Rêve d'une Vie Révolue

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Le sommeil du dieu corbeau était rempli de vieux souvenirs en tous genres. La plupart du temps, ceux-ci concernaient des moments importants de sa vie : sa rencontre avec des amis, des ennemis, les grands moments de sa vie de couple avec Raven ou les meilleurs sales tours qu'il a fait avec Arsenic et Night de Cyanure.

Cependant ce soir-là, son rêve était bien plus anodin. Enfin, de son point de vue.

Il était un simple corbeau de l'époque victorienne, posté sur le balcon devant une porte-fenêtre d'une imposante bâtisse. De son perchoir, il avait pu observer par la fenêtre les ébats amoureux d'un jeune couple clandestin. Le fils des maitres de maison s'était endormi. Quant au majordome, il était censé se lever.

Seulement les chaleurs combinées des couvertures et du corps de son amant devaient le bloquer au lit. Crow ne voyait aucun mouvement de sa part. Il poussa un léger croassement énervé et s'envola pour donner un léger coup de bec à la vitre. Aucune réaction. Il redevint humain, soupira bruyamment et tenta la communication télépathique :

"Je vous attends M.White. Vous seriez bien aimable de ne pas abuser de mon temps."

Les pensées du majordome ne se firent pas attendre :

"Excusez-moi, mais si vous étiez à ma place, vous constateriez qu'il m'est difficile de m'en aller. On pourrait m'entendre, et je n'aurais aucun justificatif à cela."

Crow ricana. Qu'il était naïf de penser qu'il n'y avait pas moyen qu'il soit au courant de ses petites occupations nocturnes ! Mais il est vrai que du point de vue d'Adrian White, Crow s'appelait Alphonse Griffon et était censé venir de France, puisqu'étant inspecteur à Scotland Yard. Le genre de personne dont il se méfiait énormément.

"Et vous comptez arriver dans combien de temps ?"

"Tout dépend de l'endroit où vous vous trouvez."

"Actuellement, je regarde votre amant en train de dormir avec une peluche humaine dans les bras."

Il sentit l'esprit du blondinet s'affoler, le faisant retenir un rire. Il s'assit sur la balustrade du balcon en souriant, faisant jouer ses pieds dans le vide. Au bout d'une dizaine de minutes, Adrian White arriva face à lui. Ses cheveux blond platine étaient totalement en bataille et il avait pris le temps d'enfiler un peignoir d'Edward avant de sortir sur le balcon pour faire face à Crow. Il avait un regard neutre, mais il ne pouvait cacher à la divinité sa peur.

-Je vous conseille de vous détendre, il est hors de question que je dénonce votre relation, dans un premier temps parce qu'elle ne me concerne pas, dans un seconde temps parce que j'entretiens moi aussi ce genre de relation avec quelqu'un du même sexe que moi. Donc respirez.

Adrian White sembla se détendre un temps puis lui demanda :

-Puis-je avoir le fameux poison ?

-Bien sûr, tu remercieras la démone rouquine numéro 2 pour ça, si jamais tu la croises.

-Pardonnez-moi, mais de qui parlez-vous ?

-Cherchez pas à comprendre.

Crow lui enfonça gentiment la fiole dans la main avec un sourire en coin.

-Rappelez-vous simplement que c'est le seul poison qui fonctionnera sur le baron. Autrement vous n'arriverez pas à mener à bien votre mission. Et je doute que la famille du monsieur dont vous partagez le lit apprécie.

-Je vous remercie, mais... Quel est votre intérêt là-dedans, si je puis me permettre ?

-Disons simplement que je serai débarrassé d'un gêneur de première classe, et que potentiellement je pourrais montrer à certains idiots que je ne suis pas une mauviette.

-Et je n'aurais aucun problème avec ces personnes ?

Le majordome se doutait que le dieu corbeau n'était pas du genre à s'attirer des ennuis de la part de quelques menus criminels, ni même du gratin de Londres. Il savait pertinemment qu'il émanait de cet être une aura surnaturelle dont il préférait ne rien savoir, pour sa sécurité personnelle, et celle de ceux dont il était proche.

-Normalement, s'ils ont au moins le niveau intellectuel que je me plais à leur donner, ils devraient comprendre que vous n'êtes que de la main d'œuvre sans importance.

À la grande satisfaction de Crow, Adrian ne sembla pas s'en formaliser. Il rajouta :

-Bien, je suis attendu, bonne soirée jeune homme. Et je tiens à vous rappeler que vous n'avez pas intérêt à vous rater en l'assassinant. Au revoir.

Crow reprit sa forme de corbeau et s'envola dans le lointain.
Et au même moment, il s'éveilla, Raven dans les bras.

Il papillonna des yeux et caressa les cheveux du blessé, tentant de rassurer sur la réalité de l'existence de l'être dans ses bras. Il lui embrassa doucement le front, ce qui réveilla la Corneille.

-Hm...

-Bien dormi ?

-Comme avec toi, c'est-à-dire... mal.

Raven avait semblé cherché ses mots sur la fin, ce qui fit rire le corbeau.

-Oh, tu en es sûr ?

-Je suis resté seulement parce que j'ai le corps meurtri et que tu as fini en larmes dans mes bras, sinon je serai rentré m'occuper d'Atropos.

-Moi aussi je suis content de te voir, tu sais, grommela Crow.

Il se retourna et plaqua tout doucement Raven contre le matelas en souriant, ce que ce dernier ne semblait pas apprécier :

-Crow, arrête.

-Je vais pas te faire de mal, je veux juste... profiter de l'instant.

Raven soupira et capitula en le fixant dans les yeux d'un air complètement morne. Crow sourit et l'embrassa en douceur d'abord sur les lèvres, puis dans le cou. Marcus entra alors dans la chambre, l'air absent, comme s'il était encore endormi :

-Le petit-déjeuner est... WAAAAAAAAAAH !!!

Ce cri, démonstration de gêne, fit éclater de rire Raven et transforma l'expression de son prétendant en un mélange de désespoir et d'une pointe de colère. Il descendit du lit et regarda le jeune homme d'un air légèrement énervé :

-Tu ne pouvais pas venir à un autre moment ?

-Euh... E-et bien, j-je...

-Détends-toi, je ne vais pas te manger, soupira son logeur.

-J-je vais redescendre, à-à tout à l'heure !

Il ferma la porte avant qu'aucune des deux divinités ne puisse lui dire quoi que ce soit. Raven se redressa de son mieux. Crow soupira profondément et changea de vêtements, puis glissa à l'oreille de son ancien amant avec un petit sourire : 

-Pour le moment tu vas rester ici, jusqu'à ce que tu ailles mieux. Et je sais aussi bien que toi que tu apprécies ma façon de me comporter avec toi.

Il quitta la chambre d'un pas guilleret. Et ce fut au tour de la corneille de soupirer, tentant de se persuader que le corbeau se trompait dans ses affirmations tout en sachant qu'il avait raison.


Ombres (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant