet ourson pour le donner à une petite fille qui en a plus besoin que toi, ai-je dit. Elle n'a pas de domestiques pour la protéger et elle a peur. Tu comprends ?

Le Journal d'Ariana [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant