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Mercredi 30 septembre

Florian travaille sur son ordinateur, d'une façon distraite, à promouvoir les avantages supposés d'une marque de sous-vêtements féminins. Toutes ces images qu'il doit créer pour les besoins d'une publicité racoleuse, voire mensongère, lui déplaisent de plus en plus.

Le chef de service lui a encore fait tout à l'heure quelques remarques désobligeantes quant à son rythme de production. Mais la semonce ne l'atteint guère, tant il se sent étranger à ce monde trépidant qui bourdonne autour de lui et dont le profit est le seul moteur.

En fin de matinée, avant de partir, Florian échange quelques mots avec Hubert qui lui rapporte des rumeurs selon lesquelles une lettre de pré-licenciement aurait été envoyée à certains employés. Puis, dans un couloir, il croise le directeur affairé, suant et soufflant, qui passe sans lui adresser un regard.

Dans sa boîte à lettres, il trouve un avis de courrier recommandé avec accusé réception. Les propos de son ami lui reviennent alors à l'esprit, sans qu'il s'en inquiète outre mesure.

Le lendemain matin, dès l'ouverture de la Poste, Florian constate que la lettre provient effectivement de son entreprise. Il la décachette aussitôt avec une certaine nervosité, déchirant en partie la feuille. Le texte suivant ne le surprend guère :

Monsieur,

Nous vous invitons à rencontrer notre Direction, jeudi 8 octobre à 9 heures, pour un entretien préalable à un projet de licenciement qui vous concerne, notre Société n'étant plus en mesure, suite à la crise économique, d'assumer la charge financière de votre salaire et des cotisations sociales s'y afférant. Nous envisagerons alors avec vous les modalités de votre départ : date – indemnités...

A la fois mécontent et soulagé, il n'en lit pas plus et froisse la lettre dans sa poche – puis se rend à son bureau tout proche, place des Cordeliers.

Dans le hall d'entrée plaqué de miroirs, Helena, éplorée, semble l'attendre. Elle lui apprend qu'elle sera bientôt congédiée, et que deux autres collègues du service sont également concernés.

Pascal et Christine, précise-t-elle en s'essuyant les yeux avec un mouchoir.

Il lui annonce qu'il fait aussi partie du lot, sans dire qu'il en est presque satisfait, craignant qu'elle ne comprenne pas un tel paradoxe en ces temps difficiles. Pour Helena, c'est catastrophique, surtout sur le plan psychologique, bien qu'elle mette en avant les aspects matériels :

Si je ne peux pas retrouver rapidement un job, comment je vais payer mon loyer ?... et tout le reste ?... Je n'aurai même pas droit à l'indemnité de licenciement : il n'y a qu'un peu plus de six mois que je suis là.

C'est vrai, il t'aurait fallu au minimum deux ans d'ancienneté. Mais tu vas sûrement toucher, comme moi, une indemnité compensatrice de préavis, car il paraît qu'on va nous demander de partir dès qu'on aura reçu la lettre officielle qui suivra l'entretien. C'est du moins ce que Hubert, qui est au courant de tout, m'a laissé entendre.

Alors, dès la fin de la semaine prochaine, tout sera fini pour nous, ici ?

C'est probable... Mais il y a aussi l'ASSEDIC ; l'assurance chômage nous versera des allocations assez substantielles.

Oui, je sais que j'y aurai droit pendant sept mois ; mais après...

D'ici là, avec tes compétences et tes qualités, tu auras certainement retrouvé un travail d'infographiste, à Dijon ou ailleurs.

PhalèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant