L'identité

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Où je suis ?

Qui je suis ?

Ces questions me trottent dans la tête. Je n'ai pas la moindre idée de tout ce que ceci signifie. Ils sont plusieurs à me répondre. En même temps. Et des réponses différentes à chaque foi. Un coup je m'appelle Cassie, un autre c'est Maxime, j'entends un début de prénom en R et la fin d'un prénom en -a. Je ne sais pas ce qu'il se passe, à vrai dire, il y a des chances que je ne l'ai même jamais su.

Comment se fait-il que je ne sache pas où je suis ? J'ai les yeux ouverts pourtant, mais différentes images se superposent pour former un mélange complexe, rendant chaque chose indiscernable. Je demande, encore, mais pareil, Ils me répondent plein de choses différentes. Un coup je suis dans une chambre, puis je suis dans une grange, peut-être en plein air ou enfermé dans un ascenseur. 

Je ne sais même plus si je suis levé ou assis.

Si je suis enfant ou adulte.

Homme ou femme.

Humain ou n'importe quel autre être vivant.

Tout ce que je sais, c'est que je suis moi. 

Mais qu'est-ce-que c'est, moi, exactement ? Un être qui ignore tout ce qui le concerne ? 

J'en viens à me demander si j'existe vraiment. 

Plus je pose des questions, plus je suis perdu. 

C'est à ça que je suis condamné ? Je suis vraiment obligé d'accepter ? J'ai quand même une chance de refuser ? Est-ce vraiment une fatalité ? Ou est-ce vraiment une bonne chose ?

Je ne sais pas. Je suis ignorant de tout, même de ma propre vie.

Quand je demande des renseignements au sujet de ma vie, Ils me répondent encore n'importe quoi. Un coup je suis une mère de famille respectée, un enfant bagarreur, un adolescent triste et inactif, un ouvrier courageux, une fauteuse de troubles, un mari volage, une étudiante en médecine, un vieil homme sénile...

Les possibilités sont infinies, c'est tout ce que j'ai réussi à comprendre. Pareil pour mon passé. 

J'ai fini par croire qu'Ils essayaient de me cacher qu'ils ne savaient pas. Seulement, si Ils ne savent pas et que je ne sais pas non plus, qui le sait ? 

Ou alors la réponse, c'est que je ne suis rien. Que je n'existe même pas. Alors comment puis-je penser ? Comment puis-je imaginer que j'existe ? Que j'ai une identité ?

Je ne comprends pas... Je n'en peux plus... J'aimerai mourir pour que tout s'arrête...

Et si c'était ça, la réponse à toutes mes questions ? Et si j'étais mort ? 

Mais comment pourrais-je être mort ? La mort n'est-elle pas censée être la fin de toutes choses ? Alors pourquoi est-ce-que je n'arrête pas de penser ? Mais est-ce-que je suis sûr de penser ? Est-ce-que je ne suis pas plutôt en train de parler ? Ou de murmurer ? Voire, au contraire de crier ?

Je ne sais pas je ne sais pas je ne sais pas... Je ne sais... pas... Je ne... sais pas... Je... ne sais... pas... Je. Ne. Sais. Pas. 

Et Ils parlent encore, Ils essaient de me dire des choses mais je ne comprends pas. Ils ont beau essayer de me parler, et j'ai beau essayer de comprendre, je n'arrive à rien.

-Dis, pourquoi tu les écoutes ?

Une voix détonne au milieu de ce chaos auditif. Elle me parle à moi, d'un ton enfantin, naïf, amusé. Je ne réponds pas. Je ne sais pas quoi lui répondre. Parce que j'ignore pourquoi je les écoute. J'essaie de réfléchir. Et je finis par trouver une réponse : 

-Parce que je crois qu'Ils peuvent m'aider à comprendre.

-À comprendre quoi ?

Cette fois-ci, je n'eus pas besoin de réfléchir : 

-Qui je suis. Et où je suis.

-Vraiment ? Tu ne te souviens de rien ?

La voix me parle d'un ton apaisé :

-Endors-toi. Et tu verras.

Mais...

-Comment fait-on pour dormir ?

-Je m'occupe de tout cela, laisses-moi faire.

Je ne savais pas pourquoi j'ai décidé de lui faire confiance. Après tout, je ne sais pas grand chose.

Je m'éveillais dans un lit inconfortable. J'ouvris les yeux. J'étais dans une sorte de cellule. Intrigué, je tentais de me remémorer ce qu'il s'était passé ces derniers jours. Enfin, un éclair de lucidité m'envahit.

Je me souviens. J'ai assassiné une vingtaine de personnes de manière barbare. J'ai été jugé fou. J'ai tenté de tout oublier, comme je le faisais souvent étant gamin. Un vieux don familial inutile qui ne fonctionne qu'une fois tous les 4 matins. Même si ça ressemble plus à un mélange de souvenirs-type et inutile...

Je comprends maintenant. Mon nom n'est plus important. Après tout, ils disent que les monstres comme moi ne devraient pas exister. Je suis condamné à croupir ici jusqu'à ma mort. 

Ombres (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant