Chapitre 26 - Sacrifice (Partie 2)

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      Au petit matin, les Amazones ont fait sortir les pirates de la tente et les ont attachés aux arbres qui entouraient le village. Ils étaient tous en ligne, les uns à côté des autres. Je me suis frayée un passage parmi les femmes pour voir ce qu'elles comptaient faire. Une première Amazone s'est placée devant Alfonso. Elle a bandé son arc, prête à lui tirer entre les deux yeux.

      Avant que la chef ne donne l'ordre de tirer, je me suis jetée entre l'archère et sa cible.

– Non ! ai-je hurlé.

     Je n'avais rien trouvé de mieux que de faire corps entre les Amazones et mon équipage.

      Après un bref instant de réflexion, j'ai désigné l'ensemble des Amazones du doigt et j'ai dit « Famille ». Puis, j'ai répété le même mot en montrant les pirates.

– Mais qu'est-ce qu'elle fait ? ai-je entendu Méga murmurer.

– J'essaye de vous sauver, bande d'abrutis ! lui ai-je répondu.

      J'ai répété la même manœuvre mais cela n'a pas eu l'air de les convaincre.

      Soudain, le foule s'est fendue pour laisser passer une vieille femme. Ce devait être la doyenne du village. Elle s'est approchée de moi et m'a demandé :

– Tu aimes ces hommes ?

– Ils sont loin d'être parfaits, mais oui, je...

      J'avais du mal à prononcer les mots qu'elle me demandait. Ma vie m'avait trop endurcie pour que je pense à ces choses là.

– Lequel aimes-tu le plus ? m'a coupé la doyenne.

      Je me suis retournée pour les regarder et j'ai désigné Will et le capitaine. Alors que je pensais être parvenue à quelque chose, la vieille Amazone a lâché quelques mots que j'ai compris même s'ils n'étaient pas dans ma langue. Elle demandait à Amaya de tirer sur Will.

      L'Amazone qui m'avait recueillie a eu une seconde d'hésitation, ce qui m'a permis, sans réfléchir, de me jeter entre elle et Will. J'ai pris la flèche en pleine poitrine et je me suis écroulée sur le sol. Là, mes souvenirs deviennent flous. Je me souviens d'entendre de nombreuses personnes hurler mon nom, la voix de Will couvrant celles des autres.

      Puis, la doyenne s'est agenouillée près de moi.

– Tu as gagné, imilla, m'a-t-elle dit.

     Et c'est le trou noir.


      Lorsque je me suis réveillée, j'étais à nouveau couchée sous la tente d'Amaya, sauf que cette fois, il y avait Will à mes côtés, ainsi que la doyenne, qui murmurait des incantations. J'ai d'abord été étonnée d'être vivante. Will aussi. Dès que j'ai ouvert un œil, il m'a prise dans ses bras et m'a serrée à m'en étouffer.

– Will... tout va bien, ai-je dit.

– Tu m'as... nous a fait si peur, Ariana ! s'est-il exclamé.

– Pourquoi suis-je en vie ?

– Et bien, ce journal, que nous avons si mal considéré, t'a sauvé la vie. Comme tu le portes toujours dans ta poche intérieure, il a pu faire rempart entre la flèche et toi. Tu as été un peu sonnée, à cause du choc, mais c'est tout.

      L'explication était si improbable que j'ai cligné des yeux sans comprendre.

– Le capitaine ne te confisquera plus ton carnet, tu peux me croire ! a ajouté Will, pour détendre l'atmosphère.

– Et... comment se fait-ce que vous soyez toujours vivants, vous aussi ? ai-je demandé.

– Ah, ça ! Je n'y comprends rien ! Après que tu m'aies sauvé la vie, Apachi, ici présente, a ordonné aux Amazones de nous détacher, a-t-il dit en désignant la doyenne.

      La vieille femme a arrêté ses murmures pour s'approcher de moi.

– Tu vas rester allongée encore une journée entière, a-t-elle commencé.

      J'ai hoché la tête et l'ai invitée à continuer.

– Je vais t'expliquer pourquoi nous les avons épargnés. Tout d'abord, lorsque nous vous avons trouvés, dans la forêt, nous avons été étonnées de voir une femme parmi les hommes. Tous les équipages d'explorateurs ou de pirates que nous avons rencontrés étaient exclusivement constitués d'hommes. Or, tu étais là. Tu étais une femme, tu portais une épée et tu te battais. Nous avons compris que tu étais comme nous. Une sœur d'armes. Même ton nom te permettrait de rester parmi nous. Les Amazones ont toujours un nom qui commence par un « A », pour marquer l'appartenance à notre tribu. Amaya, Apachi... Ariana. Nous avons donc décidé de faire de toi une des nôtres. Nous ne pensions pas que tu tenais à ces hommes. Être attachée à un homme est inconcevable pour nous. Quand tu as parlé de « famille », j'ai hésité. C'est pour cela que je t'ai soumise au test. Si tu ne t'étais pas sacrifiée pour cet homme, nous les aurions tous exécutés. Mais, tu es notre sœur. Si ces hommes sont tes frères, alors ils iront librement.

– Apachi... l'ai-je interrogée, incertaine. J'aurais pu mourir lors de ce fameux « test ».

– Les dieux protègent ceux qui pensent aux autres plus qu'à eux-mêmes.

      Cela me semblait une garantie bien faible, mais je n'ai rien dit. Tout allait pour le mieux. Le soulagement a amené le sommeil et je me suis laissée aller.


17 Juin 1665,

– Fais attention, imilla, je ressens une présence, qui perturbe la forêt, m'a confié Apachi, peu avant notre départ.

– Je serais sur mes gardes, ne vous en faites pas.

– Que les dieux te protègent, imilla, a-t-elle ajouté, en me confiant quelques fléchettes empoisonnées.

– Apachi ? Pourquoi m'appelez-vous toujours ainsi ? Que veux dire imilla ?

– Cela veut dire « petite fille ». Je t'appelle ainsi parce que c'est ce que tu es. Il te reste encore bien des épreuves à affronter avant de devenir une « Warmi », une femme accomplie.

– Je veux bien vous croire.

      Les Amazones nous ont fourni tout ce dont nous avions besoin pour le voyage. En plus d'une bonne nuit de sommeil et d'un bon repas, nous repartions avec des provisions, des armes et des conseils. Nous nous sommes préparés au petit matin avant de nous enfoncer de nouveau dans la forêt. Ce sont les dernières paroles que j'ai échangées avec la doyenne, que j'ai recopiées au dessus. Je me suis dépêchée de les écrire car elles me paraissaient pleines de sagesse.

      Ensuite, j'ai salué toutes les femmes et je les ai remerciées pour leur générosité. Et nous sommes repartis.

      La journée a été longue. Nous avons marché sans nous arrêter. Le capitaine dit que nous avons pris du retard et qu'il faut le rattraper. Pff...

      En tous cas, il n'y a pas eu d'incident. Au moment où j'écris, la plupart des hommes dorment autour du feu. C'est mon tour de garde. Leur attitude a de nouveau basculé, me concernant. Depuis notre passage chez les Amazones, je suis redevenue la digne fille du capitaine, à qui l'on peut faire confiance. Ah, les hommes !



Et voilà pour le chapitre 26 ! En sachant qu'il n'y en a que 31 en tout, on s'approche dangereusement de la fin... Mais il y aura encore des péripéties, ne vous en faites pas !

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

Le Journal d'Ariana [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant