Eux

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Le bruit des roues sur le goudron qui passaient à quelques mètres de moi me dérangeaient. J'arrivais à distinguer la lumière des phares malgré les volets normalement hermétiquement fermés. À moins que ce ne soit que mon imagination. L'isolement pouvait me peser.

-Tu ne dors pas ?

-Non, je n'y arrive pas.

J'entendis Judith soupirer dans la pénombre. 

-Il faudrait que tu penses à te reposer un jour.

-Ouais, ouais... 

Son ton bourré de reproches trahi son inquiétude et l'affection qu'elle éprouvait à mon égard. Je me levais. Saloperies de voitures. J'approchais de la porte de ma chambre et allumais le plafonnier. Je me tournais rageusement vers mon lit : 

-T'as rien à faire dans ma chambre à cette heure. 

-Je fais ce que je veux, connasse.

Levant les yeux au ciel, je sors en claquant la porte. Je me dirige vers la salle de bain d'un pas fort et précipité, au point que le son de mes pieds nus frappant le parque était parfaitement audible. Ces derniers se rétractent au contact du carrelage gelé. Si toutes les pièces de la maison sont tièdes, les seules exceptions au niveau de la température sont ma chambre, constamment gelée et la salle de bain, qui devait bien avoir un ou deux degré de plus que les autres. Seulement ça n'empêchait pas le carrelage d'être sans arrêt froid. 

-Dis donc, l'obsédée ! Tu peux au moins avertir quand tu rentres dans la salle de bain !

-Désolée Arthur, mais tu n'es pas dans la baignoire. Dommage, tu ne m'auras pas comme ça.

-Pas drôle...

J'attends qu'il sorte, trainant les pieds comme il sait si bien le faire, avant de me servir un gobelet d'eau. Je savais très bien que je n'allais pas arriver à dormir. De toutes façons, je n'aurai rien d'important à faire demain, donc autant rester éveillée et dormir dans la journée. 

Je me suis engagée dans le couloir pour me rendre jusque dans la cuisine. 

-Tu vas manger quoi ?

-Je ne sais même pas si je vais manger, puce.

Le ton enfantin de Fiona me fit sourire. Tout comme son rire enfantin. Elle était toujours de bonne humeur, cette petite princesse. Même à 2 heures de matin.

-Alors pourquoi tu es ici ?

-Je ne sais pas... Je vais peut-être faire du thé.

-Du thé ? Je pourrais en prendre dans ton mug ?

-Si tu veux, puce. 

Je lui souris et commençais à faire chauffer l'eau de la bouilloire avant de triturer les sachets de thé à ma disposition. Je ne savais pas lequel choisir. Au final un thé au réglisse me semblait être un choix pas trop mauvais. Pendant que je sortais ma boule à thé, je me demandais s'il était judicieux que je boive un thé après un verre d'eau... Bah, tant pis, ce n'est pas comme si ça allait me tuer. 

-Tiens, la folle au thé est revenue aux bonnes habitudes !

-La paix, Judith.

Judith soupira, telle une adolescente rebelle gavée par ses parents. Cette réaction me fit sourire. La petite Fiona fonça vers elle.

-Je vais jouer aux échecs avec elle, si tu nous cherches, nous serons dans le grenier.

-D'ac, Ju. Faites pas de conneries, vu ?

Mon amie soupira : 

-Promis, on foutra la paix au chieur.

-Pas la peine de t'emmerder pour moi, je suis là.

La voix trainante de Damien lui fit comprendre qu'elle était autorisée à faire tout ce qu'elle voulait à l'étage. Et accessoirement qu'elle pouvait aller se faire enculer. 

-Bon ben à plus, tête de noeud !!

-À plus petite conne...

Les deux demoiselles sont sorties de la cuisine tandis que je me suis servie une tasse d'eau bouillante avant de tremper ma boule à thé dedans. 

-Tu ne devrais pas continuer de lui parler, à cette idiote.

-Elle est drôle, tu sais. 

-Je l'aime pas.

-Je sais. Arthur non plus.

Je pris mon thé, le posais sur ma table basse et fouillais dans ma bibliothèque pour en sortir un manga. Une fois assise sur le canapé, je saisis ma boisson, ma lecture et commençais à lire. 

-Tu sais qu'elle pourrait parler de nous un jour ?

-Je sais. Je sais aussi qu'elle se grillerait par la même occasion si elle fait ça. Par conséquent elle a tout intérêt à fermer sa gueule. 

Damien eut un petit rire forcé.

-Pas faux.

-Bon, dans ce cas, laisses-moi lire tranquille. Et fous-moi la paix avec ça.

Il grommela une protestation et reprit son air taciturne. 

Arthur arriva dans la pièce et se posa sur le canapé à côté de moi, tentant de lire par dessus mon épaule. 

Au bout de quelques heures, j'entendis une voiture se garer dans l'allée, puis un bruit de clefs tourner dans la serrure. 

-Déjà réveillée ?

Ma mère me regarde avec de grands yeux fatigués.

-J'ai pas dormi de la nuit, j'y arrive pas, répondis-je avec un léger sourire.

-Comme ça je serais pas la seule à dormir, répliqua-t-elle en riant.

Elle se déchaussa et balança son manteau sur le canapé. Avec un léger sourire, elle me demanda : 

-C'était pas trop dure de rester toute seule en pleine nuit ?

-Oh, tu sais, on s'y fait.

C'est pas comme si elle était au courant des 4 personnes qui nous tournent autour tous les jours...


Ombres (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant