Quelques temps plus tard, le geôlier est venu me chercher, alors que j'attendais paisiblement que l'on décide de mon sort. J'avais quelques inquiétudes, bien sûr, mais tous mes hommes étaient sains et saufs, c'était le principal.
J'ai suivi l'homme à travers un dédale de couloirs, qui devenaient de plus en plus luxueux. J'ai deviné que nous nous approchions des appartements du gouverneur. En effet, on m'a introduite devant lui, mains liées. Le gros homme était couché sur un lit aux tissus plus riches les uns que les autres. Il ressemblait à une motte de beurre posée dans un écrin. Ridicule. Pourquoi de telles pensées me venaient-elles dans un moment pareil ?
Ladite motte de beurre avalait goulûment les plats, sûrement succulents, étalés devant lui. Lorsque j'ai entendu les os d'un poulet craquer entre ses dents, je n'ai pu retenir une pensée sordide. Et si c'était moi, à qui il tordait le coup ?
Après une bonne minute à manger en silence, il a pris la parole.
– J'ai trouvé un supplice à votre mesure, Mademoiselle Shark.
Il guettait ma réaction. Il a laissé tomber ces mots un par un, pour voir l'effet qu'ils auraient sur moi.
– Mais encore ? ai-je demandé, sans me démonter.
– Essayez de deviner, a-t-il dit, s'amusant fort de la situation.
– Je ne sais pas... Vous allez me pendre, me faire fusiller ?
Il a secoué la tête en signe de dénégation.
– Le supplice de la roue ? Le pilori ? me suis-je enquise.
– Nous ne sommes plus au Moyen-Âge ! Soyez plus imaginative !
– Je sais ! Vous allez me faire manger de vos mets gras jusqu'à ce que j'explose !
Il a levé les yeux au ciel, peu affecté par cette nouvelle insolence.
– Nous allons vous pendre au mur du château, par les pieds, a-t-il annoncé, semblant se délecter de sa trouvaille. Comme ceci, tous les villageois pourront admirer votre mort, lente et douloureuse, et savoir ce qui les attend s'ils désobéissent. De plus, vos amis les pirates verront sûrement ce spectacle et s'ils essayent de venir à votre aide... couic ! a-t-il dit en se passant le doigt sur la gorge.
– Ils ne seront pas aussi bêtes, ai-je murmuré, à la fois pleine de rage et de désespoir.
J'avais sous-estimé ce petit bonhomme. Il ressemblait à une pâtisserie mais était plus cruel qu'un vautour. Des hommes m'ont prise brutalement par les épaules et m'ont entraînée vers les remparts. Je me suis débattue comme j'ai pu mais en vain. Nous sommes sortis sur le chemin de ronde et le vent a fait valser mes cheveux. Un soldat m'a attaché les chevilles tandis que l'autre vérifiait les poignets. Je suis restée digne même si je ressemblais plus à un animal que l'on va abattre qu'à une pirate pleine de courage.
Le gouverneur est arrivé. Il ne voulait pas manquer le spectacle.
– Mon actrice préférée grimpe sur les planches ! s'est-il exclamé.
Il s'est approché de moi pour me glisser à l'oreille : « Tâchez d'interpréter votre rôle au mieux, ma jolie ! ». Je lui ai craché à la figure. Un réflexe. Il s'est éloigné, un regard mauvais sur le visage.
– Pendez-là !
Un soldat s'est approché de moi et m'a fait signe de m'asseoir sur le bord des remparts. Puis, il m'a fait basculer tout doucement dans le vide. Au moins, je ne me fracassais pas la tête contre la muraille. Il faut trouver des points positifs dans toutes les situations. Les soldats se sont penchés par dessus le bord pour m'observer. J'étais un animal de foire. Pendu par les pieds à vingt mètres au dessus du sol.
J'ai commencé à réaliser que je ne me sortirais pas facilement de cette situation. Y avait-il seulement une issue ?
Soudain, j'ai entendu un branle bas de combat sur les remparts. Les pirates sont venus à ma rescousse. Je ne savais pas comment ils étaient entrés mais je pouvais les apercevoir. Cependant, le temps qu'ils maîtrisent l'ensemble des soldats, je serais morte. Il fallait que j'agisse.
Comme plus personne ne se préoccupait de moi, j'ai attrapé le couteau qui était constamment glissé dans ma botte. Une chance qu'on ne m'ait pas fouillée. J'ai d'abord libéré mes poignets, puis, j'ai agrippé la corde qui me retenait prisonnière et j'ai commencé à la scier. Alors qu'elle ne me tenait plus qu'à un cheveu, j'ai placé mes mains au dessus de l'encoche. J'ai tiré. Mes chevilles étaient libres ! Par contre, j'étais toujours suspendue à vingt mètres du sol, à la seule force de mes bras.
J'ai placé mes pieds contre le mur et, à l'aide de la corde, j'ai grimpé vers le haut. Les pierres de la muraille offraient de bons points d'accroche, si bons que j'ai réussi à me hisser par dessus les remparts. Le combat faisait rage. Aussitôt qu'il m'a vue, Edward m'a lancé un sabre, qu'il avait dû voler quelque part, et a hurlé l'ordre de la retraite.
Nous nous sommes regroupés tant bien que mal et sommes partis à toutes jambes vers la sortie. Hawkins semblait bien connaître les couloirs et il nous guida facilement à travers la forteresse. Comme tous les soldats étaient venus se battre sur les remparts, ils étaient tous à nos trousses. La voie était libre.
Nous sommes sortis en tout hâte et avons couru vers la ville. Nous l'avons traversée comme un ouragan, sans prendre de précautions. Plus vite nous serions hors de danger, mieux ce serait.
Alors que nous n'étions plus qu'à quelques mètres de l'endroit où se trouvaient nos embarcations, j'ai fait signe aux hommes de continuer sans moi. Comme je m'en doutais, les soldats n'étaient pas loin derrière nous. Je me suis cachée derrière l'étal d'un marchand.
– Chef, on les a perdus, a dit un homme.
Le chef en question a soudainement saisi un marchand, qui passait par là, par le col.
– As-tu vu passer une fille avec un foulard rouge et sa bande d'écumeurs des mers ? a-t-il demandé.
– Non... non... je n'ai rien vu, a répondu le marchand.
– Fouillez-moi cette rue ! Ils n'ont pas pu aller bien loin, a ordonné le chef de la garde.
Je suis sortie de ma cachette et suis montée sur un tonneau.
– Ce ne sera pas nécessaire, ai-je dit. C'est moi que vous cherchez, n'est-ce pas ? Et bien, essayez donc de m'attraper !
J'ai sauté par-dessus une bande de soldats alors que le chef hurlait quelque chose dans mon dos. Lorsqu'ils se sont lancés à ma poursuite, j'étais déjà loin. Heureusement, grâce à la journée de reconnaissance et à l'expédition d'hier, je connaissais la ville comme ma poche. J'ai couru au travers des rues en interpellant mes poursuivants. Ils ont eu beau faire, j'étais toujours plus rapide. Quand je les ai eu entraînés à l'autre bout de la ville, je suis revenue sur mes pas le plus vite possible.
J'ai trouvé mes hommes, m'attendant patiemment dans un canot.
– Ariana ! Nous avons failli attendre, a plaisanté Edward.
John a commencé à ramer et nous sommes rentrés sains et saufs sur le Golden Gem. Et voilà une mission rondement menée, n'est-ce pas Monsieur Gift ?
Ça y est ! Les pirates ont tout ce qui leur faut pour s'élancer vers le trésor d'Orellana ! Mais, le voyage est encore semé d'embûches....
Avez-vous bien compris ce qui s'est passé dans ce chapitre ? J'ai l'impression que les "scènes d'action" que j'écris sont un peu confuses...
Et qu'avez-vous pensé de ce chapitre globalement ?
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Le Journal d'Ariana [TERMINÉ]
Historical FictionAriana Shark va mourir. Du moins en était-elle certaine jusqu'à ce que le fils de son geôlier ne lui rende visite. Nicolas n'arrive pas à croire que celle qui se dévoile devant lui est responsable des pires actes de piraterie de l'époque. Elle lui...