Marcher dans la forêt qui entourait la tour était extraordinaire. Kardal pouvait presque sentir l'odeur de la sève et de la végétation, et même si ses capacités olfactives laissaient fortement à désirer, cela ne l'empêchait pas d'apprécier les couleurs environnantes et l'atmosphère tranquille que créaient les grands arbres.
Steven avait suggéré qu'ils gravissent la pente jusqu'au sommet de la montagne, qui n'était pas très loin du bâtiment de pierre, afin d'avoir une meilleure vue sur les environs et de pouvoir se repérer.
La forêt se fit moins dense à mesure qu'ils gagnaient en altitude et lorsqu'ils débouchèrent tout en haut sur le replat caillouteux, ils eurent droit à un magnifique panorama dégagé.
- Bon, le soleil s'est levé de ce côté, donc le nord est dans cette direction, indiqua Gheor en désignant l'immense plaine qui s'étalait devant leurs yeux.
- Je ne vois de piliers blancs nulle part, fit Eaal, déçue.
- C'était à prévoir, dit Iria. Et...
Flamos l'interrompit :
- Regardez, de l'eau !
Il s'était tourné vers le sud et Kardal en fit autant. Dans cette direction, le petit massif montagneux sur lequel ils se trouvaient était suivi d'un paysage vallonné, puis d'une gigantesque forêt, qui s'étendait, à l'ouest, à l'est et au sud, jusqu'à un océan.
- Une mer ? Un océan ? s'interrogea Steven. Quoi qu'il en soit, on ne le voyait pas pendant la montée à cause de la forêt.
- Sacrée forêt en effet, renchérit la guérisseuse.
Kardal pivota lentement sur lui-même pour embrasser du regard l'entièreté du paysage. Depuis leur position, ils voyaient donc une partie des limites d'un continent. Mais lequel ?
- Ce qu'il nous faut maintenant décider, intervint la Mage-feu, c'est où nous allons. Je crois voir une ville dans la plaine, et je pense qu'il s'agirait d'un bon point de départ.
- Où que nous allions par la suite, il faudra qu'on descende le long du côté sud de cette montagne, fit observer Steven. La face nord est beaucoup trop abrupte.
Kardal se déplaça jusqu'au bord du plateau et se pencha en avant afin d'y jeter un coup d'œil, constatant que Steven avait raison : des parois sombres et verticales, des rochers instables et des replats traîtres étaient tout ce qui les attendait au nord.
- Bon, alors allons-y, fit Iria en s'engageant dans la descente.
Kardal lui emboîta le pas, immédiatement suivi par le reste du groupe. En seulement quelques minutes, ils avaient dépassé la tour et s'enfonçaient dans une partie plus dense de la forêt, où ils tombèrent rapidement sur des traces d'anciennes dépouilles et des armes rouillées.
- Il y en avait beaucoup plus dans le coin là-bas, indiqua Steven. Et du vraiment vieux !
- Ces macchabées ne le semblent pas tous, il y en a des plutôt récents, remarqua Gheor. Quelques mois, tout au plus.
Il semblait prêt à pousser plus loin son investigation, mais Eaal n'étant visiblement pas à son aise, Kardal intervint en rappelant aux autres qu'il était dans leur intérêt d'arriver en bas le plus rapidement possible. Iria acquiesça et se remit en route, mais dix minutes ne s'étaient pas écoulées qu'ils faisaient une autre découverte :
- C'est un chemin, c'est sûr, disait Flamos quand Kardal, qui était resté en arrière, parvint à sa hauteur.
Le gladiateur désignait ce qui ressemblait à un changement de tempo, un espacement différent, dans la position des grands arbres devant eux. Au sol, la végétation de taille moyenne était très rare et une herbe plus dense traçait un parcours sinueux qui s'enfonçait le long de la pente avant de disparaître derrière les géants de bois.
- Logique, appuya le militaire. Il a fallu transporter les matériaux nécessaires à la construction de la tour à un moment donné. Et envoyer des combattants traverser la forêt est plus simple s'ils ne doivent pas contourner des arbres tous les deux mètres, donc quelqu'un a dû avoir intérêt à le conserver plus ou moins en état.
- Les raisons importent peu, fit Iria. S'il peut nous mener rapidement et sans problèmes en bas, on va le suivre. Par contre, Flamos, si tu pouvais te placer en tête et dégager les branches les plus gênantes, ce serait fortement apprécié.
Ravi de pouvoir se rendre utile, le guerrier se mit au travail et commença à sabrer avec enthousiasme les obstacles sur son chemin.
En quelques heures, grâce à leur allure soutenue et en ne s'étant arrêtés qu'une seule fois pour manger, les six compagnons parvinrent à la lisière après que le sentier qu'ils suivaient eut rejoint une route de cailloux, bien mieux dessinée. Déboucher à l'air libre leur permit d'estimer plus précisément leur position par rapport à la hauteur totale du massif, et leur permit également, au détour d'un virage, d'apercevoir un premier signe de vie.
Il s'agissait d'un camp fortifié, entouré d'une longue série de poteaux de bois plantés verticalement en terre, çà et là protégés par une fosse et des pieux. Le camp était composé de tentes grises, de quelques baraquements de bois et, au centre, d'une imposante construction à l'allure solide.
À mesure qu'ils se rapprochaient, Kardal constata que la construction était un grand bâtiment de pierre, qui en plus d'être hideux, ne semblait pas à sa place, comme si le reste du camp avait été bâti bien plus tard.
- Je compte au moins une vingtaine de soldats, quelques montures et un ou deux types en robes, commenta Gheor. Des membres d'un clergé ?
- De toute façon, ils nous ont aussi vus, alors autant aller leur dire bonjour, fit Iria.
- Si tu veux savoir, j'aurais préféré un petit village agricole tranquille, mais j'imagine que la place forte fera l'affaire.
Ils arrivèrent rapidement devant l'entrée du camp, où ils furent accueillis par plusieurs soldats, qui se contentèrent d'aller chercher l'un des prêtres en robe grise que Gheor avait aperçus plus tôt.
Lorsqu'il se présenta devant eux, Kardal lui trouva un drôle d'air qui le mit très légèrement mal à l'aise. Il n'était pas le seul, car Steven lança doucement entre ses dents :
- Société primitive, c'est le bûcher pour nous ?
- Viens, on se tire, lui répondit Flamos de la même manière.
Mais le nouveau personnage se fendit d'un sourire :
- Bonjour, bienvenue !
Les six compagnons échangèrent des regards indécis. Bien sûr, les pierres leur traduisaient ses paroles, mais comment lui répondre ? Sans en tenir compte, le prêtre poursuivit :
- Est-ce que vous venez de la tour, plus haut dans la montagne ? Si oui, je sais que vous pouvez me comprendre, donc faites simplement un signe.
Des hochements de tête plus ou moins enthousiastes s'ensuivirent, et l'autre leur indiqua de le suivre tout en retournant à l'intérieur de l'enceinte :
- Je le devinais ! Et je devine aussi que vous avez beaucoup de questions, alors venez. Je vais vous présenter à quelqu'un qui saura tout vous expliquer !
Il leur fit traverser le camp, au sol par endroits défoncé et boueux, sous le regard inquisiteur des soldats et des étranges animaux quadrupèdes que Kardal ne connaissait pas, mais que Gheor avait identifié comme étant des montures.
Ils montèrent les quelques marches qui précédaient l'entrée du bâtiment de granit, puis le prêtre leur indiqua d'un geste d'y pénétrer.
Les murs ne comportaient pas de fenêtres, et la porte par laquelle ils étaient entrés fut refermée derrière eux. Immédiatement, ce fut le noir complet, oppressant.
Kardal ne retint pas son souffle, mais savait que s'il avait encore eu besoin de respirer, il l'aurait fait. Steven chuchota :
- J'ai vu quelqu'un attaché à un poteau dehors, et il avait pas l'air en forme.
- Au moins, ça n'est pas un bûcher, fit Flamos.
Il avait à peine fini de parler que la porte dans leur dos fut verrouillée par plusieurs chaînes et barres de métal.
Comme pour répondre au bruit, un grondement sourd s'éleva du fond de la salle.
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Syol - Parallèle Zéro
FantasiSix personnes. Un monde inconnu. Pas la moindre indication. À l'origine, elles vivaient chacune leur vie de leur côté, avec leurs rêves et leurs peurs. Mais sur Syoliqa, dans le Parallèle Zéro, leur passé ne compte pas. Les idéologies n'ont plus de...