HEEL - Chapitre 21

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Onze heures tapantes. Après une demi-heure de shopping intense dans les boutiques exemptes de taxe de l'aéroport, les trois compères avaient gagné la porte d'embarquement D34. Jusqu'à présent, ils n'avaient miraculeusement pas croisé la méprisante Sous-Directrice. Tant mieux ! Cinq jours en sa compagnie seraient déjà un supplice ! Toutes les secondes de répit étaient donc à prendre et à savourer. Une hôtesse pria les passagers prioritaires (entendez première classe) du vol A414 de bien vouloir se lever pour procéder à l'embarquement. Une vingtaine de personnes se leva et, parmi elle, une stricte dame droite comme un " i " en longue robe jacquard cintrée. Derrière ses lunettes de soleil de marque, ils sentirent son regard peser sur eux. Elle les appela d'un signe de la main, impériale, comme on hélerait un taxi. Plus le choix, il fallait y aller.

     -   Vous voilà enfin ! Je m'inquiétais de ne point vous avoir vus ! Ecoutez-moi bien : Quand nous atterrirons, je vous attendrai au déchargement des bagages. Jusque là, rien de bien compliqué. Bon et bien, si c'est compris, déguerpissez ! Du vent !

Et la dédaigneuse quarantenaire se détourna d'eux, dans une imitation parfaite d'une starlette capricieuse.

En retournant se rasseoir sur les sièges métalliques inconfortables, Valentine et Kate  se lancèrent dans un concours de jurons à l'attention de Cruella. La blonde aux yeux de biche à qui le vocabulaire faisait souvent défaut déclara forfait après avoir découvert que pédoncule n'était pas une insulte, mais une composante florale. 

     -   Ma belle, ne te vexe pas ! la réconforta Esteban. C'est vrai qu'avec son bâton dans le cul, on pourrait penser qu'elle tient du pédoncule ! N'est-ce pas Kate ?

Le bel hispanique avait le chic pour satisfaire ses dames. Kate s'amusa de son habilité à retourner la situation. Alors qu'elle s'apprêtait à lui répondre que oui, il avait tout à fait raison, elle remarqua le dos d'un buste familier assis en face d'elle. Sam ! se dit-elle. La jeune femme hésita sur ce qu'elle devait faire. Aller le saluer ? Non, ses deux amis trouveraient ça fayot. Mais comment créer une situation pour le retrouver sans éveiller les soupçons ? La tâche allait s'avérer plus ardue que prévu. Surtout qu'elle ne savait pas où en était leur relation, si tant est que ladite relation existait toujours. Cela faisait quatre semaines qu'ils ne s'étaient pas vus. Elle l'avait bien aperçu au loin dans les couloirs de l'agence, mais ça s'arrêtait là. Inquiète, Kate lui avait envoyé quelques messages auxquels le jeune photographe n'avait pas répondu. La petite brune ne connaissait pas les raisons de ce mutisme. Avait-il finalement découvert qu'elle était la source de tous ses problèmes ? Que c'était elle qui avait effacé le fruit du travail d'un mois entier ? Si c'était le cas, il l'aurait dénoncée... 

     -   Les passagers du vol A414 sont attendus à la porte d'embarquement.

     -   Ah ! C'est nous ! s'exclama Esteban, enjoué. Allons-y, comme ça nous serons plus vite installés.

Vérifications de leurs identités et de leurs billets effectués, ils s'engouffrèrent dans le boing, accueillis par les membres de l'équipage. A sa grande déception, Kate n'avait pas été enregistrée dans la même rangée que les deux mannequins confirmés. 

     -   T'inquiète pas, avec un peu de chance tu ne seras pas à côté d'un enfant ! furent les dernières paroles chaleureuses lancées par Valentine pour soutenir son amie avant de s'enfuir avec Esteban vers le fond de l'avion.

Kate, elle, se retrouva temporairement seule contre le hublot juste à l'avant de l'aile gauche de l'appareil. Au moins, pensa-t-elle, j'aurais une belle vue pendant le trajet ! Cette vitre minuscule serait son salut si elle se trouvait gratifiée d'un voisin chiant. Scrutant les hommes en contrebas qui chargeaient la soute à bagages, elle sentit quelqu'un prendre place à sa droite. Un agréable parfum aux notes ambrées vint caresser ses narines. Celui-ci n'était certainement pas l'odeur d'un enfant, ce qui soulagea la brunette qui continuait à regarder à travers la petite vitre épaisse, désirant éviter tous risques d'entamer la conversation avec un quelconque inconnu qui lui tiendrait la jambe tout le voyage, trop heureux d'avoir trouvé une oreille attentive à qui raconter sa vie inintéressante.

     -   Chewing-gum ? proposa son voisin.

Ca y est, c'est parti ! se lamenta Kate en soufflant, exaspérée. Parfois, elle rêvait d'être mal polie mais, loin d'être une Cruella dans l'âme, elle était incapable d'envoyer valser ceux qui l'enquiquinaient. Aussi se résilia-t-elle à endurer une heure de bavardages bidons.

     -   Non merci, c'est gentil. J'en ai déjà pris un ! répondit-elle en se tournant vers son interlocuteur.

     -   Ca va ? demanda-t-il dans un merveilleux sourire, amusé par la tête qu'elle faisait.

     -   Sam ?! Mais que... n'arriva-t-elle pas à finir.

De tous les passagers enregistrés sur ce vol, c'était le beau blond qui avait été désigné pour être à ses côtés. Kate n'en revenait pas ! Chance ou mauvaise blague ? Décidément, le destin s'acharnait à les réunir. Mais, destin ou pas, la jeune femme se ressaisit et prit un air fâché. Pour une fois, elle ne jouait pas la comédie. Elle avait vraiment été vexée par l'attitude du garçon qui ne lui avait plus donné aucun signe de vie. Et il se tenait là, tout sourire, comme si de rien n'était ? Ah non, il était hors de question qu'il s'en sorte aussi facilement.

     -   Tu ne manque pas de culot ! s'emporta Kate. Ca fait un mois que tu m'ignores, que tu m'évites ! Et tout ce que tu trouves à dire, c'est de me proposer un stupide chewing-gum ?! Tu te fiches de moi ?!

     -   Kate, écoute, je suis vraiment désolé. Je n'étais pas en forme avec ce qu'il s'est passé... Tu vois de quoi je veux parler je suppose. J'ai failli perdre mon job, ma réputation ! Et je n'ai pas encore regagné la confiance de la direction. J'ai constamment Arabella sur le dos ! Qui plus est, la presse m'a descendu en flèche, l'info a fuité. Tu n'imagines pas le nombre de personnes qui souhaitent me voir couler pour prendre ma place ! J'ai dû me défendre bec et ongles pour conserver mon statut. J'aurais aimé te voir, crois-moi ! Mais dans cet état, il ne valait mieux pas. Je t'aurais déçu, termina-t-il, visiblement encore honteux.

Sam avait l'air sincère. Pendant son discours, il était devenu plus grave. Il se tenait là, les coudes appuyés sur ses cuisses, les mains jointes serrées sur sa bouche. Kate remarqua que quelques changements s'étaient insinués sur le visage du bel homme : son teint s'était terni, ses pommettes s'étaient creusées, ses yeux s'étaient soulignés de cernes bruns. Il n'avait ni pris la peine de coiffer ses cheveux qui avaient un peu repoussé, ni de raser sa barbe devenue plus fournie. On dirait la " moi " d'avant, se dit Kate. A quelques détails près, elle se voyait en Sam. C'est bien, je touche au but ! Et elle fit ce que toute bonne petite amie compréhensive aurait fait dans cette situation. Sans rien dire, elle lui saisit la main et, sans la lâcher, la posa entre eux. Les mirettes émeraude s'éclairèrent et leur propriétaire serra un peu plus fort la main menue de Kate qu'il tiendrait durant tout le vol. Le malaise était rompu. Bien, Sam, ta descente en Enfer va pouvoir continuer... songea l'apprentie mannequin, inébranlable.

Unis par un amour gris, le couple s'envola pour la ville lumière.

Unis par un amour gris, le couple s'envola pour la ville lumière

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Bonjour chers lecteurs !

Eh bin, le séjour à Paris promet une sacrée ambiance ! Vous en doutez ? Alors rendez-vous dans le chapitre 22 ;)


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