22 Juin 1665 – Suite
– J'ai été impressionné, c'est vrai, a continué Pesadilla. Tu as déjoué tous les pièges de cette grotte avec une facilité déconcertante. Mais tu te fais toujours avoir dans la dernière ligne droite. Et oui... Vois-tu, cela fait un mois que je suis sur tes traces. Depuis le jour où tu as aperçu mon navire, dans la tempête, je te suis. Lorsque vous étiez sur le fleuve, nous vous suivions, à terre, sous le couvert des arbres. Vous avez pris un peu d'avance à ce moment, mais seulement pour vous faire prendre par les Amazones, ce qui nous a permis de vous rattraper. Ce n'était pas bien difficile, vous faisiez des feux de camps toutes les nuits, il n'y avait qu'à repérer cette lumière insolite. Et ensuite, nous avons pu entrer dans cette caverne sans mal, puisque tu nous as ouvert la voie. Comment peut-on être aussi intelligent et ne pas penser que l'on puisse être suivi ?
– Oh, mais j'y ai pensé, rassures-toi, a dit mon père, avec une assurance que j'étais loin de ressentir.
– Et ? a demandé Pesadilla, qui doutait visiblement de la parole de Shark.
– Et vous êtes à ma merci, a déclaré mon père.
À ces mots, des membres de notre équipage ont surgi de nulle part et se sont répandus dans la caverne. Les hommes de Pesadilla étaient pris en tenaille. J'ai soupiré de soulagement. Nous avions de nouveau l'avantage.
– Crois-tu que j'ai été assez bête pour penser que tu ne voulais pas la même chose que moi ? a demandé le capitaine Shark à son interlocuteur. Je savais que le désir de l'or t'aveuglerait au point que tu fixes ton regard sur nous, sans surveiller tes arrières. Ainsi, Monsieur Müller avait ordre de vous prendre en chasse s'il s'avérait que vous nous suiviez. Je n'aurais pas laissé deux tiers de mon équipage garder le navire, non. Il suffisait que tu le croies. En réalité, deux tiers de mes hommes sont ici. Et vous êtes en infériorité numérique, cher ami.
Je trouvais que mon père parlait divinement bien. Il avait la situation entre les mains. Tout se passerait bien, finalement. Pesadilla a eu une réaction inattendue. Il a éclaté de rire. D'un rire sonore, tonitruant, qui me broyait les tympans comme si le tonnerre résonnait dans la caverne.
– Je n'ai que faire de ta bouchée de gamins, Shark, a-t-il dit. Tu n'as jamais su te constituer un vrai équipage de pirates. Regarde autour de toi ! Un minable second, une frêle fillette ! Je vais les écraser comme des moustiques !
Lorsqu'il a prononcé ces mots, j'ai su que c'était vrai. Que nous ne faisions pas le poids. Un regard aux alentours suffisait pour s'en rendre compte. Les hommes de Pesadilla étaient grands et forts. Leurs visages portaient les marques de nombreux combats remportés et leur regard ne trompait pas. Ces hommes n'hésitaient pas à tuer. C'était leur passe-temps favori.
Leur chef a donné le signal de l'assaut et nous avons tiré nos sabres dans un vacarme assourdissant. Même si la lutte était sans but, nous combattrions. Pour le capitaine, pour nos amis, pour notre honneur qui venait d'être bafoué. Pour notre vie.
Nous avons livré bataille pendant ce qui m'a semblé durer des heures. Je n'avais aucune indication temporelle, comme nous étions coupés de toute lumière naturelle, au fond de la grotte. C'était peut-être la nuit. Et nous nous battions toujours.
Nombre de mes camarades étaient tombés. Certains gisaient au sol, le sang s'écoulant à flots d'une blessure béante. D'autres étaient encore debout mais leur jambes tremblaient si fort que je doutais qu'ils puissent encore se défendre longtemps. Will et moi étions dos à dos, le sabre dans la main droite, le pistolet dans la main gauche. Nous nous battions avec l'énergie du désespoir.
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Le Journal d'Ariana [TERMINÉ]
Ficción históricaAriana Shark va mourir. Du moins en était-elle certaine jusqu'à ce que le fils de son geôlier ne lui rende visite. Nicolas n'arrive pas à croire que celle qui se dévoile devant lui est responsable des pires actes de piraterie de l'époque. Elle lui...