Chapitre 10 - A bord du Golden Gem (Partie 2)

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Le temps que je reprenne ma respiration, j'ai perdu Will de vue. Où était-il encore passé ? Je l'ai cherché du regard avant de lever les yeux et de le voir accroché au haubans. Il ne s'attendait tout de même pas à ce que je le suive ?

Alors Ariana ? Tu viens ? A-t-il crié par dessus les sifflements du vent.

Visiblement si. Il voulait que je grimpe sur ses espèces d'échelles flexibles, qui se mouvaient au gré du vent. Et bien allons-y ! J'ai enjambé le rebord du navire tout en m'accrochant aux cordes que j'ai pu trouver. J'ai positionné mes pieds sur les barreaux et j'ai commencé mon ascension. Le vent giflait mon visage et mes cheveux volaient en tout sens quand je suis arrivée sur la hune. Will était déjà loin. Beaucoup plus haut. J'ai repris mon souffle et j'ai continué de grimper du mieux que je pouvais. J'ai finalement réussi à me hisser dans le nid-de-pie, au prix de longs efforts.

Alors ? On affronte un requin mais on a peur de la hauteur ? A hurlé Will par-dessus le vent.

Pas du tout ! Mais, contrairement à toi, c'est la première fois que je grimpe à trente mètre de hauteur, en risquant de me rompre le cou à chaque mouvement !

En réalité, je trouve que tu t'en es plutôt bien sortie. Aucun des hommes que tu vois en bas n'est capable de monter ici, à part la vigie. N'est-ce pas John ?

C'est là que je me suis rendue compte que nous n'étions pas seuls. Derrière le mat se tenait un jeune homme, d'environ vingt ans. Il était très maigre et avait la peau claire, comme si le vent en avait emporté toutes les couleurs. Son visage était fin et ses joues creuses mais on devinait tout de même son jeune âge grâce à ses yeux vifs, d'un bleu presque transparent. Il avait de longs cheveux blonds, attachés dans une natte, et portait un chapeau aux larges bords. Il balbutia :

– Bonjour Mademoiselle, et fit un petite révérence. Il semblait très timide.

– Pas de ça avec moi, mon ami. Je suis un simple matelot, comme toi.

Il hocha simplement la tête et retourna à ses occupations : regarder de tous côtés pour apercevoir un autre navire ou une terre. J'ai repris la parole :

– Combien de temps passe-tu ici...euh... John ?

– Toute la journée. Et une grande partie de la nuit.

C'est vrai ? Mais c'est inhumain ! Personne ne peut te remplacer ?

Personne ne sait monter ici.

Je comprenais maintenant mieux l'origine de ces joues creuses et de ce corps décharné.

On est trois ici, non ? Ai-je repris, nous pouvons donc faire des rondes, tous les trois.

– Je ne peux pas, a dit Will, mon rôle de second m'interdit de faire un quelconque travail autre que le mien.

Et donc tu laisses ce pauvre garçon mourir de faim et de froid en haut du mat ? Moi je vais le faire ! Nous allons faire des rondes mon cher John. Tu vas pouvoir redescendre de ton perchoir, je te l'assure !

Et bien, a repris Will, nous t'avons trouvé un poste ! C'est parfait.

Et sur ces paroles, il a sauté par dessus le bord du Nid-de-pie et est redescendu. Je me suis retrouvée seule avec John. D'un signe de la tête, je lui ai signifié qu'il pouvait descendre lui aussi, et que je prenais la relève. Il a baissé la tête et, sans me regarder dans les yeux, a dit :

Vous êtes très gentille Mademoiselle, mais je ne veux pas descendre en bas.

Et pourquoi donc ? Tu as l'air de n'avoir pas mangé depuis que le capitaine a perdu sa première dent de lait !

Le Journal d'Ariana [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant