Tristes Annonces

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Hélène avait demandé à sa fille de la rejoindre dans sa chambre. Cela inquiéta Luna.

La chambre de sa mère était une pièce agréable, certes, mais à chaque fois que la jeune fille y était convoquée, c'est parce qu'elle avait quelque chose d'important à lui dire, bien souvent déplaisant, bien que cela ne soit arrivé que rarement.

Elle se souvenait de la fois où elle avait appris qu'elle ne pourrait jamais connaitre son père, celle où elle lui avait appris que les gens qu'elle voyait étaient mort dans sa maison et n'étaient donc pas des amis imaginaires ou encore de celle où elle a su que son travail était strictement confidentiel et que, de ce fait, si jamais elle était au courant de quelque chose le concernant, la jeune fille devait se taire obligatoirement pour ne pas subir des sanctions très lourdes.

Hélène s'était assise sur son lit, souriante, tapotant la place à côté d'elle. Luna s'assit en silence, et fut surprise que sa mère la tire vers elle dans une douce étreinte maternelle. Étant dos à elle, la jeune Ombre ne pouvait voir l'expression faciale de sa mère. Elle pouvait simplement sentir les battements de son cœur et sa poitrine se soulever doucement au rythme de sa respiration.

-Luna, je vais mourir bientôt.

La voix était douce, le ton neutre, et les bras se resserraient autour du corps de la jeune fille pour lui intimer l'immobilité. Passé le choc, Luna prit la parole, la voix hésitante :

-Tu... Tu plaisante, hein ?

-Non, je ne plaisante malheureusement pas. Écoute bien ce que je vais dire et ne m'interrompt pas, c'est très important.

La jeune Ombre hocha doucement la tête en retenant ses larmes. Hélène sourit, lui caressa les cheveux et la serra un peu plus dans ses bras, la berçant tout doucement :

-Après-demain, je quitterai la maison pour la dernière fois. Je dois offrir ma vie à un monstre blanc agissant au nom du combat le plus incohérent de l'humanité. Je tiens d'abord à te dire que, quoi qu'il arrive, si je meurs, ce ne sera pas de ta faute. Retiens bien ça, s'il te plait, c'est important.

Luna lui fit savoir qu'elle comprenait par une pression de la main. Sa mère continua :

-J'ai pris mes dispositions pour que tu ne manques de rien. J'ai contacté mon travail. J'ai demandé à ce que les sœurs de Cyanure deviennent vos tutrices d'un point de vue légal. Pour que tu ne soies pas obligée de subir toute la complexité des histoires d'héritage ou autre, je serai officiellement en voyage d'affaires et des tantes, sœurs de ton père inconnu sont chargées de s'occuper de toi. Cela durera aussi longtemps que tu le voudras. Il suffira que tu demandes à Arsenic d'officialiser ma mort pour que tu puisses hériter de la maison et de tous mes biens, mais elle a ordre de ne pas te laisser faire avant ta majorité.

Hélène soupira :

-Tu sais comment sont mes frères et sœurs, à partir du moment où je mourrais, ils vont faire de leur mieux pour te dépouiller de ton héritage. C'est pour ça que je veux que tu attendes. Et si je souhaite que ce soient les démones qui s'occupent de toi, c'est parce qu'elles peuvent te protéger de ce pourquoi je vais mourir. Elles protègent la maison. Personne d'autres que ceux que tu souhaites ou des personnes de leur sang ne peut entrer. Mais attention, le jardin leur est quand même accessible.

Nouvelle pause. Luna retenait difficilement ses larmes. Pour lui, il était impossible que sa mère disparaisse. Elle représentait tout pour elle. Pendant des années, cette femme avait été la seule personne avec laquelle elle s'était bien entendue. Et maintenant, savoir qu'elle disparaitrait bientôt causait une elle une vertigineuse sensation de vide, faisant ressortir une angoisse enfantine exacerbée par l'imminence de la situation.
Et pourtant, sentir la respiration et les battements de cœurs, entendre la voix qui l'avaient toujours bercée, cela la détendait, la rassurait. Elle n'était pas encore partie. Pour le moment, elle était toujours là. Mais elle ne le serait plus très longtemps malgré tout.

-Luna, je ne vais te dire tout ce que racontent les héros de romans et de films, à base de "je vivrai toujours dans ton cœur quoiqu'il arrive alors n'ait pas peur patati patata", je sais que tu n'as pas besoin de ça. Je veux juste que tu fasses de ton mieux pour vivre sans moi, simplement. Ce sera difficile au début, comme ça l'est toujours. Mais tu finiras par t'y faire. Ne perds pas espoir, d'accord ?

La jeune Ombre hocha la tête de haut en bas. Elle comprenait ce que sa mère voulait dire. Même si elle redoutait que cela arrive. Hélène serra fort sa fille dans ses bras en la berçant, tentant de calmer la tristesse de son unique enfant.

*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*~*

De son côté, Marie-Antoinette ne savait comment faire pour avouer son décès imminent à Ophélie. Il faut dire que la jeune vampire refusait de lui parler, plus par fierté que par ressentiment personnel d'ailleurs.

Au final, elle préférait rédiger une lettre plutôt que de lui parler de vive voix :

Ma chère Ophélie,

Je sais que tu vas m'en vouloir de ne rien te dire de vive voix, mais tu ne m'aurais pas laissé parler si je t'avais tout dit en face. J'espère que tu ne m'en voudras pas trop d'utiliser ce médium pour te parler.

Ce que je vais t'annoncer est loin d'être réjouissant, et je sais que cela ne te fera pas plaisir, mais je préfère te laisser le temps d'assimiler ce qu'il va se passer plutôt que de te laisser affronter brutalement ce qu'il va se passer sous peu.

Je vais mourir, c'est un fait indéniable, et je n'y suis pour rien. Je ne le ferai que pour te protéger. Et si j'avais eu une autre façon de le faire, je n'aurais guère hésité, cependant je n'ai pas le choix.
Je m'excuse que tu aies à subir cela.

Ce qui va suivre, tu peux considérer qu'il s'agit de mes dernières volontés. Essaie de toutes les respecter de ton mieux.

Tout d'abord je t'ordonne de rester vivre chez Luna jusqu'à ce que tu soies suffisamment forte pour pouvoir te débrouiller seule avec les "Sans-Têtes-Un-Œil". Je refuse que ces enfoirés te blessent. Je remets ta garde au bons soins des sœurs de Cyanure jusqu'à ta majorité.

Ensuite, je souhaiterais que tu fasses de ton mieux pour t'offrir l'avenir que tu mérites, non pas en temps que fille de l'ancienne reine de France, puisque de tout cela ne veut rien dire, étant donné que ma position n'est pas déterminante pour te dire ce que tu as à faire de ta vie, mais en temps qu'Ophélie Grimm, vampire cherchant à vivre de son mieux dans un monde où tout est contre toi.

Pour finir, je voudrais que tu soies heureuse. Fait de ton mieux pour vivre ta vie à fond. Et surtout, surtout, ne t'approches pas de Colombe.

Dompter ta nature vampirique pourra se révéler difficile par moment. N'oublie surtout pas la fiole que je t'ai offerte quand ça sera trop difficile. Arsenic devrait pouvoir dupliquer le breuvage si tu lui permets de l'examiner.

N'oublie pas que je t'aime, ma princesse.

                                                                                    Ta Maman

Marie-Antoinette plia la lettre en tremblotant. Elle s'y était prise à plusieurs fois avant de réussir à rédiger son texte. Elle avait failli hurler à plusieurs reprises et avait déchiré de nombreuses fois son papier tant l'imminence de sa mort l'effrayait. En regardant son message de plus près, elle constatait que ses lettres montraient qu'elle avait tremblé lorsqu'elles furent écrites.

Elle hésita de longues minutes avant de passer la lettre sous la porte de la chambre de Luna, là où se trouvait Ophélie qui devait être en train de lire. Enfin, du moins, c'est ce qu'elle pensait. Jusqu'à preuve du contraire, elle ne pouvait voir à travers les murs.

Marie-Antoinette s'assit sur le canapé, et alluma la télévision, tentant de s'intéresser au bulletin d'information. Mais elle n'y arrivait pas, elle craignait la réaction de la jeune vampire. Elle avait peur que l'annonce lui fasse trop mal. Elle avait peur qu'elle se replie sur elle-même. elle avait peur de ce qu'elle ferait lorsqu'elle serait sans elle.

Mais ses pensées s'arrêtèrent au moment où elle sentit deux bras se serrer autour de son cou au point de l'éftouffer, plus dans le but de lui faire un câlin que de la blesser. La mère se retourna pour la tirer vers elle, malgré le dossier du canapé et la serrer dans ses bras. Au moins, elle ne regretterait pas ses derniers instants avec sa fille...

Ombres (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant