L'ordre des éléments. Tome 2, la quête.

15. Renaissance.

 " Le printemps s'annonce toujours plein de promesses, mais lui au moins les tient. " Félix Leclerc  

La panique s'insinue en moi... Et si je ne me réveillais pas ?

Mais ce sentiment n'empêche rien, car le noir m'entoure totalement.
Et je sens les lèvres de Sergey se poser sur les miennes avant de définitivement lâcher prise.

J'ai l'impression d'être englué dans un brouillard intense et épais. Mes pensées sont comme canalisées et je ne sais pas si je suis réveillé ou en train de rêver.
Suis-je morte ?! Cette unique pensée fait traverser un courant électrique dans mon corps, plus particulièrement le long de ma colonne vertébral.  Comment se fait-il que j'ai le goût métallique du sang dans ma bouche ?

J'essaie de bouger un de mes membres, mais en vain...
C'est comme s'il plus rien ne m'obéissait !
Merde. Le sournois parfum de la panique se fait sentir autour de moi. Que se passe-t-il ?
J'ai envie de hurler, de pleurer... Au lieu de ça, je sens juste ma poitrine se lever de plus en plus sous le coup du stress.

D'un coup, ma respiration se coupe et je me raidis. Quelqu'un vient de poser sa main froide sur mon bras. Au moins, j'arrive à ressentir ça...
Le brouillard est toujours aussi intense et voile mes yeux pour que je ne voie rien.
Juste à côté de moi, le souffle chaud d'une personne atteint mes oreilles. Puis dans un souffle, elle me chuchote des mots elfiques dont je ne comprends pas le sens. Cependant, mon corps reconnaît sa voix, Aranel...

C'est étrange d'entretenir une "relation" avec l'assassin de mes parents, mais j'ai l'impression que son résidu peut m'être très utile. Son souffle est faible comme si ça lui été douloureux de respirer... Est-il blessé ?

Je tente une nouvelle fois de parler par la pensée ou naturellement, mais rien ne se passe...
Vais-je rester éternellement dans cette situation ?
D'un coup, je sens le contact de sa main sur mon épaule se faire plus fort et c'est comme si on tentait de me ressusciter...

Un coup d'électricité pique à vif ma peau et chacune de mes terminaisons nerveuses. La douleur n'est pas intense, mais se repend uniformément dans mon corps.
Je perçois encore sa présence, puis j'ose ouvrir un œil et le voit penché au-dessus de moi avec un grand sourire. À certain moment, il se retourne comme s'il entendait quelque chose avant de se re-concentrer sur moi.

Puis avant que je ne puisse bouger pour la première fois ma main, il me chuchote : " retrouve les tiens sur la terre du soleil de minuit."

Après ce conseil, il disparaît d'un coup dans un tourbillon de poussière grisâtre...
Soudainement, il m'est pénible de garder les yeux ouverts et à travers mes paupières closes le soleil semble apparaître de plus en plus fort.

Quand je rouvre les yeux, je le fais bien trop rapidement aussi bien que des étoiles dansent devant moi. Mes muscles retrouvent peu à peu leur tonus et je parviens à me hisser sur mes bras en position assise.
En frottant mes yeux, ceux-ci tombent sur le visage inquiet de Sergey. Mon cœur s'emballe à cette vision de lui endormi sur le fauteuil non loin de moi.
Sa tête est tombée sur le côté et je me fais la réflexion qu'il va avoir mal au cou en se réveillant.

Je tente d'analyser la situation et mes mains commencent à palper mon corps en quête d'une blessure ou autre chose, mais rien. Hormis ma bouche sèche et pâteuse, j'ai l'air d'aller bien. Je regarde ma chambre, dans laquelle règne un bazar sans nom...
Au pied de mon lit, une série de bougies et d'herbes sont posées à même le sol. Ils ont dû vouloir essayer de me soigner et de me faire sortir de cet état.
Bon sang, mais combien de temps je suis restée inconsciente ?

En repensant aux récents événements survenus quand je regardais le miroir, un long frisson parcourt mon corps. Je reste persuadée que c'était le même homme présent à ce moment-là et lors du rêve avec ma mère...
C'était la même sensation désagréable de noirceur.
Qui peut bien être cet homme ?
Et pour quelles raisons est-il présent à chaque fois qu'une personne tente de me venir en aide ?

En songeant aux paroles d'Aranel, je me demande ce qu'il a bien voulu me dire ?
La Terre du soleil de minuit ?
Que signifie encore cette nouvelle énigme ?

Je suis prise d'une vilaine toux et manque de m'étouffer sortant Sergey de son sommeil en sursaut. Encore à moitié endormi, il manque de tomber alors qu'il m'apporte précipitamment un verre d'eau que j'avale d'une traite.
Son regard ne me quitte pas alors que j'essuie les larmes provoquées ma violente toux. Sa main attrape la mienne délicatement avant de l'apporter à ses lèvres.
Aucun mot n'est prononcé alors qu'il m'embrasse les doigts et la main.

- Tu nous as faits tellement peur Aëlys..., il lâche au bout d'un long moment.

Ses yeux se ferment quand je m'excuse difficilement. Ma gorge me fait encore mal...
Même si Sergey parait heureux et soulagé de mon réveil, je vois bien son inquiétude.

- Je suis resté ici combien de temps ?
- 3 jours... J'ai vraiment cru que tu allais m...

Des larmes dévalent ses joues avant de s'écraser sur la couette qui me recouvre encore. Un hoquet lui échappe avant qu'il tremble secoué par ses sanglots. Mon cœur se serre et je le tire fort pour venir dans ses bras. Ces derniers me serrent si fort...
Une douce chaleur m'envahit et je me sens vraiment vivante.
Nos larmes se mêlent alors que nos lèvres se trouvent naturellement.

Dans un soupir, il me repousse un peu et plonge ses yeux brillants dans les miens.

- Tu es tout ce qu'il me reste Lys'.... Je t'aime tant, ne fais plus jamais ça !
- Je suis désolée... Je t'aime si fort aussi.

Nos langues se taquinent dans un nouveau baiser. Sergey encadre mon visage et semble vouloir se rassurer en approfondissant le baiser.
Un toussotement nous force à nous décoller et une Blair souriante apparaît derrière lui.

- Je suis contente que tu te soit réveillée.

Par pudeur, Sergey se recule alors que je sèche mes larmes. Pour la première fois depuis un moment, mon amie plonge sur moi et m'enlace.
Je m'aperçois qu'elle tremble un peu quand je ressers mes bras autour d'elle.
Qu'il est bon de sentir son parfum qui a l'odeur de quelque chose de familier, de rassurant...

- Tu vas bien ?, elle demande en mettant fin à notre étreinte.
- Très bien. J'ai juste très soif...

Elle rigole en partant de la chambre avec mon verre vide. Blair s'absente quelque minutes, pendant lesquelles nous échangeons un regard tendre avec Sergey. Elle revient avec le même verre, un pichet rempli d'eau, des fruits et le reste de mes amis.
Leurs visages sont tous tendus, on dirait qu'ils ont tous très mal dormi.... Ce que je peux très bien comprendre.

Magoa, Alena et Hécate restent un peu à l'écart tandis que Colleen et Cylian essaient de vérifier si je vais aussi bien que je leur répète. Comme une infirmière, la blonde m'ausculte minutieusement avant d'arrêter rassurée.
Puis personne ne dis plus rien alors que je mange les fruits mûrs avec délectation. Leurs regards sont figés sur moi, ce qui, au bout d'un moment, me met très mal à l'aise.

- Arrêter de me fixer comme ça, je vais bien..., je les implore en provoquant leur rire.
- Tu nous as fichu une peur bleue aussi, réplique Cylian redevenu protecteur.
- Je m'excuse sincèrement, mais je ne sais pas ce qu'il s'est passé. Ni pourquoi, ni comment je me suis retrouvé dans cet état.
- On n'en sait pas plus que toi... Tu n'as pas été consciente du tout ?, demande Colleen en visant dans le mille.
- Je n'avais pas conscience des choses ici non. Mais j'avais l'impression d'être comme paralysée puis je sentais la présence d'Aranel.

Le visage de mes amis se plisse d'anxiété alors je poursuis :

- Le résidu d'Aranel ! Il semblait vouloir me protéger.
- Tu l'as vu ? Il t'a parlé ? Tu étais certaine que c'était lui ? , me questionne Cylian.
- Je suis sur oui. Je l'ai vu et il m'a parlé. Il a prononcé des mots elfiques que je ne connais pas puis avant que je me réveille, il m'a dit de retrouver les miens sur la terre du soleil de minuit.

Les autres semblent chercher une signification à ces quelques mots. Certains suggèrent qu'il m'avait probablement conseillé de retourner sur Faérie mais je ne suis pas de leur avis.
Pour moi quand Aranel parlait des miens, il devait faire illusion aux elfes des étoiles. Sergey d'un coup sort son téléphone et tape frénétiquement quelque chose dessus. Au bout de quelques secondes, son visage est souriant quand il me tend son mobile.
Sur la page internet affichée, je trouve sans mal ce qu'il veut que je voie.

- Les pays nordiques !, nous crions d'une même voix.

Les yeux de Colleen s'ouvrent de surprise puis sourit :

- C'est logique oui ! Dans ces pays, il ne fait jamais nuit à certains moments de l'année... Ça s'appelle les nuits polaires, elle explique.
- Donc nous devons y aller..., conclus Sergey.
- Mais ça, on ne le savait déjà, lance Colleen puis devant nos visages, elle nous demande, vous en doutiez ?
- Écoutes, ce n'est pas contre toi, mais les plans aussi facile ou évidents, nous font peur. Ça nous a suffisamment coûtés cher dans le passé..., je tente de lui expliquer.

Pendant l'heure qui s'écoule Colleen nous explique le déroulement de la suite des événements. Elle parle de notre "voyage" puis essaie de me faire retrouver les mots elfiques que m'a dits Aranel. Cependant, comme ce langage est pour moi du charabia, je ne parviens pas à les retrouver...

Petit à petit, la chambre se vide, car nous célébrons Ostara, la fête du printemps, demain. Je m'en rends alors compte que nous sommes déjà en mars...
Ça fait presque 9 mois que je suis arrivé ici... 9 mois que je connais un peu mieux mon passé et 9 mois que ma vie a été profondément changée.
Que le temps passe vite...

Les autres m'invitent, ou m'ordonnent plutôt, à me reposer pendant qu'ils préparent la célébration. J'aurais aimé les aider, car ils semblent tous si épuisés alors que je suis en forme, mais je ne veux pas attirer leur foudre.
Quand la nuit tombe, Sergey me rejoint avec un plateau rempli de nourriture et s'installe à côté de moi.

- Je ne suis pas souffrante, je peux manger en bas avec vous, je rouspète.
- Laisse moi prendre soin de toi. On ne sait pas ce que tu as eu alors tu nous écoute et tu te reposes.
- Oui chef..., je dis tout bas.
- Je t'ai entendu Lys'. On va manger tout les deux ici après on va prendre un bain et dormir.
- Un bain ?, je demande surprise.
- Oui comme tu as dit, tu n'es pas mourante alors je vais te montrer à quel point tu m'as manqué princesse.

J'éclate de rire devant sa proposition indécente, mais je commence à percevoir cette chaleur significative. Nous mangeons rapidement pour pouvoir profiter tous les deux de ce bain...
La soirée se déroule divinement bien puis nous nous endormons dans les bras l'un de l'autre rassuré de retrouver enfin un semblant de vie normale...