Chapitre 14 - Terre !

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20 Janvier 1665,

      Victoire ! Alléluia ! Hourra !

      Nous avons mis pied à terre !

      Ce matin, à travers la brume qui couvrait l'océan d'un édredon argenté, il m'a semblé apercevoir une forme sombre. J'ai attendu que l'on s'en rapproche, pour être sûre que mon imagination ne me jouait pas des tours, et j'ai crié, avec toute la force dont j'étais capable : « Terre ! Terre à bâbord ! ».

      Une agitation fiévreuse a aussitôt secoué le navire et un martèlement de pas a retenti, troublant l'atmosphère paisible de ce début de journée. Alors que les marins s'amassaient en dessous de moi, je n'avais d'yeux que pour le capitaine, guettant sa réaction.

      Il est sorti de sa cabine, avec son habituel pas de sénateur. Alors qu'une frénésie saisissait les hommes, il a, lentement, sorti sa longue vue de sa poche, l'a, tout aussi lentement, ajustée à son œil. On eut dit qu'il faisait exprès de prendre tout son temps. Je me demande si ce n'est d'ailleurs pas sa façon de se faire respecter. Tout le monde était suspendu à ses lèvres.

      Finalement, il a annoncé que nous irions à terre.

      J'ai découvert plus tard que cette île était le repère de la bande de Shark. Avant de partir pour n'importe quelle expédition, ils se retrouvaient là. Ils avaient donc leurs habitudes.

      Des canots ont été mis à la mer et je suis montée dans le tout premier. J'avais hâte de remettre enfin, ne serait-ce qu'un orteil, sur la terre ferme. Nous avons tranquillement vogué jusqu'à la plage. L'impatience était palpable. Dès que le canot a heurté le fond, nous en avons jailli comme une vague humaine. Je me suis couchée dans le sable tiède et je l'ai laissé se glisser entre mes doigts. Quelle sensation de bien-être incroyable !

      Quelques minutes plus tard, le capitaine et le second nous ont rejoins, avec leur habituelle dignité. Ils semblaient n'éprouver aucun plaisir particulier à être ici. Ils ont donné des ordres et chacun s'est acheminé vers sa tâche. La mienne était d'aller chercher de l'eau douce, avec Will et Méga.

      Ils n'avaient pas vraiment bien distribué le travail. J'avais déjà du mal à porter un tonneau vide alors je n'imaginais même pas ce que cela serait au retour, quand il serait rempli d'eau de source !

      J'ai suivi Will et Méga tant bien que mal tandis qu'ils s'enfonçaient sous les arbres. Et quels arbres ! Nous avons dû naviguer vers le Sud car c'était la première fois que je voyais une végétation si luxuriante. Will m'a dit que les arbres étaient des palmiers. Pendant tout de trajet, j'ai regardé autour de moi en essayant de graver dans ma mémoire ces lieux magiques. Les fleurs étaient de toutes les couleurs. Le rouge vif côtoyait le violet, lui-même s'étalant sur du jaune. Les fougères nous caressaient les jambes et des bananes nous attendaient en haut des arbres. On entendait aussi les conversations des perroquets et le bruissement des feuillages révélait que d'autres animaux erraient dans les parages.

      C'était étrange, mais je n'avais pas peur. Qui sait quels animaux sauvages auraient pu surgir ? Mais, j'avais le sentiment que ce n'était pas possible, qu'un lieu si paradisiaque n'avait que du bonheur à offrir.

      Nous sommes finalement arrivés à un petit lac, alimenté par une cascade d'eau claire. Les rochers moussus permettaient de s'asseoir pour admirer, l'espace d'un instant, le spectacle que la nature nous offrait.

      Ah non. C'était seulement moi. Les deux hommes se sont tout simplement empressés de remplir les tonneaux. Il n'y a décidément aucune poésie en eux.

Le Journal d'Ariana [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant