Phalène

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Mercredi 4 novembre

Avec application, Lydiane déchiffre une partition au piano, guidée par Florian, lorsqu'elle reçoit un appel de sa mère qui se trouve à Paris et s'apprête à partir en voyage. Par discrétion, il se propose d'aller faire un peu d'exercice dans la salle de fitness ; mais elle le retient, lui signifiant qu'il peut rester là et entendre la conversation.

Mme d'H, extravertie et volubile, s'exprime sur le mode déclamatoire d'une actrice de mélodrame :

− Diane, ton père m'a couverte de honte ! Il doit rentrer ce soir, et je ne veux surtout pas être là à son retour !... Je ne lui parlerai plus que par l'intermédiaire de mon avocat !

− Que se passe-t-il, Mère ?

− Hier, la comtesse d'O m'a apporté (soi-disant par amitié, mais en fait pour voir la tête que j'allais faire) un magazine people qui venait de paraître. Quel choc !

− Dites-moi ce que vous reprochez à Père...

− Ah, je suis sûre que le Tout-Paris va être au courant de son aventure et de mon infortune ! Je ne vais plus oser me montrer nulle part ! J'imagine déjà les sourires ironiques, les sous-entendus perfides...

− Vous ne m'avez toujours pas appris ce qu'il a fait ; est-ce si grave ?

− Sur ce torchon de journal, on voit une photo glamour de ton père en bermuda fleuri, aux Seychelles, enlaçant une starlette affreusement fardée : une certaine Juanita de Q... dont je n'avais jamais entendu parler.

− Moi non plus.

− Il paraît que c'était l'heureuse gagnante d'une émission de télé réalité dont j'ai oublié le nom. Elle aurait été célèbre il y a deux ou trois ans ; mais les médias la délaissant, cette catin chercherait maintenant à faire parler d'elle par tous les moyens.

− La photo n'est pas en première page, j'espère !

− Non, Dieu merci !

− Alors, ça va peut-être passer inaperçu ; et dans quelque temps, plus personne ne s'en souviendra.

− Une pleine page y est quand même consacrée, avec un gros titre racoleur qui écarte l'hypothèse d'un éventuel sosie de ton père : " La starlette désargentée se redore au soleil des Seychelles en compagnie du richissime Gaëtan d'H ". Quel scandale !

− Vous saviez qu'il était parti là-bas ?

− Non ! Le fourbe m'avait annoncé qu'il allait à Bruxelles où il fait partie d'un conseil d'administration. Ah ! j'ai bien l'intention de demander le divorce dès mon retour de Monaco. J'y ai retenu une suite à l'hôtel Excelsior, à partir de demain, pour une semaine.

− Et ce soir, où comptez-vous dormir ?

− Pour couper le voyage, j'avais pensé m'arrêter à Dijon et passer la nuit chez toi, si ça ne te dérange pas. On ne s'est pas vues depuis longtemps, Diane...

− Je vous recevrai avec plaisir, Mère.

− J'arriverai en fin d'après-midi. Le chauffeur va me conduire avec la Rolls (et ton père devra se contenter de la Bentley). Tu seras chez toi, ou à l'agence ?

− Je serai chez moi. J'ai été malade la semaine dernière et ne suis pas encore ressortie. J'avais contracté la grippe A...

− Mon pauvre chou !... Avec mes soucis en tête, je n'ai même pas pris de tes nouvelles !