Chapitre 8.1 - Naufragés

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Les quelques jours suivants furent un bizarre mélange de pénibilité, de frustration et presque d'amusement pour Sinirielle.

Pénibilité parce que le groupe progressait lentement dans l'une des régions les plus chaudes de la Kaloréa avec des ressources limitées.

Frustration parce qu'aucun d'entre eux ne parvenait à oublier les événements récents, la perte du Scaripioso, le combat inégal contre les forces du Sombre.

Léger amusement parce qu'en prenant du recul, elle parvenait à mieux cerner ses compagnons et à les comprendre.

Premièrement, il y avait Evolène. Bien entendu, elle connaissait sa sœur, mais jamais les deux n'avaient été exposées à la situation présente — la préparation de leur plan pour renverser le règne du Roi et pour finalement se libérer des mensonges des Eles leur avait demandé des années alors qu'il se jouait à une échelle relativement modeste — et elle savait que la perte de leurs alliés et l'échec subit l'avaient rendue morose.

Ensuite, il y avait les insouciants. Eaal était celle qui rentrait le plus facilement dans cette catégorie, avec son habituelle attitude de « qui vivra verra » et sa conviction que ce qui lui arrivait rentrait dans un schéma préétabli. Elle avait soigné tout le monde sans broncher et avançait toujours tranquillement, ne parlant que si quelqu'un lui posait directement une question.

Iria, elle, y rentrait en tant que tête brûlée : si elle était déjà sûre d'elle avant la bataille marine, elle en était ressortie gonflée à bloc, à tel point confiante en sa propre puissance qu'elle n'imaginait plus que quoi que ce soit puisse être un obstacle. La seule chose que la Thanienne évoquait à longueur de journée était sa transformation temporaire en déesse du feu, car selon elle parvenir à un tel stade nécessitait non seulement une grande affinité avec un élément donné, mais aussi une force monumentale pour ne pas mourir durant ce qu'elle appelait « l'Incarnation », le moment où la puissance brute et sans limites prenait le dessus.

Les « normaux » étaient Flamos et Steven. Le premier parce qu'il était partagé entre son admiration pour la Mage-feu, en plus de la joie d'avoir échappé aux arènes, et sa peur de l'inconnu ainsi que sa relative fragilité intérieure qu'il avait cachée sous une sanglante brutalité pendant des années.

Le second, parce qu'il était simplement très humain. Il n'y avait pas trop d'appréhension en lui ni trop de courage. Il portait en son cœur quelques espoirs vivants et des rêves perdus, et s'efforçait de rester vaillant face à tout ce qui avait chamboulé sa vie en très peu de temps, partageant volontiers ses expériences avec l'Ele. Les deux étaient devenus proches l'un de l'autre, ayant commencé à discuter de tout et de rien à Denevrios et ensuite au début du trajet sur le Scaripioso, puis s'étant mutuellement soutenus lors du combat qui avait suivi, se liant par une confiance sincère.

La personne la plus désespérée restait Gheor, car même si l'affrontement semblait avoir réveillé en lui un instinct guerrier jusque-là endormi, tout ce qui pouvait le séparer d'une victoire contre le Sombre, y compris la perte de temps, le séparait également d'un retour à Nollag, ce lieu qu'il détestait puis regrettait tour à tour. Sinirielle n'était pas indifférente à sa situation et ressentait un pincement au cœur chaque fois qu'elle réalisait que personne ne savait réellement ce qui se passerait si le Roi était finalement défait, mais elle savait qu'il lui fallait aller de l'avant quoiqu'il se passe.

Enfin, hors catégorie parce que la jeune Ele estimait que quelqu'un qui tombait dans l'eau à cause d'un boulet de canon et qui marchait ensuite sur le fond jusqu'à la terre ferme se trouvait à un tout autre niveau qu'eux, simples mortels, il y avait Kardal.

Syol - Parallèle ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant