Samedi 18 juillet
Le logement de Florian est trop sombre pour qu'il puisse peindre à la lumière naturelle. Bien que sa table soit installée près de l'unique petite fenêtre du séjour, il est obligé d'allumer son lampadaire quand il travaille. La seconde fenêtre de son appartement se trouve dans la chambre contiguë où il n'y a guère de place que pour un lit d'une personne, une armoire étroite, un meuble de chevet et une chaise.
« Cet éclairage électrique fausse un peu les couleurs. Mais comment faire autrement ?... M'installer à l'extérieur n'est pas non plus sans inconvénients. »
Assise en sphinx au bout de la table, la queue enroulée autour des pattes, Laura observe son maître d'un regard aimant.
Il fignole son aquarelle, avec un perfectionnisme qu'il se reproche (mais s'autorise au nom de l'art).
− Tu sais que je suis en train de te portraiturer ?
− Mirrmaou..., répond la chatte, comme à son habitude lorsqu'elle voit qu'on lui parle.
− Je t'ai mieux réussie que la dernière fois ; j'espère que tu seras contente.
− Rrmaou..., semble-t-elle approuver.
− Je sais bien que tu ne peux pas te reconnaître ; mais tu as d'autres capacités : j'ai l'impression que tu ressens la présence de Phalène quand elle est là.
Devant l'air engageant de son maître, la chatte se lève et vient vers lui, passant fièrement sur la feuille humide où elle laisse l'empreinte d'une patte.
− J'apposerai ma signature à côté de la tienne, Laura, lui dit l'artiste avec humour.
Considérant son travail d'un œil critique, il se propose de le reprendre ultérieurement :
« Le pelage noir assombrit trop l'ensemble ; il faudrait raviver le fond... mais l'aquarelle se prête mal aux retouches et y perd de la transparence. »
Il fait le tour de son logement où ses meilleures productions sont accrochées, sous verre, dans de simples cadres en pin verni. Une douzaine décorent le séjour ; on en trouve autant dans la chambre ; beaucoup d'autres sont stockées dans des cartons à dessins, attendant d'être mises en valeur.
Malgré son talent, Florian n'a pas la prétention de croire qu'il passera à la postérité. Néanmoins, il connaît un succès d'estime et une certaine notoriété parmi les Dijonnais amateurs d'art.
Quelques uns de ses tableaux, qu'il renouvelle régulièrement, sont en permanence exposés dans une galerie de peintures et sculptures, très bien située rue Vauban. Son ami Francis K, qui en est propriétaire, lui loue pour un loyer modique un emplacement visible depuis l'extérieur, et présente fréquemment une de ses œuvres en vitrine – permettant à Florian d'en vendre de temps à autre, notamment à des touristes asiatiques dont la sensibilité artistique est proche de la sienne.
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Phalène
ParanormalVictime d'un grave accident de la route, Phalène est plongée dans un coma profond. Sortie de son corps, elle vient alors retrouver Florian, son grand amour d'adolescence, trop vite perdu de vue dix ans plus tôt. Ils renouent une relation hors du co...