À 25 ans, Kate, jeune enseignante sans emploi, est menacée d'expulsion par le service de chômage. Alors que sa situation parait désespérée, elle se fait remarquer par une agence de mannequinat. Sans y croire, elle se rend sur place et découvre que l...
- Demi masque noir et doré d'inspiration vénitienne : OK !
- Robe longue asymétrique noire : OK !
- Lèvres rouge intense et maquillage charbonneux : OK !
- Chignon glamour coiffé/décoiffé : OK !
- Pochette dorée et escarpins rouges : OK !
Kate avait pris toute la journée pour se préparer. Elle ne voulait rien laisser au hasard, le résultat se devait d'être parfait. Pour l'aider, elle avait fait venir Carole et son équipe qu'elle avait grassement payés. Résultat : elle était à tomber, digne de fouler le tapis rouge. Sauf qu'elle escomptait fouler ce soir un sol moins prestigieux.
L'école n'avait pas changé. Elle était toujours composée de plusieurs bâtiments, capables d'accueillir en tout mille-sept-cents élèves dont on bourrait le crâne de concepts souvent inutiles. Dans ces murs qui avaient constitué sa prison, l'histoire devait certainement se répéter. Avec un autre tortionnaire, avec un autre bouc émissaire. Et sans super héros pour interrompre le massacre d'une vie. Dans la cour, plusieurs personnes de sa promo, masquées elles aussi, sirotaient un verre de mousseux. Même s'il lui était impossible d'identifier clairement celles-ci, Kate connaissait le rôle qu'elles avaient joué autrefois : celui de témoins silencieux. Sans s'arrêter, elle se laissa guider par la musique dont les décibels faisaient vibrer ses entrailles, jusqu'à parvenir à la salle polyvalente, lieu désigné de la fête. Dès son entrée, plusieurs têtes convergèrent vers elle. On ne pouvait pas la manquer, elle était au-dessus du lot, séduisante, envoutante. Elle entendit chuchoter deux jeunes femmes aux masques en dentelle noire (se seraient-elles crues dans une séance sado-masochiste ?) qui spéculaient sur son identité. Elle traversa la salle, altière, satisfaite de l'émois qu'elle avait provoqué. Au buffet, elle s'offrit une coupe de champagne et entreprit de le chercher du regard. Soudain, elle le trouva. Des cheveux blonds, environ un mètre quatre-vingts et, surtout, un tatouage asiatique en deux teintes sur le bras. Il était entouré d'anciens camarades, garçons et filles confondus. Il devait certainement se vanter de sa splendide carrière et de se taper le mannequin le plus en vogue du moment. Soudain, la musique cessa et les spots éclairèrent l'estrade où se tenait un jeune homme en smoking devant un micro sur pied.
- Bonsoir à tous et merci de votre présence ! En tant qu'ancien délégué de la promotion deux-mille-neuf, je me réjouis du succès professionnel de chacun d'entre nous et, avant d'être trop bourré pour pouvoir vous le dire correctement, je vous souhaite d'ores et déjà une belle nouvelle année ! Santé !
Tous répondirent en levant bien haut leurs verres mais aucun n'eut le temps de le porter à ses lèvres. Le " président " venait de se faire expulser par la belle inconnue, captant ainsi l'attention de tout l'auditoire.
- Oui, bonne année ! s'écria Kate à son tour. Pardon pour cette interruption, mais il me tardait à moi aussi de vous saluer. A vos mines, j'imagine facilement que vous ne parvenez pas à m'identifier. Mais moi, j'en ai reconnu certains d'entre vous ! La fille au masque en dentelle noire là-bas, dans le fond. Non pas toi, celle avec la coupe au carré. Ne serait-ce pas notre chère Morgane Geller ? Quel dommage que tu parles toujours du nez... Oh et ici, juste à ma gauche, Matteo Del Palazzo ? Non mais sans rire, faudrait quand même que quelqu'un lui dise que la couleur rose pour les mecs n'est plus à la mode depuis deux ans ! Oups, c'est fait... Et juste là, vers le centre, le grand baraqué au corps de rêve et aux cheveux dorés ? J'ai un doute. Le tatouage est nouveau. Sam Janssens peut-être ? Mais oui ! Salut Sam, comment vas-tu ? Il parait que tu as la belle vie ! Petit veinard, n'est-ce pas ? Tu aurais dû ramener ta copine, d'après les magazines people elle est célèbre.
- Impossible, elle était occupée ailleurs ! se défendit tout haut le photographe sur le ton de la plaisanterie.
- Ah bon ? Moi j'ai entendu qu'elle souhaitait te faire une surprise...
Sans prévenir, elle arracha son masque et le jeta avec force par terre. Tous firent un " Ooooh ! " d'étonnement, même Sam qui ne comprenait pas pourquoi sa petite amie était présente et comment elle connaissait les noms de ses amis.
- Surpriiiiiiise ! chantonna gaiement la malicieuse brune en agitant les mains.
- Mon Dieu, c'est Kate Chot ! s'égosilla une voix féminine.
- Du calme, du calme, les exhorta Kate lascivement. Tout d'abord, pour les autographes, on verra après si vous voulez bien parce que je n'ai pas terminé. Ensuite, petite précision : ce n'est pas Kate Chot, mais Kate Baudouin.
La déclaration eut l'effet d'une bombe. Tout le monde se concerta dans un brouhaha assourdissant.
- Sileeeence ! hurla la brunette dans sa robe de satin obscure. Je vous vois déjà venir et que ce soit clair entre nous : Non, je n'ai pas fait de chirurgie esthétique. J'ai simplement grandi, changé physiquement. Certains vieillissent mal, moi c'est le contraire. Un peu comme un millésime : jeune c'est dégoutant, mais plus tard c'est exquis ! Avec l'alcool en comparatif vous comprenez directement mieux... Donc oui, pas de doute, je suis bien Kate le babouin, Kate qui pue le purin, le gros thon de l'école. Alors Sam, qu'est-ce que ça fait de sortir avec la fille la plus moche du bahut ? Toujours partant ? Tu as l'air choqué mon pauvre, mais s'il te plait, évite de te laisser aller. Tout le monde connait tes petits soucis d'incontinence et, entre nous, ce n'est pas très classe. A moins que... Qui veut que le beau Sam Janssens se chie dessus ? Allez, ne soyez pas timides, encouragez-le ! Bin quoi, vous ne dites rien ? Je vous ai connus plus loquaces autrefois, quand il s'agissait de me ridiculiser. Vous faites moins les fiers maintenant, hin ?! Savoir que la pauvre petite Kate vous est maintenant supérieure vous cloue le bec ? Bande de crétins à l'égo surdimensionné ! Pensez-y la prochaine fois avant de persécuter quelqu'un qui vous semble inférieur : cette personne-là pourrait un jour danser sur votre tête. Sur ce, bonne année !
Piétinant sans détour son masque qui se brisa sous ses talons pointus, elle quitta la soirée en reine.
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