Chapitre 26 - Sacrifice (Partie 1)

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      Nicolas avait lu toute la nuit. C'était la seule chose qui lui permettait de garder la tête froide. Il voyait qu'au moins, Ariana avait connu pire que sa situation actuelle. Peut-être qu'elle parviendrait à s'en sortir ?

      Au petit matin, il avait fini par trouver le sommeil. Cependant, il fut réveillé par des coups à sa porte. Une servante entra et déposa un plateau de petit-déjeuner au pied du lit. Elle ressortit aussi vite qu'elle était entrée, et tourna la clé dans la serrure. Nicolas ne pouvait pas lui en vouloir, c'était certainement ce qu'on lui avait ordonné.

      Alors qu'il mordait à pleines dents dans un petit pain, il eut de la visite. Son père. Celui-ci s'assit au bord du lit et l'observa un instant comme s'il le découvrait.

– T'es-tu décidé à être raisonnable, mon fils ? lui demanda-t-il.

– Tout dépend de ce que vous entendez par raison, mon père, répondit Nicolas.

– J'entends que tu fasse ce qui tient du bon sens, c'est-à-dire, ce que je te demande.

– C'est étrange, je n'ai pas la même définition du raisonnable, dit le jeune homme. Pour moi, et je m'appuie sur les philosophes antiques, le propre de la raison humaine est d'atteindre des vérités universelles, des vérités complexes, quitte à renoncer à des certitudes simplificatrices. Or, pour faire œuvre de raison, il faut penser, et donc, faire retour sur soi. Si vous me demandez d'être raisonnable, vous me demandez donc d'être doué de raison et ainsi, de réfléchir en moi-même pour atteindre la vérité.

      Nicolas riait en lui-même. Il adorait parler comme un livre, ce qui avait le don de plonger son père dans une confusion extrême, car il n'arrivait pas à suivre le fil des pensées de son fils.

– Au diable les philosophes ! Je n'aurais jamais dû t'offrir tant de livres, s'exclama le comte de Caterets pour mettre fin à cette tirade. Je ne te demande pas de réfléchir, je te demande d'écouter et d'obéir.

– C'est dommage, parce que je ne veux plus obéir, répondit Nicolas. Ce n'est pas contre vous, père. C'est juste que je ne veux pas être le jouet d'un pouvoir oppressif et cruel.

– Cette pirate a tué et volé. Elle mérite de mourir.

– Qui êtes-vous pour décider de qui doit mourir ? Connaissez-vous sa vie ? Êtes-vous même sûr qu'elle ait fait ce que vous lui reprochez ?

– Tu te poses trop de questions, Nicolas. Une journée coincé dans ta chambre t'aidera peut-être à y voir plus clair.

Avec ces derniers mots, le comte se leva et sortit, en fermant la porte à double tour.



16 Juin 1665,

      Hier soir, une femme est entrée dans la tente. Ses longs cheveux noirs tombaient en cascade dans son dos et son visage fin était couronné de fleurs. Elle portait une robe légère, qui la laissait libre de ses mouvements.

      Elle est venue vers moi et a tranché mes liens avec un couteau. Puis, elle m'a fait signe de me lever et de la suivre.

– Eh ! Vous ! l'a interpellée Will. Où est-ce que vous l'emmenez ?

      L'Amazone n'a pas fait cas de lui et est sortie. J'ai adressé un regard plein d'incompréhension à mes amis avant de sortir à sa suite. Les autres membres de la tribu attendaient en cercle autour d'un feu. Elles m'ont fait une place parmi elles.

      Une grande femme décorée de nombreux colliers de fleurs s'est levée et m'a rendu mes armes. Elle a posé la main sur son cœur et m'a regardée dans les yeux en me disant « Confiance ». Je lui ai répondu par un sourire bien que je n'en menasse pas large. J'ai ensuite assisté à une cérémonie dont j'avais peur de comprendre le sens. Les Amazones demandaient à leurs dieux si elles devaient tuer les hommes qui étaient entrés sur leur territoire.

      Quant à moi, il semble que je ne représentais pas une menace. J'étais une femme, comme elles, et je me battais, comme elles. J'étais une des leurs. À la fin de la cérémonie, elles m'ont même fait cadeau d'une nouvelle tenue, que je devais mettre pour faire complètement partie de la tribu. Je me suis donc retrouvée vêtue de la même robe très légère, qui ne me mettait pas vraiment à l'aise. Elles ont tressé mes cheveux et y ont glissé des fleurs.

      La femme qui était venue me chercher, et qui se nommait Amaya, m'a dit « Belle ». Des explorateurs avaient dû passer par ici parce que les Amazones connaissaient quelques mots de notre langue.

     Les femmes sont ensuite allées se coucher et j'ai pu partager la tente d'Amaya. Cependant, je n'ai pas pu trouver le sommeil. Comment allais-je faire pour libérer mes compagnons ? Bien sûr, je ne pouvais pas les laisser mourir sous mes yeux, mais en même temps, je ne pouvais pas trahir la confiance des Amazones. Elles avaient été si gentilles avec moi. Elles m'avaient offert une place parmi elles.

      J'ai décidé qu'il ne servait à rien d'essayer de s'enfuir dans la nuit. Il y avait des gardes devant la tente des prisonniers et les Amazones connaissaient bien mieux la forêt que nous. Elles auraient vite fait de nous rattraper. J'ai donc attendu, hantée par mes doutes. Avais-je fait le bon choix ?


Une courte partie pour mieux apprécier la suite...

Le Journal d'Ariana [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant