Chapitre 12.1 - Gheor

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Quel merdier, pensa Gheor.

Il voulut se remettre debout, n'y parvint pas. Tournant la tête, il constata qu'il était adossé à une poutre de bois pourri, contre laquelle il s'était écrasé.

— Bordel, c'était quoi ce truc ? lança-t-il plus pour lui-même que pour obtenir une réponse.

Il n'était même pas sûr que quelqu'un puisse l'entendre. Sa mémoire n'avait pas été altérée par le choc et il voyait encore très bien Nova fuser hors du bateau comme une vulgaire poupée lancée à la vitesse d'un boulet de canon et Eaal s'empaler au passage sur un mât.

Peut-être que tout le monde était mort.

Lui-même s'en sortait bien, vu la force de l'impact. Une cheville en morceaux et quelques bleus monstrueux, tout au plus. Il avait vu pire.

Enfin, il avait vu pire, mais dans la force de sa jeunesse. Là, dans cette salle glauque remplie d'une montagne d'épaves de navires, il éprouvait quelques difficultés à se relever, ce qui était humiliant. Sa jambe gauche tremblait trop pour soutenir son poids et la droite était inutilisable.

Il s'était donc résigné à crever seul et dans la douleur lorsqu'un bruit de pas dans les parages immédiats attira son attention :

— Pas possible, tu t'en es sortie ? fit-il, légèrement incrédule, un rictus s'étirant sur ses lèvres.

Devant lui se tenait Nova, apparemment intacte, ses cheveux blond platine à peine ébouriffés, sa posture toujours aussi contrôlée. Elle arborait également son expression neutre habituelle, comme si la situation qu'ils vivaient était parfaitement normale.

Enfin de toute façon, ça ne veut plus rien dire, la « normalité », songea-t-il.

— Est-ce que ça va ? lui demanda l'androïde d'un air soucieux en s'accroupissant devant lui.

Il employait le mot « androïde » pour la désigner parce qu'il l'avait entendue le mentionner avec Crys, mais il n'avait aucune idée de ce que ça signifiait réellement.

— Bof, fit-il, vague, mais honnête. Et les autres ?

Elle secoua la tête :

— Je ne les ai pas encore vus, je viens de me dégager de l'épave d'un bateau, un peu plus loin. Quand je t'ai entendu, je suis venue voir... Tu peux marcher ?

— Pas sans aide. Ni me relever, d'ailleurs.

Elle lui tendit alors la main et le hissa sans effort et d'un geste assuré, le maintenant ensuite debout tandis qu'il vacillait.

— C'est déprimant, grinça-t-il, surpris par sa force. Vous êtes tous plus... plus tout que moi.

Il essaya de s'appuyer sur sa cheville blessée, grimaça de douleur.

— Mais bref, passons. Où penses-tu que nous soyons ?

Nova regarda autour d'elle, réfléchit :

— Une salle souterraine, située sous le détroit, remplie d'épaves de navires piégés... Ne serait-ce pas le labyrinthe dont les Eles parlaient ?

— Celui qu'on était supposé éviter à tout prix ? Ouais, c'est ce que je me suis dit. Et si c'est vrai...

Il contempla les carcasses de bois, les hauts murs de pierre. La salle était sacrément grande, à tel point que le plafond disparaissait presque dans la pénombre. Sur les parois, des torches de pierre étaient allumées à intervalles réguliers, éclairant les lieux d'une lueur jaunâtre et vacillante.

Syol - Parallèle ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant