HEEL - Chapitre 4

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Elle était arrivée en avance mais n'avait pas osé rentrer. Elle avait donc opté pour l'option des cent pas qui se traduisait par un aller-retour devant l'entrée du bâtiment. Elle se demandait si elle avait bien fait d'y venir et si, l'heure venue, elle ne fuirait pas. Elle se sentait terriblement stupide maintenant qu'elle était là. Mais, aux yeux des passants, ce n'était pas tant sa présence mais bien son piétinement qui la rendait étrange. Pourtant, Kate ne les remarquait pas : elle était dans une bulle d'angoisse. Elle regarda sa montre pour la dixième fois et constata ce qu'elle soupçonnait. En effet, il était enfin seize heures puisque le temps ne peut reculer. La jeune femme inspira profondément l'air froid qui se logea dans ses poumons avant de l'expulser complètement jusqu'à manquer d'oxygène. Elle répéta l'opération encore deux fois. C'était devenu un rituel qu'elle employait chaque fois qu'elle souhaitait se relaxer. Quand elle expira sa dernière bouffée, elle avança d'un pas franc vers les portes automatiques de la S-Agency. Celles-ci se dérobèrent à son approche et Kate fut accueillie par une vague de chaleur. Le hall d'entrée était d'un blanc immaculé aux textures laquées qui lui conféraient un aspect à la fois moderne et épuré. Les murs arboraient les photographies des modèles phares de l'agence, toutes plus belles les unes que les autres. Au centre de la pièce trônait un comptoir arrondi, tout aussi blanc et brillant que le reste, lui-même surplombé par un somptueux lustre en verre. Bien que minimaliste, ce hall transpirait le luxe et Kate en ressentit presque le vertige. Il n'y avait pas à dire, c'était un autre monde que le sien, pensa-t-elle. Elle se dirigea vers le comptoir où une réceptionniste (surement une stagiaire au vu de son jeune âge), vêtue d'un tailleur vert, l'attendait. Ingritte, comme son badge la nommait, lui demanda poliment ce qu'elle pouvait faire pour elle. Kate sortit la carte de visite qu'elle avait reçue la veille et expliqua qu'un certain Massimo Cumonte lui avait donné rendez-vous. Ingritte lui tendit alors un formulaire d'entrée à compléter. Kate devait y décliner son identité et noter le nom de la personne qu'elle souhaitait rencontrer, ce qu'elle fit. Toutefois, elle décida de ne pas inscrire son véritable nom de famille et opta pour celui d'Alexandra qui lui vint directement à l'esprit. C'était une précaution qui lui sembla judicieuse. Ainsi, si l'entrevue tournait mal et si elle ne souhaitait pas être retrouvée, un nom d'emprunt lui conférait l'anonymat nécessaire. Une fois qu'elle eût tout complété, la sympathique réceptionniste lui désigna l'ascenseur et la pria de se rendre au sixième étage. Là, elle serait prise en charge par quelqu'un d'autre. Après l'avoir remerciée, Kate suivit la marche à suivre. Toute à sa concentration, elle n'entendit pas le discret « Bonne chance » que lui souffla Ingritte dans son dos.

Dans l'ascenseur, elle profita du miroir fixe pour vérifier sa mise en beauté. À sa grande joie, rien n'avait bougé ! Elle avait mis deux heures à se préparer, mais le résultat en valait la peine. Pour une fois, elle s'était appliquée à réussir sa queue de cheval haute et à ne pas faire la moindre bosse. Certes, elle avait dû la recommencer à plusieurs reprises. Et, oui, elle s'était beaucoup énervée. Mais, au final, elle y était parvenue et n'en était pas peu fière ! Elle lissait de la main les deux longues mèches qui encadraient son visage quand la sonnerie de l'ascenseur retentit. La porte unique s'ouvrit pour la laisser passer et pénétrer dans le couloir du sixième. À peine en eut-elle franchi le seuil qu'une grande ombre lui barra la route.

   -   Papier ! lâcha sèchement celle-ci.

   -   Bonjour, répondit maladroitement Kate qui avait été surprise. Oui, le voici. Tenez, ajouta-t-elle en le lui tendant.

L'ombre, qui en réalité devait certainement être une secrétaire, lui arracha ledit papier des mains. Kate fit mine de ne pas s'en offusquer, mais n'en pensa pas moins. Après une lecture rapide, la femme, toujours aussi froide, lui jeta un regard en biais : à vrai dire, il lui était impossible de cacher son étonnement de voir une fille comme elle se présenter ici.

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