VIII

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Elle allait écrire "je sais pas" mais elle a noté "merde de je sais pas".
Il y a trop de bruit dans les soirées, et au final il n'y a plus personne avec qui ne pas parler.

"-Quant on arrête de dire que les choses sont belles, c'est le moment où l'on devient amer"

Un garçon de sa classe de théâtre, César, a dit ça.
Il crache, c'est sale mais on le voit bien, que ce sont des filets de joie.
Et ses gencives sont aussi rouge que saignantes, alors il fait de gros sourires pour effrayer les gosses. Elle le reconnaît car lui et Bastien se sont battus il y a quelques semaines déjà. Depuis il garde cet intérêt spécial, presque mystique et filant.

Pour une fois, l'oreille distraite, elle a senti la phrase disloquer la base de sa nuque.
C'était comme un courant d'air tiède, qui se retire langoureusement. Ses longs bras à se balancer dans le vide, ont saisi une feuille de papier pour la noter, cette phrase d'un cours d'un jour.
Au rouge brusque, presque par dépit, pour ne plus piétiner le ciel de regards assassins, en larmes, macérés de rancoeur.
La trace à peine visible de César dans sa vie, est nue et épineuse.
Le soir, elle lui envoie un message, les yeux allongés et presque fébriles.

19:45 J'ai bien aimé ta phrase de tout à l'heure
19:47 Celle qui fait
19:47 "si on arrête de voir que les choses sont belles on devient amer"

00:03 "Quant on arrête de dire que les choses sont belles, c'est le moment où l'on devient amer
Il ne suffit plus de se noyer pour appartenir à la mer,
il faut s'y perdre en vain.
Les rues arpentent les déserts de silences qui ne demandent qu'à plaire.
Les propos clairs de mon amour n'ont su que se taire,
car l'aube était pleine de paupières maintenues ouvertes"
D. Canterbury, Sonnet en mesure

On a tout puisé dans nos livres, à en ressortir dégoulinants et fendus de richesses, puisé jusqu'à se vider nous-même, de notre substance.

(déluge)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant