Chapitre 15 - Préparatifs

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21 Janvier 1665,

      Comme prévu, j'ai aidé les charpentiers à réparer le navire. C'est ce que l'on appelle le « carénage ». Il s'agit de boucher les trous entre les planches, soit avec du goudron, soit avec de la filasse. Deux matières on ne peut plus... puantes.

      Lorsque nous nous sommes (enfin) arrêtés, j'étais couverte d'un mélange des deux. J'avais du goudron sous les ongles, de la filasse dans les manches... Bref, rien de très agréable. J'ai donc décidé de m'éclipser une seconde fois, en essayant de ne pas me faire remarquer.

      C'était seulement le début de l'après-midi, donc je devais avoir le temps de revenir avant la nuit. J'ai couru rapidement jusqu'à un petit lac que j'avais repéré hier et je m'y suis baignée pour nettoyer mon corps endolori.

      Lorsque je suis sortie de l'eau, je me suis rendue compte que j'étais observée. Le tigre que j'avais rencontré hier était assis, droit sur ses pattes, à quelques mètres de moi. Je me suis habillée rapidement et me suis assise face à lui, en laissant quelques mètres entre nous.

      J'étais à la fois curieuse et terrifiée. Il a avancé un peu, doucement, et j'ai fait de même. Nous nous sommes retrouvés presque nez à nez. Alors, soudainement, il m'a léché le visage avant de s'enfuir. Voilà une rencontre... baveuse !

      Quelques minutes plus tard, j'étais rentrée au camp, sans que personne n'ait remarqué mon absence. Nous avons mangé et, comme le jour précédent, Will et moi avons passé la soirée à observer le ciel. Nous avons même vu une étoile filante ! Mais je ne te dirai pas quel vœu j'ai fait, il risquerait de ne pas se réaliser !

      Bonne nuit Monsieur Gift !

27 Janvier 1665,

      Voilà une semaine que nous sommes sur l'île. Il est vrai que je ne m'ennuie jamais : il y a toujours des tâches à faire, des endroits à découvrir, des choses à apprendre. Mais j'aimerais tout de même bien repartir ! Les pirates sont faits pour sillonner les océans, non ? Alors qu'attendons-nous ?

      Le capitaine passe ses journées à observer des cartes, à utiliser des instruments bizarres et à discuter avec Will et les navigateurs. J'imagine qu'il a une idée derrière la tête.

      Quant à moi, j'ai revu le tigre plusieurs fois. Nous faisons des progrès. Je crois que j'arriverai presque à l'apprivoiser. Hier, il a couru vers moi quand je suis arrivée à notre point de rendez-vous, le petit lac. Il s'est arrêté net à quelques mètres mais, voyant que je lui avais apporté de la viande, il s'est approché.

      J'ai hésité une seconde puis j'ai tendu la main, le laissant manger dans le creux de ma paume. Je t'avoue que j'ai eu des sueurs froides Monsieur Gift ! J'ai cru qu'il allait croquer tout mon avant bras, mais non ! Il m'a même laissé lui caresser la tête.

      Le soir, Will et moi nous retrouvons. C'est comme une habitude. Ses connaissances en matière d'étoiles sont à peu près épuisées maintenant, alors nous parlons de tout et de rien. De la vie, de ce qu'on en espère, de ce qu'on redoute. De la mort aussi. De notre passé. De mon passé surtout. Je ne sais toujours rien du sien. Je sais seulement qu'il doit être douloureux. À chaque fois que je le questionne, il serre les points et change de conversation. Peut-être un jour osera-t-il m'en parler ?

11 Février 1665,

      C'est le branle bas de combat Monsieur Gift ! Nous partons dans six jours !

      Ce matin, le capitaine nous a rassemblés devant sa cabane.

     – Mes chers amis, j'ai une grande nouvelle à vous annoncer. Après maintes heures de recherche, j'ai enfin réussi à localiser le trésor d'Orellana, le célèbre conquistador espagnol qui a remonté l'Amazone. La légende dit qu'il a été accueilli par la reine des Amazones et que, loin de la remercier, il a volé une partie de l'immense trésor de ce peuple. Trésor qu'il a caché soigneusement car il se savait poursuivi. Or, avant que nous ne fassions escale à l'île dorée, nous avons attaqué la ville espagnole de Santiago de Cuba. Dans le palais du gouverneur, nous avons trouvé un coffre fermé par deux cadenas. Sûr qu'il renfermait quelque chose de très précieux, nous l'avons ouvert. Il ne contenait qu'un parchemin. Or, nous cherchions des richesses, pas de la paperasse. J'ai donc failli le laisser là. Après réflexion, je l'ai pris. Grand bien m'en fasse ! Avec l'aide de Diego, qui parle couramment espagnol, nous l'avons déchiffré et ce parchemin n'est autre qu'une page des mémoires d'Orellana, où il explique précisément l'endroit où il a abandonné son trésor ! C'est donc avec une grande joie que je vous annonce que nous partons dans six jours à la recherche du trésor perdu de Francisco de Orellana.

Le Journal d'Ariana [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant