Chapitre 31 - Justice (Première partie)

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     Nicolas referma le journal. Évidemment, il n'y avait rien d'autre. Cette lumière, c'était celle de sa propre torche, quand il était allé voir Ariana, la première fois. Comment aurait-il alors pu se douter que la lecture de ce petit carnet rapiécé le bouleverserait autant ?

      Au fond de lui-même, il savait que sa décision était prise. Qu'elle avait été prise dès qu'il avait vu le visage de la jeune fille, battu par le sintempéries mais non pas abattu par son destin. À présent que Nicolas avait eu un aperçu d'une autre vie, d'une vie sans conventions, sans courbettes, sans devoirs, il lui tardait d'en sentir la douce aigreur. Il savait tous les risques que cela représentait, mais il voulait, lui aussi, sentir le vent ébouriffer ses cheveux, voir la lune donner à l'océan des reflets d'argent, être balancé dans son hamac par gros temps, goûter au danger d'une vie aventureuse.

      Oui, il en était certain. L'équipage du Golden Gem compterait un nouveau membre.

      Mais d'abord, il fallait sauver Ariana.

      Le soir tombait sur Saint-Martin et l'exécution devait avoir lieu le lendemain midi. Il avait tout le temps de réfléchir à un plan, même s'il ne voyait pas très bien comment il pourrait être utile depuis sa chambre.

      Un serviteur vint bientôt lui apporter son dîner. Même s'il était enfermé, Nicolas n'en restait pas moins le fils du gouverneur et on lu iservit un demi poulet rôti, accompagné d'une montagne de légumes, de plusieurs petits pains, de fromage et d'une corbeille de fruits. Cependant, quand le serviteur revint, il n'avait touché qu'au pain et à l'eau.

– Monseigneur, l'interpella le serviteur, êtes-vous indisposé ?

– Non point, répondit son jeune maître. Faites dire à mon père que je ne mangerai que ce que notre prisonnière mangera. Son régime est bien au pain et à l'eau ? Bon. C'est ce que j'ai mangé.

      Le serviteur ouvrit de grands yeux et s'empressa de sortir. Quelques minutes plus tard, le gouverneur était auprès de son fils.

– J'espère que c'est une plaisanterie, commença-t-il.

– Pas du tout, dit Nicolas, en lui adressant un grand sourire.

– Je veux que tu manges immédiatement ce que l'on t'a servi, lui intima son père, en haussant le ton.

– Et comment pouvez-vous m'y obliger ? demanda le jeune homme.

– J'en aurais bien les moyens, mais je ne veux pas te faire de mal, Nicolas.

– Il y a un moyen très simple, père. Donnez la même chose à Ariana.

– Si je le fais, je vais être la risée de cette île et de toute la piraterie.

– Et alors ? Cela vaut mieux que de laisser quelqu'un mourir de faim.

      Le gouverneur réfléchit une minute. Il était coincé.

– Bon, je vais céder à ce caprice puisque c'est le dernier, finit-il par annoncer. Nous serons enfin débarrassés de tous nos problèmes demain.

      Nicolas lui jeta un regard de défi qu'il ne remarqua pas et le gouverneur se hâta de donner les ordres nécessaires. Nicolas insista tant qu'il fut autorisé à descendre dans les cachots. On installa Ariana à une table, dans sa cellule, tandis qu'une autre table fut placée en face, pour le jeune homme. Nombre de mets succulents furent apportés, au grand désespoir des serviteurs, qui devaient redoubler d'équilibre pour descendre l'étroit escalier, les bras chargés de plats en sauce. Nicolas et Ariana souriaient, aussi heureux que s'ils faisaient danser la gigue à toute la maisonnée.

Le Journal d'Ariana [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant