Chapitre 8 - L'épreuve

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5 Janvier 1665,

Comment se remettre des événements de la veille ? Figure-toi qu'on ne m'a pas laissée pleurer seule dans mon coin. Non, bien au contraire. Et je peux t'assurer, mon cher ami, que je commence à douter fortement des paroles de Maman. Elle a bien dit « Elle a tout d'une vraie pirate », je n'ai pas rêvé .. ?

Pourtant, je n'en menais pas large aujourd'hui. Je ne sais pas si tu t'en souviens mais j'avais remarqué une petite dent de requin, se balançant doucement autour du cou de Will. J'ai cru que c'était un 'bijou' sans réelle importance ; mais j'ai bien vite découvert qu'il a une signification bien plus grande que je l'aurai imaginé. Je te préviens, Monsieur Gift, si jamais tu croises la route de quelqu'un portant cet insigne, prends tes jambes à ton cou !

J'ai donc dormi quelques heures sur le pont, planquée sous l'escalier, quand une grande agitation m'a sortie de ma rêverie. Le capitaine venait de faire son entrée et d'annoncer d'une voix forte un grand « Branle bas de combat, tout le monde sur le pont ! ». Évidemment, je n'ai pas tout de suite compris. C'est seulement quand j'ai vu que l'ensemble de l'équipage s'était rassemblé devant le capitaine que je me suis discrètement levée pour aller les rejoindre. Peine perdue.

- Matelot Ariana, que signifie ce retard ? Me suis-je vue apostrophée

Je n'ai pu m'empêcher de répondre ironiquement, avec une révérence :

- Que votre Grandeur m'excuse, je n'avais point entendu sa douce voix m'indiquer tendrement qu'il fallait que je me range en face d'elle pour pouvoir mieux admirer sa splendeur matinale.

J'avais beau savoir que je ne m'attirais que des ennuis en parlant ainsi, c'était plus fort que moi. J'ai tout de même entendu pouffer dans les rangs.

En bref, comme tu t'en doutes, le capitaine n'apprécie que moyennement que l'on défie son autorité.

- Cela tombe bien, ce n'est pas moi que nous allons admirer aujourd'hui mais vous, matelot.

D'un coup, tous se sont écartés pour me faire une sorte de haie d'honneur jusqu'à la planche. Oui, la planche, fixée au bastingage, qui amène irrémédiablement vers la mer. L'eau. La noyade. Le capitaine à repris :

- Votre tâche est simple. Il vous suffit de plonger et de ramener ici une dent de requin. Je vais tout de même vous aider...

Ah ! Il n'a pas oublié qu'il est mon père tout de même !

- ... en vous entaillant le bras.

Quoi ?! J'ai dû mal entendre. Le capitaine m'a saisi le bras et y a tracé une large entaille avant de me pousser vers la planche. Je crois que je n'ai toujours pas compris. Ou plutôt, je ne veux pas comprendre. J'ai mis un premier pied sur la planche, puis l'autre, et j'ai commencé à avancer.

Se rend-il compte que je porte une robe ? Comment suis censée flotter avec un tel fardeau ? Un robe gorgée d'eau ne peut que m'entraîner vers le fond. D'autant plus que je ne crois pas savoir nager.

Mais je ne voulais pas montrer la peur qui me rongeait. Oh, non ! Je préférais me noyer que montrer que j'étais morte de trouille. J'ai donc avancé d'un pas résolu, et j'ai plongé.

Comme prévu, ma robe a tout de suite doublé de masse et c'est tout juste si j'ai réussi à sortir la tête de l'eau. C'est là que j'ai vu un tonneau tomber du ciel. J'ai barboté jusqu'à lui et m'y suis agrippée pour ne pas couler. Un regard vers le haut m'a appris que Will était mon ange gardien. Il a fait mine d'avoir renversé le tonneau sans le vouloir, et en tant que bras droit du capitaine, personne n'a osé mettre en doute sa parole.

Le Journal d'Ariana [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant