Chapitre 51 : Joyeux Noël

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La folie. Peut-être bien qu'elle avait atteint Hanzo Shimada. En effet pour que ce japonais puisse voir une femme décédée il y a plus d'un an, à quelques mètres de lui, il devait bel et bien être perdu. Depuis combien de temps d'ailleurs ? N'était-il pas fou depuis la toute première fois où il avait vu cette femme ? Ou bien il était devenu fou à force de la côtoyer ? Ou avait-il perdu sa tête depuis qu'elle était morte, le laissant seul ? Était-ce ce manque cruel qui le faisait voir flou en ce moment ? Était-ce cette plaie béante provoquée par cette perte qui le faisait voir Nahele en face de lui, derrière une vitre d'hypertrain ? Était-ce tout simplement la mort qui l'appelait ?

La science raisonnable ne peut expliquer ce qui était en train de se produire, à Gibraltar. Comment Nahele serait-elle sur pieds en train de rattraper un train ? La folie qui aurait touché Hanzo serait l'explication rationnelle de la chose. Quand à l'irrationnelle, c'était que l'âme de Nahele venait de se loger dans le corps qu'Angela avait cré. Où était la vérité ? Pour Hanzo, il n'y avait pas à hésiter : il avait quitté la voie de la raison à la seconde où il était tombé amoureux.

Hanzo se cogna violemment contre un mur tandis que les roues du train commençaient à se mouvoir. Horrifiée, Nahele se mit à avancer en même temps que le train tout en sachant pertinemment que d'ici une dizaine de mètres, elle ne le pourrait plus. Elle frappa à la vitre comme une furie en créant de nouvelles fissures.

— Hanzo ! HANZO ! Appela-t-elle en désespoir de cause.

Ses jambes, récemment mises en marche pour la première fois, lui permettaient de tenir la cadence du moment sans problèmes mais elle ne pourrait certainement pas courir derrière un hypertrain. Sans savoir quoi faire, Nahele continua d'avancer avec le compartiment en appelant toujours le japonais.

Ce dernier se redressa de son mur et regarda Nahele courir en même temps que son train avançait. C'était son visage, cette même expression de panique, ces mêmes yeux brillants de vie qui le fixaient avec avidité qui lui avaient tant manqué. C'était ce regard là dont il avait rêvé pendant un an et demi, c'était de ces traits là qu'il avait rêvé de revoir. Cela était trop beau pour être vrai. Mais contrairement à ses rêves habituels, il semblait parfaitement libre de ses mouvements. Hanzo fut alors prit d'une envie violente de se donner à deux milles pour cent afin d'arrêter ce train. S'il le fallait, il serait prêt à briser une vitre pour sauter en dehors.

Mais le train accélérait de plus en plus et le quai se raccourcissait  dangereusement pour Nahele. Elle appela de toutes ses forces, comme si ses cris lui permettaient de ralentir l'avancée du train. Elle essaya même de briser la vitre avec ses poings surpuissants mais elle se ravisa, ne voulant pas abîmer son nouveau corps.

Hanzo bondit sur ses deux pieds, animé d'un courage absolument dément qu'il avait oublié. Il regarda encore Nahele et la prévint :

— Je reviens ! Fit-il avant de se lancer à toutes jambes vers l'avant du train.

Le compartiment d'Hanzo quitta alors le quai tandis que l'hypertrain prenait encore plus de vitesse pour s'enfoncer dans un tunnel. Nahele se vit forcer de s'arrêter de courir. Comme son nouveau corps était dépourvu de respiration, elle n'était pas essoufflée mais la panique de voir Hanzo partir si loin faisait accélérer son cœur de manière exagérée. Des vigiles vinrent alors la rattraper pour lui signaler qu'elle se tenait trop prêt de la rame du train. Nahele recula sans broncher mais resta immobile en regardant le train s'enfoncer dans le tunnel. Malgré son organisme fait désormais de carbone, l'amérindienne sentit sa gorge se serrer de peur. Le train venait de disparaître dans l'obscurité et Nahele sentit la pression lui monter dans les veines.

— Quelqu'un est monté dans le train alors qu'il ne le devrait pas ? Demanda un agent de la gare en tirant Nahele loin des rails.

Sans quitter le tunnel des yeux, l'amérindienne répondit avec ses nouvelles cordes vocales.

Esprit  ᴼᵛᵉʳʷᵃᵗᶜʰ ᶠᵃⁿᶠⁱᶜᵗⁱᵒⁿOù les histoires vivent. Découvrez maintenant