Syol - Parallèle Zéro

Chapitre 8.3 - Le Fojir

— Donc, quand tu pensais à d'éventuels alliés, c'était ces mages ? demanda Steven.

Leur bref arrêt vers la mer centrale leur avait été bénéfique : ils étaient repartis avec des chevaux, suffisamment d'eau et de provisions, ainsi que toutes les informations que Sinirielle pouvait désirer.

Ils galopaient à présent vers le bras émergé qui formait la pointe nord du continent, une région à peine moins désertique et rocailleuse que celle qui lui faisait face, au sud de la Calorélia.

— Est-ce que j'y pensais depuis longtemps, tu veux dire ? En tout cas, je l'espérais. La création du Fojir a été la seule rébellion couronnée de succès depuis des siècles, et elle s'est faite il y a moins de trente ans, mais comme les Eles n'ont pas cherché à entrer en contact avec eux, nous ignorions tout de leurs moyens et de leurs intentions. Cependant, s'ils se sont défendus avec succès contre plusieurs tentatives de reconquête des Kaloréens, c'est qu'ils doivent partager au moins une partie de leurs objectifs avec nous.

— La magie doit fortement aider, j'imagine.

— Les Kaloréens nomment le Fojir la « Terre des Mages » parce que ce sont des mages qui ont permis au mouvement de rébellion et de sécession de prendre autant d'ampleur et parce qu'ils ont causé beaucoup de dégâts, mais l'endroit est majoritairement habité par une population civile ayant fui les perpétuels conflits des deux continents. En l'occurrence, c'est bien la minorité de mages qui nous intéresse.

— La question étant de savoir jusqu'où ils seront prêts à aller pour combattre le Sombre, résuma Steven.

— Exact. Après tout, ils se sont toujours débrouillés seuls, et les Eles n'ont plus réellement une bonne réputation parmi ceux qui tentent de résister au Roi... avoir quelques-uns d'entre eux avec nous ne serait bien évidemment pas une mauvaise chose pour la suite, mais je ne compte pas entièrement dessus.

— Mais que pourront-ils faire pour nous aider vis-à-vis des autres Élus ? demanda Gheor.

La révélation du lieutenant avait insufflé une énergie nouvelle au militaire de Nollag, comme s'il s'était soudainement redécouvert une main gagnante dans un jeu de cartes. Tous ne partageaient pas entièrement son enthousiasme, et Evolène avait émis l'hypothèse qu'il s'agissait peut-être d'une ruse élaborée. Selon elle, l'attaque aisée du poste fortifié ainsi que la facilité avec laquelle le gradé leur avait tout livré faisaient rentrer le tout dans le schéma « ça se passe trop bien pour que ça soit une coïncidence ».

Sinirielle, elle, ne pensait pas qu'aller délivrer les quatre Élus restants était forcément se jeter dans un piège, mais elle avait décidé de faire preuve de prudence, et c'était pour cette raison qu'elle voulait atteindre le Fojir, pour demander conseil à ses habitants et pour tenter d'obtenir leur aide.

— Nous fournir des cartes, nous donner un coup de main pour passer en Calorélia, nous dire à quoi ressemble le désert en face..., lui répondit-elle. Si des Élus sont retenus à Katheba, ça ne va pas être une partie de plaisir de les en faire sortir.

— Ouais, il a bien dit « Katheba », confirma Flamos, mais ça ne me dit rien, à moi. Je suis censé connaître ?

— Non. Et tout ce que je pourrais vous dire à propos de cet endroit vous serait sans doute répété par un mage nous pensant suicidaires.

— Il n'aurait pas tort, fit remarquer Evolène. Katheba est une ancienne forteresse située dans les hautes montagnes de l'Ouest calorélien, un truc imprenable qui figure dans plein de légendes et de blablas, même si elle est parfaitement inutile depuis qu'elle fait partie d'un territoire uni et ne peut plus surveiller aucune frontière. Mais...