En arrivant au troisième étage, Kate se sentait étrange : à la fois forte et fragile ; différente et identique. Forte de sa nouvelle apparence qui la faisait gagner en assurance, mais fragile car elle se sentait ridicule et craignait de subir le regard des autres. Avant de descendre pour le shooting, Carole l'avait accompagnée au quatrième où les costumiers oeuvraient à lui trouver la tenue idéale pour le thème du jour. Depuis ce matin, ils avaient travaillé d'arrache-pied pour confectionner ou rapatrier des vêtements à sa taille. Kate s'excusa auprès d'eux pour le désagrément causé, mais tous furent aimables et ne lui en voulurent pas. En effet, cela changeait de leur quotidien, ce qui n'était pas désagréable.
C'était donc perchée sur quinze centimètres de talon aiguille que Kate s'était rendue auprès du bruyant plateau où elle devait se faire immortaliser. Quand on la remarqua, le silence tomba. Tous les visages étaient braqués sur elle. Pour certains, la bouche s'était entrouverte. Pour peu, ils auraient avalé une mouche. Kate, mal à l'aise, ne savait plus quoi faire et n'osait plus bouger d'un millimètre. Elle tira sur sa robe noire de jais dans l'espoir de l'allonger, resserra ses jambes comme pour se protéger. Quand Sam vint à sa rencontre, elle en fut presque soulagée.
- Kate, tu es magnifique ! souffla le jeune homme, subjugué. Viens par ici, je vais t'expliquer ce qu'on va faire. Les autres, cria-t-il à l'attention de son équipe, remettez-vous au travail ! Il faut encore ajuster les éclairages !
Kate reçut le compliment avec joie, contente que son ancien tortionnaire la complimente. Jamais elle n'aurait cru entendre ces mots sortir de sa bouche à lui. Elle se délectait intérieurement.
- Dépose tes affaires près des miennes, tu les retrouveras plus facilement, lui proposa le garçon.
La jeune femme mit donc son sac à côté de la chaise où était accrochée la casquette de Sam. Pendant que tout le monde autour d'elle se préoccupait de ce qu'il avait à faire, elle jeta quelque chose au sol puis fit glisser la casquette par-dessus. Enfin, elle la piétina avant de retourner auprès de Sam. Le décor préparé était différent de celui de la première fois : on y avait mis en scène une forêt aux arbres nus dont les feuilles autrefois vivantes jonchaient le parterre. Les branches squelettiques laissaient poindre le soleil d'automne haut dans le ciel. Pour seuls accessoires, on avait disposé un gros rocher et une souche morte.
- On va faire la dernière photographie de la saison automnale. On s'est inspiré du " Chaperon Rouge ", une jeune fille perdue dans une forêt désolée. Je te laisse deviner le rôle que tu joueras ! s'amusa Sam, le visage boursouflé à découvert.
- Je comprends mieux pourquoi on m'a fait porter un long manteau rouge à l'intérieur ! répondit Kate qui aimait la thématique choisie.
- C'était facile à deviner pourtant ! blagua-t-il. Tu peux aller te mettre sur le plateau. Je te donnerai des instructions que tu devras suivre du mieux que tu peux, que ce soit sur ton expression, ta façon de te tenir, tes gestes,... Bref, tu m'écoutes !
Kate se positionna au centre. Pour la seconde fois, le silence se fit à la demande de Sam. La belle brune, dont les yeux fumés étaient aveuglés par les lumières écrasantes des spots, ne voyait rien. Elle se sentait seule, isolée dans cette forêt artificielle. Tout à coup, une voix chaude et familière résonna, envoûtante. Comme transportée par cet écho lointain, elle se libéra. Cette voix était comme une caresse qui lui vrillait les tympans, et elle s'y abandonna volontiers. Tandis qu'il lui dictait quoi faire, son corps obéissait telle une machine bien huilée. Pour elle, le temps s'était figé. Elle fut ramenée à la réalité par les applaudissements rituels signifiant la fin du shooting. Puis, on coupa les lumières éblouissantes et l'équipe s'activa à ranger le matériel. Sam s'était assis sur sa chaise et Kate entreprit de le rejoindre. Il semblait songeur, ses beaux yeux verts assombris rivés sur l'écran de son gros appareil photographique.
- Je suis désolée, s'excusa Kate. Je t'ai écouté, mais je n'étais pas concentrée. J'ai fait n'importe quoi, se lamenta-t-elle.
Sans quitter l'écran des yeux, le blond quelque peu défiguré s'adressa à elle.
- Non, au contraire. C'était parfait.
Bientôt, ils se retrouvèrent seuls tous les deux, les autres étant repartis après ces deux heures de prise de clichés. Kate ne s'était pas rendue compte du temps écoulé, mais il était déjà seize heures trente. Comme il leur restait une demi-heure avant la fin de la journée, Sam lui proposa de regarder avec lui les photos qu'il venait de prendre. N'ayant aucune envie d'aller au cours de maintien, Kate accepta. Il alla lui chercher une autre chaise qu'il déposa à côté de la sienne, sortit son ordinateur portable et y inséra la carte mémoire de son appareil. Là, il cliqua sur la première image contenue qui se déploya en grand. Ainsi, il les fit défiler les unes après les autres. Le jeune femme, assise près de lui, les trouvait toutes superbes.
- Je ne me croyais pas capable de faire tout ça. Je veux dire ces poses, ces expressions. J'ai l'impression que ce n'est pas moi. Et pourtant, je sais que c'est moi... C'est étrange. Tu dois me trouver folle.
- Non, pas du tout. C'est ce que pensent généralement les mannequins à leur premier shooting. Mais, malgré tout, tu es différente des autres. On dirait que tu es capable de jongler naturellement avec une multitude de facettes, comme si c'était facile. C'est ce qui m'intrigue...
- C'est grâce à toi, Sam. J'avais juste à t'écouter et ça fonctionnait. C'est parce que tu es doué ! le félicita-t-elle.
- Ce n'est pas seulement ça.
Tout à coup, il cessa de faire défiler les clichés et se tourna vers elle. Kate, que les prunelles émeraudes fixaient, sentit son coeur bondir. " Pitié, se dit-elle, pas ça ! Pas déjà ! "
- Tu es fascinante, lâcha-t-il dans un souffle.
Il se pencha et leurs lèvres se rencontrèrent, s'entremêlant dans un doux baiser.
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Hello chers lecteurs !
Houlala, ça devient chaud ! Kate va-t-elle succomber aux charmes de Sam ou cela fait-il partie de ses plans ? A votre avis ?
Avez-vous aimé ce chapitre ?
A bientôt dans le chapitre 13.
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HEEL
Chick-LitÀ 25 ans, Kate, jeune enseignante sans emploi, est menacée d'expulsion par le service de chômage. Alors que sa situation parait désespérée, elle se fait remarquer par une agence de mannequinat. Sans y croire, elle se rend sur place et découvre que l...