Chapitre 12 - Malotru (Partie 1)

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11 Janvier 1665,

      Ding dong ! Ding dong ! Voilà ce qui m'a réveillé ce matin. La cloche sonnait le quart quand je me suis rendue compte que j'avais dormi roulée en boule sur le pont... J'étais frigorifiée mais j'ai couru à mon poste. John faisait grise mine.

      Il m'a dit qu'il ne voulait pas descendre, que je devais me trouver un autre poste et qu'il était très bien là-haut. Pourtant, je voyais dans ses yeux qu'il ne pensait pas ce qu'il disait.

      Alors, j'ai sorti mon éloquence du placard et je lui ai expliqué combien il était important qu'il s'affirme, autant pour lui-même que pour l'équipage. Et j'avais raison ! Comment vivre si l'on ne croit pas en soi ? Comment être en paix avec soi-même ?

      Je l'ai donc exhorté à faire preuve de courage et à prendre sa place. Il ne fallait pas hésiter à s'interposer. Tout ce que j'avais essayé de faire le jour précédent était de faire comprendre à Edward, gentiment et poliment, sans provocation, que je ne tolérais ni l'injustice, ni le harcèlement. Tout un chacun pouvait faire de même.

Il faudrait que vous m'appreniez, a dit John.

A tenir tête aux autres ? Il n'y a rien à apprendre, mon cher John, je dirais plus que c'est une disposition d'esprit.

Tout en lui relevant le menton, j'ai continué :

Levez la tête, voilà. Soyez fier de ce que vous êtes. Bombez le torse, tenez-vous droit. Et bien, voilà un autre homme !

      C'était vrai. Dans cette posture, John avait toute l'allure d'un capitaine. Il m'aurait donné un ordre, je l'aurais exécuté sans hésiter. Mais je doutais qu'il puisse conserver longtemps cette soudaine confiance. J'ai repris :

Et si jamais Hawkins...

      Il s'est affaissé à la simple énonciation de ce nom. On aurait dit que je venais de lui mettre le poids d'une baleine bleue, en pleine digestion de plancton, sur les épaules. J'ai eu une illumination. J'allais lui montrer exactement ce qu'il fallait faire, en situation. D'un geste, je lui ai intimé de descendre.

Venez John, nous allons tout de suite mettre ces conseils en application.

      Voyant qu'il hésitait, j'ai ajouté :

Ne craignez rien et descendez, je vous promets que tout ira bien.


11 Janvier 1665, plus tard...


     Je n'ai pas toujours de bonnes idées Monsieur Gift. Je m'en suis une nouvelle fois rendue compte aujourd'hui. Pleine de détermination, j'ai donc décidé d'aller rendre visite à ce cher Edward Hawkins. Je suis descendue sur le pont avec agilité pour trouver Hawkins perché sur un tonneau, à l'avant du bateau.

      Toute une flopée de marins était rassemblée autour de lui, les yeux levés vers le ciel. Je me suis approchée, John me suivant de près. Voilà à peu près ce qui se disait :

      « Et c'est là que j'ai vu la bête fondre sur moi. Elle était immense. Des ailes aussi larges que nos voiles, un bec crochu et de longues griffes acérées ; voilà à quoi elle ressemblait. Elle poussa un long cri avant de se poser devant moi. Prenant mon courage à deux mains, je lui fis face. Elle me chargea aussitôt que j'eus dégainé mon sabre. Nous combattîmes chacun avec acharnement. Elle, avec rage, moi, luttant pour ma survie. Finalement, au moment où je crus que c'en était fini, elle fit un faux mouvement, ce qui me permit de trancher une de ses ailes. Hurlant de douleur, la bête reprit son envol vers l'enfer, d'où elle n'aurait jamais dû sortir. »

Le Journal d'Ariana [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant