Chapitre 6.1 - Le Sud

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L'air marin, qui titillait Flamos depuis un bon moment avec son goût de sel, le frappa de plein fouet lorsqu'ils arrivèrent à la limite sud de la Kaloréa.

Le Thanien contempla, émerveillé, l'océan, véritable puissance de la nature, dont les vagues se fracassaient sur les rochers en contrebas des falaises abruptes.

Il avait rêvé de cela, peut-être, mais jamais il n'avait pensé qu'il le verrait.


Jamais surtout il n'aurait pensé voir un océan qui était situé à une distance incompréhensible de la ville dans laquelle il avait passé toute sa vie, sur une planète différente, en compagnie de personnages que même les légendes colorées que se racontaient les pauvres gladiateurs n'auraient pas osé mentionner.

Comme chaque jour, la réalisation qu'il était libre, qu'il s'en était sorti, remonta en lui, atteignit sa conscience, et ses yeux s'embuèrent. Son cœur en morceaux avait de la peine à accepter l'ampleur de la chose, mais il sentait au fond de lui une joie mélangée de tristesse lorsque l'effleuraient les souvenirs de tous ses amis qui n'avaient pas eu cette chance, les souvenirs flous de ces parents qu'il n'avait pas connus.

— Ça va ? lui demanda Eaal en se penchant vers lui.

Il lui fit signe que oui, mais ne dit pas un mot. La guérisseuse était la personne la plus gentille qu'il ait rencontrée et il savait qu'elle le comprenait.

Sinirielle s'avança au bord du vide, Evolène gardant leurs deux chevaux en retrait. Le fort vent faisait voler les cheveux blonds de l'Ele, qui pointa du doigt l'endroit à l'ouest où la côte descendait au niveau de l'eau et où se dressaient les tours et le mur d'enceinte d'une ville :

— Voici Denevrios, où l'on trouvera le plus grand port du continent !

Construire une cité à cet endroit semblait presque un affront à la force de l'élément liquide et aux gigantesques blocs de pierre usés par le temps qui montaient la garde le long des falaises aux arêtes dures, mais le travail des bâtisseurs avait porté ses fruits et la ville dominait simplement la région comme si elle faisait partie du décor.

— Le plus grand port du continent ? Pour quelles raisons ? demanda Iria. Les caravanes marchandes ne peuvent pas y arriver ou en partir à cause de la forêt au nord, donc quel en est l'intérêt ?

— S'il est difficile d'y accéder depuis la terre ferme, cela signifie simplement que les seigneurs kaloréens ne peuvent pas non plus en prendre le contrôle, expliqua Evolène. Denevrios possède peut-être une belle muraille, mais je ne pense pas qu'elle ait déjà servi. Les défenses maritimes, d'un autre côté...

— C'est un endroit de passage, où les marchandises ne sont pas vendues au client final, mais transférées à d'autres transporteurs, afin de contourner les restrictions et les taxes appliquées dans les autres ports, ajouta sa sœur. Une véritable ville libre, où l'on trouve des bateaux de toutes les tailles, des marins prêts à tout pourvu qu'ils soient payés, des capitaines déchus, des mercenaires... ce qui nous amène à la raison de notre présence.

— Vous avez engagé des mercenaires ? s'étonna Gheor.

— Non. Je crois qu'aucune somme d'argent ne pourrait convaincre un équipage de nous suivre sur Icataïl. Mais les Eles ont toujours quelque alliés, parmi lesquels nous avons nous-même des personnes de confiance, et ceux qui embarqueront avec nous savent à quoi s'attendre. D'ailleurs, en parlant d'embarquement, voici comment nous allons procéder.

« Evolène et moi, accompagnées d'un ou deux d'entre vous, allons nous rendre à Denevrios pour prévenir le capitaine. Au début de la soirée, le navire appareillera et s'arrêtera juste en face d'ici, pour envoyer des chaloupes chercher les autres dans la crique qui se trouve plus bas entre les falaises.

Syol - Parallèle ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant