Chapitre 1.2 - ... et perte de contrôle

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Dix heures plus tard, il se réceptionnait souplement sur le sol du deuxième étage de la galerie J. S. Wood, dans une ville plongée dans l'obscurité la plus totale depuis plusieurs longues minutes.

Le cœur battant, il attendit, immobile, que l'alarme se déclenchât, ou que quelqu'un vînt, alerté par le bruit. Mais tout ce qu'il entendait, c'était les crissements des pneus, les klaxons des voitures et les sirènes de police dans le lointain.

D'un pas hésitant, ses chaussures crissant sur les fragments de verre brisé, il se déplaça dans la pièce et s'immobilisa sous la trappe du conduit d'aération. À plus de deux mètres cinquante au-dessus de lui, elle était hors d'atteinte, mais la pièce contenait plusieurs lourdes tables, et Steven entreprit laborieusement d'en déplacer une. Lorsqu'elle fut correctement positionnée, il récupéra son sac et monta sur le plateau.

Grâce à la hauteur ainsi gagnée et avec les bras tendus, il parvint aisément à faire sauter les pièces de métal qui maintenaient la trappe en place, la laissant pendre d'un côté tandis qu'il se hissait jusqu'à la hauteur du conduit afin d'en vérifier l'état. Ayant constaté avec soulagement qu'il était assez large pour qu'il y rentrât, il se laissa tomber doucement sur la table.

Il ramassa son sac et le plaça en premier dans le conduit avant de s'y introduire péniblement, retenant à grande peine une quinte de toux provoquée par la poussière soulevée dans le tunnel métallique. Après avoir repris contenance, il rampa lentement en avant, gardant les yeux presque clos, et parvint finalement à la trappe suivante. Il sortit de son sac une pince et une lampe torche, et attaqua depuis l'intérieur le mécanisme de sécurité, qui lui résista quelques secondes avant qu'il ne l'achevât d'un grand coup. Sous la violence du choc, la trappe entière se détacha et fila vers le sol.

Approchant sa tête de l'ouverture, Steven commença par vérifier s'il aurait de quoi remonter une fois descendu. Satisfait par la présence de plusieurs pièces de mobilier, il se suspendit au rebord du conduit, attrapa son sac d'une main et se laissa tomber dans la pièce.

Regardant autour de lui, il sursauta au fracas que firent deux véhicules entrés en collision non loin de la galerie et faillit lâcher sa lampe. S'étant ressaisi, il essuya une goutte de sueur de son front et entreprit de localiser le collier. Il le trouva rapidement, et dans le même état que sur les photos, c'est-à-dire dans une boîte présentoir en bois, vitrée.

Malheureusement, la boîte était lourde, encombrante, et ne rentrait pas dans son sac. Estimant ne pas avoir le choix, Steven récupéra un tournevis dans son sac à dos et en frappa durement du manche la plaque de verre protectrice.

Rien. L'outil n'avait pas laissé la moindre marque.

Il souleva la boîte au-dessus de sa tête, puis l'abattit de toutes ses forces contre l'angle d'un meuble métallique. Elle rebondit, lui échappa des mains et tomba au sol. La retournant, Steven constata avec étonnement que la vitre était intacte, toujours aussi parfaite.

— Bon, marmonna-t-il. Bon.

Tenant fermement la boîte, il en frappa violemment le fond en bois contre le même angle métallique. Une fois. Deux fois. Dix fois. Jusqu'à ce qu'il entende un craquement.

Essoufflé, il inspecta la zone qui venait de céder, puis posa la boîte présentoir à l'envers sur la table où il l'avait trouvée. Il entreprit de séparer et d'arracher les morceaux de bois avec sa pince, ouvrant après quelques minutes d'acharnement un espace assez large pour que le collier et le bout de tissu sur lequel il était posé pussent être retirés.

Plongeant sa main droite dans les entrailles de la boîte, et se blessant au passage sur un éclat de bois, il en arracha la parure comme s'il s'agissait d'un trophée, puis se figea.

Il savait très bien ce qu'il devait faire : ranger le collier dans son sac, remonter dans son conduit d'aération, et mettre les voiles. Mais il ne parvenait pas à bouger. Le métal, contre sa main, était agréablement tiède. Il était réconfortant, comme une douce présence, comme un ami bienveillant, et une idée stupide traversa l'esprit de Steven.

Et si je le mettais autour de mon cou ?

Il faillit glousser. Tout ceci n'était pas normal.

Ce sera plus pratique, et puis si je perds le sac, au moins j'aurais toujours le collier.

Ce même collier vibrait à présent dans sa main. Comme l'avait fait remarquer Samantha quand elle lui avait montré les photos, il s'agissait plus d'un assemblage métallique, mélange entre une pièce d'armure qui aurait couvert le bas de la gorge et la base des épaules, et une parure. Il était épais, solide et lourd. Il était difficile à Steven de trancher sur sa couleur, car la seule lumière provenait de la lampe torche, posée sur un meuble et braquée contre le mur, mais il voyait clairement la pierre taillée translucide incrustée au milieu de la gorge et les élégantes gravures qui formaient des dessins étranges courant le long des pièces métalliques.

Il desserra le col de son blouson et en fit autant avec le t-shirt qu'il portait en dessous, puis il plaqua le collier contre sa peau et en passa les extrémités derrière son cou. Mais au moment où il se demandait comment les attacher, un claquement métallique, comme le son d'une mâchoire, se fit entendre, et elles furent réunies.

Étant presque sûr de ne pas avoir vu de mécanisme ou de ressort sur le collier, Steven fit un geste, tenta de l'arracher, mais n'en eut pas l'occasion. Une sorte de fourmillement se propagea le long de son dos, et un instant plus tard ce fut comme s'il avait été frappé par la foudre. Tous ses muscles se contractèrent et il s'arqua en avant, tombant la tête la première contre la table. Sonné, il tenta de se relever, mais eut soudainement l'impression que le collier s'enfonçait en lui. En réalité, un grand nombre de fines pièces métalliques étaient en train de pénétrer sa nuque, et d'une seconde à l'autre, la sensation passa de très dérangeante à extrêmement douloureuse lorsque ces petites racines de métal touchèrent des nerfs et que certaines s'enroulèrent autour de sa colonne vertébrale.

Steven hurla. Il s'effondra au sol, parcouru de spasmes, sentit ce qui se passa ensuite comme s'il ne s'agissait pas de lui, comme si ça ne lui arrivait pas à lui.

La température de la pièce grimpa de plusieurs degrés lorsque le collier chauffa jusqu'à être blanc, carbonisant la peau avec laquelle il était en contact. Le phénomène se propagea le long des vrilles métalliques qui avançaient de plus en plus profondément dans le corps de Steven, et en quelques secondes tous ses os semblaient brûler.

Il perdit connaissance.

Syol - Parallèle ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant