IX

96 22 5
                                    

Julie attend sur un siège du métro, jambes croisées et ses tympans émoustillés.
Aujourd'hui elle fixe les rails et les wagons qui les balayent ; elle se sent comme dans un gros plan au cinéma, sauf qu'elle seule voit la proportion prise par le film.
00 s'affiche sur le panneau, c'est rapidement qu'elle se lève et atteint l'extrémité du quai. Les pieds sur le tracé blanc, à la limite, dangereusement border line.
Ses pieds dans ses baskets sales, on dirait que le trou les appelle.
Il est enjolivant de se sentir happé, ce n'est pas de notre faute, il n'y a plus rien de triste à déraisonner. Il n'y a plus rien de triste parce ça se fait, de toute façon, hors de notre volonté. Julie démêle ses cheveux, elle est nébuleuse, curieusement distraite. Son cœur cogne fort et tape lourdement dans sa poitrine. Elle aurait envie de se l'arracher. D'arrondir les coins de sa piteuse attente.
La wagon ne démarre plus et pourtant elle monte dedans.
Elle a vu dans le fond, casque vissé jusqu'à l'enclume de son âme, Bastien qui se pavane.

-Bonjour Benji, elle lui claque la bise deux fois avec toute la bonhomie dont il est possible de disposer.

Il lève les yeux. Ses yeux clairs comme ceux de Julie. Avec des pointes sombres au creux, et des longs cils courbés qui noient son regard dans une sorte de langueur inexplicable.
Il ne parle pas. Bastien ne parle presque plus et s'en est frustrant pour beaucoup.
Julie se sent bien près de lui, elle se sent :
"comme en duo","faisant partie d'un tout","étant le tout, qui l'englobe avec Bastien".
Julie se sent élargie, les tiroirs de sa vie plus remplis, et le vide somme toute assez plaisant à caresser des prunelles.
De loin, sans qu'on s'y mêle.
L'hiver arrive et Julie dégèle.

(déluge)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant